Cantines scolaires, creusets du vivre-ensemble
Cantines scolaires, creusets du vivre-ensemble

SENEGAL-EDUCATION-ALIMENTATION

Dakar, 24 nov (APS) – Les cantines scolaires, en plus de faciliter l’accès des élèves à une alimentation riche et équilibrée, tendent à favoriser le vivre-ensemble en renforçant la cohésion de groupe, tout en contribuant à la valorisation des produits locaux.

Les acteurs scolaires, les familles et de nombreux observateurs de la société civile s’accordent sur un même constat : les cantines scolaires jouent un rôle qui va au-delà d’une simple question de restauration.

Elles offrent aux enfants l’opportunité d’être ensemble dans un cadre récréatif et convivial, mais également de découvrir et d’apprécier les saveurs et les aliments locaux, favorisant l’ouverture culturelle et le respect du terroir. 

Sur cette base, des acteurs scolaires interrogés par l’APS font valoir que les cantines se présentent aussi comme des espaces de sublimation du vivre-ensemble, en plus d’être un levier pour améliorer les performances scolaires.

La commensalité, dans ce cas précis, permet aux enfants de développer l’esprit de partage, de solidarité et de respecter des règles communes, renforçant ainsi le tissu social, selon des témoignages recueillis auprès des acteurs scolaires.

 Le fait de prendre les repas ensemble peut contribuer au vivre-ensemble et au développement de l’esprit de partage chez les enfants, a souligné le chef de la Division cantines scolaires (DCAS) au ministère de l’Education nationale, El Hadji Seck.

‘’Les cantines scolaires peuvent jouer un rôle de cohésion sociale et de solidarité entre les élèves’’, a-t-il dit à l’APS, en faisant observer qu’au-delà de l’acte de manger, la cantine est un lieu d’apprentissage de l’autonomie, de l’hygiène et de la vie en collectivité, autant de compétences essentielles au vivre-ensemble.

Des programmes de l’Etat soutenus par des partenaires internationaux comme le Programme alimentaire mondial (PAM), Counterpart International et des associations locales, fonctionnent dans cet esprit, comme des outils liant éducation, nutrition et développement.

El Hadji Seck relève que, de manière générale, ces programmes sont destinés à faciliter l’accès à une alimentation saine et à améliorer la situation nutritionnelle des enfants scolarisés dans les milieux les plus défavorisés.

A ces objectifs initiaux se greffe une ambition de contribuer à la promotion du consommer local en faisant de la cantine scolaire un débouché pour les agriculteurs.

Les cantines scolaires apparaissent finalement comme un outil efficace de protection sociale, en particulier pour les familles les plus modestes, relève le chef de la Division cantines scolaires au ministère de l’Education nationale (DCAS). 

A l’école Niaga 1 et Niaga 2, deux établissements dotés de cantines scolaires, l’ambiance est toujours ‘’bon enfant’’ à l’heure des repas assurés par la cuisine centrale du lycée moderne de Rufisque.

Les cantines scolaires contribuent à la cohésion sociale

 ‘’On constate des attitudes de partage qui favorisent la solidarité où tous s’alimentent des mêmes mets tirés du terroir pour une valorisation en même temps des produits locaux’’, confie l’un des enseignants qui accompagne le processus.

Selon Thiémokho Cissokho, enseignant à l’école Niaga 1, les élèves contribuent à hauteur de 100 FCFA pour le déjeuner (mardi et jeudi), contre 50 FCFA pour le petit déjeuner (lundi, mercredi et vendredi).

Un élève est responsabilisé dans chaque classe pour collecter tôt le matin la participation des élèves.

‘’La cantine scolaire est cruciale dans l’école : c’est un moment de partage et de socialisation. Elle permet une alimentation riche et équilibrée à prix abordable’’, note-t-il.

Les élèves participent aussi activement au nettoyage de la vaisselle et équipements de cuisine comme les marmites.

