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Tambacounda, 5 août (APS) – Le Sénégal ne dispose pas encore de données fiables sur la prévalence de la fistule obstétricale, mais de ce qu’il faut retenir des autorités sanitaires et de leur expérience de terrain, cette maladie fait des ravages dans le pays, les régions de Kédougou, Kolda, Ziguinchor (sud) et Matam (nord) étant les plus touchées.
Le mariage précoce et l’accouchement à domicile sont parmi les facteurs de risque de la fistule obstétricale. Awa Diaw, une femme originaire du village de Séoudji, dans le département de Kidira (est), se bat depuis plusieurs années contre cette maladie dite gênante.
Awa Diaw, une mère d’un âge avancé, a contracté la fistule à trente-quatre ans, à la suite d’un accouchement difficile. Mariée à l’âge de treize ans, elle a eu sept enfants.
Le mal dont souffre Awa lui cause un embarras sans pareil, qui l’oblige encore aujourd’hui à mettre des couches pour ne pas entacher ses habits.
‘’Parfois, j’ai du liquide qui sort. Je suis obligée de mettre des couches en tissu’’, confie-t-elle, forçant le ton pour raconter son calvaire.
La fistule obstétricale est un lien anormal entre deux parties du corps, comme des organes, des vaisseaux sanguins ou des intestins formant un tunnel étroit. Elle peut affecter le tractus gastro-intestinal, les poumons, les gencives, le vagin ou le cerveau, par exemple.
Les symptômes varient en fonction du type de fistule et peuvent inclure des douleurs abdominales, de la toux, une fatigue excessive ou de la fièvre mais également des douleurs locales, des fuites de pus, de sang, de matières fécales ou d’urine.
Dans ces contrées de la région de Tambacounda (est), l’accès aux soins obstétricaux de qualité se trouve fortement limité par l’éloignement par rapport à la capitale et aux autres grandes villes du pays.
Le septième accouchement, le début de l’amertume
Il y a pire que cela. Awa peinait à respecter ses rendez-vous prénataux à cause de la pauvreté. Le manque de moyens financiers l’a poussé à prendre le risque d’un accouchement à domicile non assisté par un personnel de santé.
Selon des données recueillies auprès des autorités sanitaires, dans le département de Kidira, le taux d’accouchement dans une structure de santé s’élève à 33,9 % en 2024, contre 6,4 % pour les accouchements à domicile en 2024.
Les nombreuses interventions chirurgicales n’ont pu soulager Awa Diaw, qui vit avec la fistule obstétricale depuis une vingtaine d’années.
‘’Lors de mon dernier accouchement à la maison, le pied de l’enfant était sorti en premier. Malgré les prières de mon mari, le problème persistait. Les efforts de la matrone du village ont été vains. Par la suite, j’ai été évacuée à l’hôpital, où j’ai pu accoucher’’, raconte-t-elle.
Cet accouchement difficile a occasionné des lésions profondes, qui la cloueront à la maison. Elle a tenté plusieurs fois, sans succès, une chirurgie réparatrice. ‘’J’ai été opérée plusieurs fois. Pour la première fois, grâce à une équipe médicale venue de Dakar et à des gynécologues obstétriciens venus d’Europe’’, explique-t-elle, soulignant recourir aussi à la médecine traditionnelle.
‘’Je ne peux pas compter le nombre d’opérations que j’ai subies. Et jusqu’à présent, je ne suis pas guérie. Je suis obligée de toujours mettre des chiffons. Je ne sortais plus à cause de mes écoulements. Il s’y ajoute qu’une partie de nos maigres moyens était réservée à l’achat de savon’’, se rappelle-t-elle.
Le soutien de son mari, une chance pour Awa
Après ce dernier accouchement, Awa et son époux ont décidé de ne plus faire d’enfant.
Les fistules obstétricales occasionnent des situations difficiles pour les victimes, dont certaines sont simplement abandonnées par leur mari. Awa Diaw, elle, a bénéficié du ‘’soutien total’’ de son conjoint.
‘’Mon mari a tout fait pour me soigner et m’accompagner à chaque opération. Il a vendu une partie de son bétail pour prendre en charge mes soins. Il ne me fuyait pas, il est resté à mes côtés. Jusqu’à présent, il n’a pas changé’’, se réjouit-elle, ajoutant qu’il a gardé secrète la maladie dont elle souffre.
Si Awa n’est pas encore totalement guérie, elle continue de garder l’espoir de recouvrer sa santé un jour.
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