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Dakar, 18 juil (APS) – A peine sortie de l’adolescence, Astou Faye a donné naissance à des triplés. Normalement, l’accouchement est censé être une source de bonheur, surtout pour une primipare.
Mais, ce bonheur a plutôt été fugace pour cette jeune mère de famille. En effet, après neuf mois de tourments liés à une grossesse difficile, elle a l’obligation de relever le redoutable défi d’entretenir ses trois bébés, de surcroît malnutris.
Cette fille originaire de Kaba, un village situé dans la région de Thiès, est issue d’une famille démunie. Conséquence de cette situation sociale, elle doit affronter au quotidien les difficultés de la vie, en dépit de son jeune âge.
A 19 ans, âge où les jeunes filles tentent de décrocher le baccalauréat ou apprennent des métiers, Astou Faye, elle, lutte pour la survie de ses trois bébés.
L’arrivée des triplés pour son premier accouchement s’apparente à un lourd fardeau pour elle, puisque devant nourrir trois enfants en même temps.
Ses trois enfants, Serigne Bara, Mouhamed et Serigne Saliou, ont frôlé le pire, puisqu’ils étaient à deux pas de contracter le kwashiorkor, une malnutrition résultant d’une grave carence en protéines.
Cette maladie, qui touche particulièrement les pays pauvres, et souvent, les enfants de six mois à trois ans, se manifeste notamment par des œdèmes bilatéraux des membres inférieurs. De nombreuses questions subsistent quant à la description clinique des enfants atteints, la nature des œdèmes et les facteurs socioculturels influençant leur prise en charge.
Si les trois bébés en sont arrivés là, c’est parce qu’ils sont issus d’un ménage pauvre qui peine à joindre les deux bouts.
De taille moyenne et de teint marron, Astou trottine, pieds nus, balançant légèrement son corps pour dorloter un des triplés. Il lui devenu presque impossible de trouver le sommeil, car devant une bonne partie de son temps allaiter ses bébés au biberon.
Les récoltes du champ familial comme seul espoir
Frêle maman, Astou essaie de tenir ses bébés dans ses bras avec toute la tendresse d’une mère accomplie.
Elle a pourtant vécu une enfance plus ou moins paisible, jusqu’à dix-huit ans, l’âge auquel elle s’est mariée.
‘’Elle s’est mariée à un de ses cousins, comme sa grande sœur, elle aussi mariée au fils de sa tante paternelle’’, confie sa marraine Maguette Faye.
La mère et le père d’Astou, un cultivateur de son état, font de leur mieux pour aider leur fille. Mais, tout est suspendu à la récolte du champ familial, puisque le fils-aîné qui épaulait son père dans les charges familiales est décédé, il y a trois ans. Le cadet, lui, apprend le métier de tailleur au village.
Avec ses triplés, la jeune maman peine à sortir de cette situation difficile. Son époux est encore apprenti-chauffeur et les quelques billets de banque qu’il ramène sont insuffisants à couvrir les charges de la famille.
Avec ses moyens limités, il peine à assurer l’achat du lait devant nourrir les enfants. En pharmacie, le pot de lait coûte au bas mot 3000 francs, et il en faut une dizaine pour alimenter par semaine ses bébés de huit mois.
Astou, impuissante, ne compte désormais que sur quelques bonnes volontés pour la survie de ses nourrissons.
Sa marraine, Maguette Faye, qui l’accompagne, explique qu’aucune complication n’avait été notée durant la grossesse. Elle confie que c’est à la naissance des petits que les problèmes ont débuté.
La naissance des triplés, le début des tourments
‘’Elle n’avait pas de problème durant la grossesse. Elle effectuait même des tâches ménagères. Un vendredi matin, le 22 novembre 2024, Astou a eu des contractions. Acheminée au poste de santé de Paka, elle fut référée à l’hôpital régional Amadou Sakhir Ndiéguène de Thiès où elle donna naissance à trois enfants’’, raconte la marraine.
Pour son premier accouchement, Astou a été césarisée. La montée laiteuse ayant pris du temps, ses enfants ont été immédiatement mis au biberon.