L’effet positif des cantines scolaires sur le rendement interne du système éducatif et sur les capacités cognitives des élèves au Sénégal est largement documenté, mais la dimension ‘’vivre-ensemble’’ et ‘’cohésion sociale’’ n’a pas toujours été mise en avant.

De nombreux élèves acceptent de partager leur repas avec d’autres qui n’ont pas les moyens de cotiser. Les cantines scolaires deviennent ainsi un outil de cohésion sociale, avec la généralisation de ces initiatives dans les zones vulnérables.

Aussi la Coalition nationale éducation pour tous (CNEPT) par exemple met-elle en avant l’importance des cantines scolaires dans son plaidoyer pour un accès équitable à l’éducation.

‘’Les cantines ne se contentent pas de fournir des repas nutritifs aux élèves, elles jouent également un rôle crucial dans l’amélioration des performances scolaires et la promotion de la cohésion sociale, en offrant un espace où les élèves de différentes origines peuvent se rencontrer et interagir’’, note son président, Silèye Gorbal Sy.

Elles favorisent dans le même temps un environnement d’apprentissage inclusif, les échanges interculturels et la compréhension mutuelle, dit M. Sy, militant pour l’éducation accessible à tous, depuis plus d’une vingtaine d’années.

En partageant un repas, les élèves développent des liens d’amitié et de solidarité, contribuant à créer un sentiment d’appartenance à une communauté, ajoute-t-il.

M. Sy estime que les cantines peuvent également jouer un rôle dans la lutte contre les inégalités en garantissant que tous les élèves, quel que soit leur milieu socio-économique, aient accès à des repas nutritifs, une donnée jugée essentielle pour leur bien-être et leur réussite scolaire.

Il reconnait qu’il y a tout de même quelques études mettant en avant le concept de “vivre-ensemble” dans le cadre du plaidoyer pour l’expansion des cantines scolaires, notamment dans les zones vulnérables.

Il cite notamment celles de CICODEV Afrique, l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement.

Ces dernières soulignent que les cantines peuvent servir de lieu de rencontre et d’échange, favorisant ainsi la solidarité et la compréhension mutuelle entre les élèves de divers milieux socio-économiques. Ce qui contribue à créer un climat scolaire positif et à réduire les tensions sociales.

Les cantines scolaires, véhicules des valeurs du vivre-ensemble

Les repas partagés en commun ‘’créent un environnement de solidarité, de socialisation et de valorisation des pratiques culturelles, où l’entraide se manifeste à travers une solidarité entre élèves’’, confirme le directeur exécutif de CICODEV, Amadou Kanouté.

Il en résulte que les cantines scolaires transcendent le statut social, les élèves étant amenés à manger ensemble autour d’un bol qui devient de facto un lieu de socialisation, les repas partagés se transformant en un rituel éducatif et culturel renforçant les liens entre élèves.

Ces éléments montrent que les cantines scolaires contribuent à une éducation sociale et citoyenne, essentielle pour la construction de sociétés plus inclusives.

‘’Au-delà de l’aspect alimentaire, il y a également un certain facteur de cohésion sociale. C’est véritablement le vivre-ensemble’’, relève le président de la Fédération des associations de parents d’élèves, Abdoulaye Fané.

‘’’Cela crée une affinité, de telle sorte qu’il n’y aurait plus de discrimination entre eux. Et même au niveau des parents, particulièrement des femmes qui sont chargées de la préparation de ces aliments, cela favorise une entente entre les communautés’’, note-t-il.

Cela se voit en particulier dans les zones reculées, où de nombreux élèves sont scolarisés loin de leur village.

‘’C’est un élément fondamental qu’il va falloir véritablement renforcer. Il faut essayer de créer au niveau de chaque inspection d’académie un bureau chargé de la gestion et du suivi des cantines scolaires. Je pense que c’est un élément fondamental qu’il va falloir que les ministres (Education nationale et formation professionnelle) prennent en charge’’, a dit M. Fané.

Selon la députée Khady Sarr, présidente de la commission santé et affaires sociales à l’Assemblée nationale, à travers les cantines scolaires, les élèves sont initiés au vivre-ensemble et sont disposés à mieux intégrer les questions d’équité sociale notamment.

