SENEGAL-LITTERATURE-REPORTAGE
Dakar, 15 oct (APS) – La bibliothèque du centre culturel régional Blaise Senghor continue d’attirer un public fidèle et varié, malgré un désintérêt croissant pour la lecture de plus en plus constaté.
Située dans l’enceinte du centre du même nom, elle reste l’un des rares espaces de lecture encore accessibles dans la capitale sénégalaise, et constitue un véritable refuge pour les amateurs de livres de tous les âges et de tous les goûts.
Créée dans les années 1970, cette bibliothèque offre un fonds documentaire riche et diversifié, couvrant plusieurs disciplines.
Le lecteur peut y trouver aussi bien des ouvrages scientifiques que des romans, des livres de contes, des albums illustrés, des bandes dessinées, tous soigneusement classés pour répondre aux besoins d’un large public.
Récemment rénovée, la bibliothèque dispose aujourd’hui d’un catalogue de près de 14 000 ouvrages pour adultes et 3 775 pour enfants, comprenant notamment des revues spécialisées, des encyclopédies et différents types de dictionnaires.
Dans une atmosphère calme, la section dédiée aux enfants est fréquentée par des lecteurs âgés entre 3 à 16 ans.
Elle affiche zéro visiteurs lors du passage du reporter de l’APS, du fait notamment de la rentrée des classes effective depuis une semaine.
Dotée d’un grand écran, de tables et chaises multicolores, la salle de lecture ouvre une page nouvelle grâce à la rénovation entamée par le centre et la direction du Livre et de la Lecture (DLL).
Responsable de la section enfant, Néné Ndiaye parle avec enthousiasme de son espace. Assise sur un grand fauteuil noir, la doyenne, entourée de ses stagiaires de l’EBAD – Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar -, affirme que la bibliothèque est toujours bondée de monde, surtout durant la période scolaire et à l’approche des examens et concours.
“Avant la rentrée, au mois de juin précisément, nous avions enregistré 276 abonnés et d’ici la fin de l’année, nous pourrions avoir plus de 500 enfants. Nous accueillons des élèves du CEM Kennedy avec qui nous sommes en collaboration pour un abonnement de deux heures de lecture, ainsi que des jeunes des quartiers environnants”, explique-t-elle.
Cette bibliothèque publique, qui propose un prix forfaitaire annuel variant entre 1500 FCFA pour adultes et 1000 Fcfa pour enfants, compte parfois sur l’accompagnement de la DLL ou ses partenaires pour enrichir son fonds documentaire.
Au-delà de la fréquentation juvénile, la bibliothèque du Centre culturel Blaise Senghor accueille également un public adulte, tous âges confondus.
Dans une autre salle, se trouve justement cette tranche d’âge. Ici également, prévaut un calme idéal pour la lecture règne. Pas une mouche qui vole. Tous ont les yeux rivés sur leurs livres ou leurs ordinateurs.
Si la lecture est un passe-temps pour les uns, elle constitue pour d’autres un moment de se ressourcer et de s’évader. C’est notamment le cas de Farma Samb.
En pleine lecture d’un roman intitulé “L’écharpe des jumelles” de l’écrivain Mamadou Samb, cette comptable de formation parle de sa passion pour la lecture.
Dans la trentaine, cette amoureuse du livre invite les jeunes à renouer avec la lecture qui permet, selon elle, de “nourrir l’esprit”.
“Le livre peut être utilisé pour d’autres moyens, comme pour se documenter, s’enrichir, faire des recherches, etc.. Dans cette bibliothèque, au cours de l’année scolaire, il y a énormément d’étudiants et d’élèves qui viennent pour se documenter”, ajoute cette férue de la lecture.
Le jeune enseignant-chercheur en géologie et géotechnique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Baye Oumar Diop, pour sa part, trouve que la lecture est “très importante pour s’inspirer et faire des productions scientifiques”.
“Ici, j’ai eu à lire l’ouvrage ‘La santé des yeux’ par exemple. C’est un livre que j’ai trouvé très intéressant. J’ai eu à lire des livres comme ‘Une si longue lettre’ de Mariama Bâ [une œuvre majeure de la littérature sénégalaise voire africaine publiée pour la première fois en 1979], et là, je lis beaucoup plus de livres en anglais”, indique-t-il.
Baye Oumar Diop, pas spécialement contre l’usage de l’intelligence artificielle qui, selon lui, facilite les choses en termes de recherches, exhorte toutefois les uns et les autres à renouer avec la lecture pour ne pas donner raison à certaines opinions sur les Africains et leur lien à la lecture.
Une bibliothèque très fréquentée
“Blaise Senghor est une bibliothèque très fréquentée”, affirme la responsable de la section adulte de la bibliothèque, Sokhna Diaw, signalant que cet espace de lecture a accueilli, en 2024 par exemple, plus de 10 mille visiteurs, de tous les âges.
Selon Sokhna Diaw, rien que le mois de juin dernier, la bibliothèque du centre culturel Blaise Senghor a enregistré 1290 femmes et 906 hommes.
Elle souligne que cette section est plus fréquentée durant l’année scolaire par des élèves et des étudiants, ainsi que des chercheurs.
La proximité avec des établissements d’enseignement secondaire supérieur comme le lycée Blaise Senghor, le lycée John F. Kennedy et l’Université Cheikh Anta Diop joue peut-être en sa faveur. Il en est de même avec l’Ecole nationale d’administration, le Centre de formation judiciaire et d’autres écoles ou instituts privés dont le collègue d’excellence Birago Diop et l’Université Hampathé Ba.
“Lorsque l’abonné ne trouve pas un livre qu’il recherche, nous essayons de faire une nouvelle acquisition par rapport au besoin, en leur trouvant ce qu’ils cherchent”, explique Mme Diaw.
Pour la responsable de la bibliothèque, Foulaha Touré Diagne, beaucoup de lecteurs viennent également pour des prêts, en ce sens que l’espace permet aussi des emprunts d’ouvrages.
“On a un partenariat avec le CEM Kennedy concernant l’espace enfant. Et la principale du CEM a inscrit deux heures de bibliothèque dans l’emploi du temps de ses élèves”, souligne-t-elle.
Elle ajoute que la section réservée aux plus petits refuse parfois du monde avec en moyenne 30 ou 50 enfants qui fréquentent au même moment l’espace du lundi au vendredi.
“On peut dire que le taux de fréquentation chez les enfants peut avoisiner à l’échelle 8 sur 10 ou 9 sur 10. Des fois, on est obligés de les séparer en deux groupes en essayant d’installer les plus grands dans un coin de la grande salle”, confie-t-elle.
Trouvée dans son bureau, la directrice du centre culturel régional Blaise Senghor de Dakar, Fatou Sène Dogue, rappelle que la bibliothèque organise actuellement des activités de promotion de la lecture comme “Les jeudis littéraires”, pour rapprocher les lecteurs aux écrivains.
“Dans le cadre de l’acquisition de notre fonds documentaire, nous avons pris en compte tout ce qui touche aux sciences juridiques et politiques, car la bibliothèque est également fréquentée par élèves du Centre de formation judiciaire et ceux l’Ecole nationale de l’administration”, ajoute-t-elle.
Ces deux institutions d’enseignements supérieurs sont les voisins immédiats du centre.
Fatou Sène Dogue souligne également que la bibliothèque collabore avec une association spécialisée dans le numérique afin de développer une stratégie permettant aux élèves de “lire autrement”.
Cette approche vise à les aider à décortiquer les mots à travers des outils numériques, tout en veillant à préserver le plaisir du contact avec le livre en version papier.
AMN/HK/FKS/SMD/HB/BK