Tout se passait bien à l’hôpital où de bonnes volontés leur ont offert des biberons et un ventilateur pour faire face à la forte chaleur. Dans cette région du centre, le climat est en effet peu clément avec des températures dépassant les 35 degrés en période d’été.
Dès leur retour à la maison, les parents n’ayant pas de quoi acheter du lait, de la bouillie de mil est servie aux bébés. Ce qui a occasionné quelques conséquences fâcheuses, puisque les enfants sont devenus malnutris.
‘’Il est difficile de s’occuper d’un enfant, cela devient plus complexe lorsqu’il s’agit de trois. A leur sortie de l’hôpital, après avoir épuisé le stock de lait, nous nous sommes tournés vers le mil associé à du riz pour faire de la bouillie. C’est ce que nous donnions aux bébés’’, renseigne la marraine.
La pauvreté accable Astou et sa famille à tel point qu’elle est obligée d’aller vivre chez son père, loin de son époux.
Le seul point positif est que la demeure familiale n’est pas loin de la structure de prise en charge. ‘’Nous payons 500 francs pour assurer le transport entre Kaba et Bambey. Nous n’habitons pas loin de la route nationale”, explique la jeune dame.
A Kaba, Astou et ses enfants vivent dans une chambre que lui a aménagée son père. Elle passe la nuit à même le sol dans cette piaule dépourvue de lit, le matelas ayant perdu son épaisseur.
‘’Astou n’a pas encore rejoint le domicile conjugal, faute de moyens. Depuis son mariage, il y a un an et quelque mois, nous attendons que son mari lui trouve un toit pour y vivre. Cela prendra le temps qu’il faudra, parce que vivre au Baol n’est pas chose évidente, mais il fait de son mieux pour épauler le père d’Astou Faye dans la prise en charge de cette dernière et de leurs triplés’’, ajoute Maguette Faye.
‘’A notre arrivée au centre de santé de Bambey, j’avais 26 000 Fcfa, j’ai tout dépensé pour des frais liés aux soins des bébés’’, explique la tante paternelle d’Astou Faye. Une séance de radiographie pour un bébé coûte 8000 francs, indique-t-elle.
Les bonnes volontés, l’ultime espoir
L’espoir de cette famille repose désormais sur l’aide de bonnes volontés. ‘’Nous avions bénéficié d’aide de la part de bonnes volontés, parce que dans le Baol, la pauvreté est une réalité. Nous n’avons pratiquement pas de revenus. Actuellement, nous avons besoin de sauver ces enfants. Ils ont besoin d’eau potable. L’eau de puits ou de robinet peut être un danger pour eux, parce qu’ils n’ont que huit mois. Il leur faut également des biberons’’, implore-t-elle.
En sous poids, les trois enfants malnutris sont admis, depuis le 17 juillet, au Centre de récupération et d’éducation nutritionnelle (CREN).
‘’L’un des bébés a 3 kilos 900 grammes et les autres 3 kilos 800. Les enfants, qui sont dans la même situation au niveau des pouponnières, sont bien pris en charge’’, informe Marie Cécile Diack, responsable du CREN.
La sage-femme souligne que la pauvreté est la cause principale de cette malnutrition observée chez les jumeaux. ‘’Il est plus facile pour eux de préparer du riz en lieu et place des autres mets. Il y a d’autres plats plus nutritifs que les familles ne cuisinent pas. Le suivi doit se faire à la maison, ils ne peuvent rester ici que 10 jours. Ce délai expiré, ils retourneront à la maison’’, avance-t-elle.
Elle ajoute que Astou Faye et sa famille ne figurent pas dans leur périmètre de prise en charge, parce que Kaba ne fait pas partie du district sanitaire de Bambey.
“Etant donné que les centres de santé dénommés ‘’keur sœurs’’ ne sont plus là, nous sommes obligés de les prendre en charge’’, justifie Mme Diack. Selon elle, les bébés ont déjà un retard de croissance.
“Nous sommes juste en train de rectifier, mais c’est fini pour la croissance. L’objectif actuellement, c’est de les récupérer. Ils sont habitués au biberon, il faut les alimenter avec”, préconise Marie Cécile Diack.
NSS/HB/ASG/HK