Des Dakarois se prononcent après l’annonce de l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur les violences politiques
Des Dakarois se prononcent après l’annonce de l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur les violences politiques

SENEGAl-JUSTICE-REPORTAGE

Dakar, 31 juil (APS) – La saisine du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dakar par le ministre de la Justice, pour l’ouverture d’enquêtes sur les décès survenus lors violences politiques ayant émaillé le Sénégal entre 2021 et 2024, est diversement appréciée par les Dakarois interrogés par l’APS, un grand nombre soutenant qu’il s’agit d’une bonne décision.

Moussa Mbow, mécanicien de son état, vient de terminer son petit-déjeuner. Trouvé dans son garage, sis au terminus Liberté 5, il estime que ‘’les priorités se trouvent ailleurs’’. 

Selon lui, ‘’l’urgence est de s’attaquer à la vie chère’’, ajoutant que certains lui rétorqueront que ni lui ni ses proches n’en sont pas victimes. ‘’Mais, pour dire vrai, c’est une affaire très complexe qui risque encore de nous faire perdre beaucoup de temps’’, indique-t-il. 

Plaidant pour que justice soit faite, il pense toutefois qu’il sera difficile de désigner les coupables. Les coupables dont parle Moussa Ngom ne le sont pas encore, puisque la loi dispose que toute personne, même arrêtée ou inculpée est présumée innocente. Encore faudrait-il également que les enquêtes débutent et que les personnes qui seront visées soient en fin de compte déclarées coupables par la justice.

Mamy Thiam a presque la même idée sur la question. Tout de noir vêtue, lunettes sur le pif, la secrétaire de direction d’une agence privée d’import-export, rencontrée dans le quartier Sacré-Cœur, cette secrétaire de direction dans une agence privée d’import-export, soutient que ‘’les temps sont durs’’ et que c’est là où le pouvoir doit se concentrer pour trouver des solutions. 

Entre 2021 et mars 2024, le pays a connu des manifestations politiques ayant causé de nombreux morts, selon des bilans non encore formellement établis. Certaines des victimes avaient été mortellement atteintes par balle, d’autres par des  armes blanches. Nombreux parmi les protestataires s’en étaient sortis avec des blessures graves souvent avec des séquelles à vie.   

Une loi portant amnistie de tous les forfaits ayant trait à la politique commis durant cette période a été votée dans les semaines précédant la fin du mandat de l’ex président Macky Sall (2012-2024). Sauf qu’elle ne concerne pas les crimes de sang, meurtres, assassinats, actes de torture, et des faits susceptibles d’être qualifiés de crimes contre l’humanité selon les conventions supranationales signées par le Sénégal. 

L’annonce de l’ouverture d’enquêtes judiciaires est la matérialisation d’une promesse qui avait été faite en mai 2024 par le Garde des Sceaux. Ousmane Diagne avait notamment assuré lors d’un entretien avec l’Agence de presse sénégalaise que des suites judiciaires allaient être données ‘’sans faiblesse et en toute objectivité’’ aux évènements violents et meurtriers ayant secoué le pays entre 2021 et 2024. 

Une déclaration à l’époque saluée par Me Bamba Cissé, avocat au barreau de Dakar. Il martelait que l’ouverture d’enquêtes judiciaires constitue ”une étape importante dans lutte contre l’impunité au Sénégal”. 

‘’C’est une demande populaire qui a été formulée depuis très longtemps. Parce que le parti PASTEF a été porté au pouvoir avec une forte revendication liée à ces manifestations que le Sénégal a connues, de 2021 à 2024. Et ces manifestations ont causé beaucoup de dommages’’, disait-il. 

Certains citoyens encore hantés sans doutes par ces  violences continuent à réclamer justice. Un fonctionnaire, rencontré non loin de Castors, qui préfère garder l’anonymat, rappelle que la volonté des autorités d’enquêter sur les violences électorales de 2021 à 2024, est la matérialisation d’une promesse électorale. 

‘’Je pense que cette annonce du gouvernement était très attendue par beaucoup de Sénégalais. Plus qu’une promesse électorale énoncée durant les campagnes pour la présidentielle et les législatives de 2024, il s’agit même d’une demande sociale’’, soutient-il. 

‘’Ne serait-ce que pour le respect de la mémoire des dizaines de morts enregistrées durant les manifestations une enquête devrait être ouverte pour apporter la lumière sur toutes ces affaires et situer les responsabilités’’, tranche-t-il.

Estimant que dans toute démocratie, la justice constitue le dernier rempart contre l’impunité, il souhaite que les enquêtes soient menées en toute transparence, ‘’sans aucun parti pris’’. 

‘’Il ne faut pas qu’elles soient ciblées pour qu’elles donnent l’impression d’une chasse aux sorcières ou d’un règlement de comptes. Il faut qu’elles soient indépendantes et que les responsables, de quelque bord qu’ils puissent être, répondent de leurs actes devant les juridictions compétentes’’, ajoute-t-il.

Selon lui, le Sénégal est un Etat de droit et, en aucun cas, personne ne doit cautionner l’impunité. ‘’Que tout se fasse dans les règles de l’art, en parfaite conformité avec les principes et règles qui sont édictées par la loi’’, invite-t-il. 

CMS/ABB/ASB/AKS