La parlementaire considère que l’école est le meilleur cadre pour conforter le vivre-ensemble, ajoutant que dans cet esprit, les cantines aident à inculquer le sens du partage et de la solidarité.

‘’il y a de bonnes habitudes qu’on peut prendre chez les autres en mangeant avec eux’’, a soutenu l’enseignante de formation, en insistant : ‘’C’est une bonne chose de mettre ensemble les enfants autour d’un bol, [ça leur permet] de partager, de cette manière, des sentiments très forts d’égalité et d’équité […]’’.

 Avec certains de ses collègues députés, notamment ceux de la Commission de l’Education, de la jeunesse, des sports et des loisirs, Khady Sarr compte mener des activités conjointes pour nourrir la réflexion sur la question des cantines scolaires et trouver des voies et moyens de porter le plaidoyer pour leur plus grande vulgarisation.

‘’Là, j’ai commencé même à en discuter avec le président de la commission [en charge] de l’Education pour voir dans quelle mesure on peut sensibiliser l’État et les partenaires au développement pour une mise à l’échelle, et surtout les collectivités locales qui ont également une part de responsabilité, parce que l’éducation est une compétence transférée’’, a-t-elle indiqué.

Impliquer davantage la communauté

L’Etat du Sénégal, en ce qui le concerne, milite pour une plus grande implication communautaire dans ce domaine, aux côtés d’organisations telles que Counterpart International, le Programme alimentaire mondial (PAM), le Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (GRDR), une association française.

Les communautés, de leur côté, s’organisent avec comme objectif de contribuer, même en nature, au financement et à la pérennisation des cantines, selon Amadou Kanouté.

Il donne l’exemple du nord du pays où Counterpart International avait mis sur pied un programme de cantines scolaires dans la région de Saint-Louis.

A la fin du processus, le partenaire s’est retiré mais les populations ont mis en place des initiatives communautaires pour pérenniser l’expérience.

Elles ont réussi à mobiliser des fonds conséquents durant la mise en œuvre du projet pour faire fonctionner les cantines.

Dans le sud également, CICODEV et ses partenaires ont mis en œuvre des greniers communautaires pour assurer la continuité des cantines scolaires.

Dans la région de Kolda, par exemple, 49 champs communautaires et 80 jardins scolaires ont été mis en place dans le cadre d’un projet financé par le département américain de l’agriculture (USDA), pour la pérennisation de l’alimentation scolaire.

‘’Ces actions montrent une mobilisation active des communautés pour créer un environnement favorable à l’apprentissage’’, commente Amadou Kanouté.

Les études réalisées à ce sujet par CICODEV et ses partenaires apportent des arguments supplémentaires pour un soutien renforcé au dispositif d’alimentation scolaire en circuits courts.

Il ressort de ce travail que le dispositif se répercute très positivement sur le tissu de fournisseurs locaux et les parties prenantes grâce aux contrats.

Les cantines contribuent en outre à renforcer la confiance des parents dans l’école publique et à réduire leurs coûts de restauration et les inégalités entre les jeunes filles et les jeunes garçons scolarisés fréquentant les cantines, indique le directeur exécutif de CICODEV.

Les cantines scolaires constituent ‘’un facteur de cohésion’’, renchérit Aminata Ndir, responsable des opérations cantines scolaires au Programme alimentaire mondial (PAM), qui assure de l’engagement de cette agence des Nations unies pour accompagner le gouvernement du Sénégal.

Elle se félicite, dans le même temps, de la dynamique d’engagement volontaire et communautaire des femmes et des comités de gestion dans la préparation des repas dans les cuisines communautaires, sans compter l’implication des leaders communautaires et autres chefs de village.

Au-delà même de l’engagement volontaire des femmes pour le volet cuisine, il peut y avoir d’autres formes d’engagement, de participation, de contribution en nature, d’implication des chefs de village, des parents d’élèves et de l’ensemble de la communauté dans la gestion des cantines, a-t-elle fait observer.

ADL/BK/HK