SENEGAL-CULTURE-COMMEMORATION
Dakar, 8 déc (APS) – La commémoration du cinquantième anniversaire de la revue culturelle de langue française Éthiopiques, les 18 et 19 décembre prochains, s’inscrit dans “un devoir de mémoire”, a dit le professeur Andrée-Marie Diagne, membre du comité d’organisation.
Elle a fait observer que cette manifestation s’inscrit dans un contexte où le Sénégal vient de rendre hommage, il y a deux mois, à deux de ses fils les plus illustres que les professeurs Amadou Mahtar Mbow et Iba Der Thiam.
Le Sénégal a cœur à nouveau de faire connaître à sa jeunesse le passé “de grands hommes et femmes” qui font la réputation du pays à travers le monde, a-t-il indiqué dans un entretien avec l’APS.
“Cette célébration est mémorielle d’abord. Nous avons voulu, disons, mesurer l’impact de la revue Ethiopiques, dont le titre même renvoie à la race noire – éthiopiques veut dire noir en grec -, pour dire qu’est-ce qu’en 50 ans, cette revue a pu faire pour les jeunes Sénégalais et les Sénégalaises, pas seulement eux, mais pour tous les Africains, pour les intellectuels, pour les hommes politiques ?”, a-t-elle indiqué.
Andrée-Marie Diagne estime que cette célébration s’inscrit aussi dans une double dynamique, en ce qu’elle va donner l’occasion de jeter un regard rétrospectif sur “la riche histoire” de la revue, tout en se projetant, dans une dimension prospective, sur l’avenir de la publication en relation avec les nouveaux défis dans le domaine de la recherche scientifique.
“Cela est d’autant plus pertinent qu’Ethiopiques s’est imposée comme une des revues de référence dans le domaine des études africaines au fil des années, malgré les crises et les mutations dans le secteur de la publication. Elle a tenu les paris de la régularité dans la parution et d’une qualité des écrits qui y sont publiés”, a souligné Mme Diagne.
Elle a fait observer que la création de cette revue, quinze ans après les indépendances, a marqué le passage d’une société à l’oralité dominante à une société qui ambitionne de donner à l’écrit toute son importance.
“[…] Ce dont Senghor, Césaire et leurs amis étaient conscients, c’est qu’il fallait une politique au service de la défense et de l’illustration des valeurs de la civilisation noire. Et pour que cette défense-là soit pérenne, il fallait l’écrit”, a-t-elle dit.
“Nous passons de la société de l’oralité, dominante orale, avec nos contes, nos traditions, nos poèmes, nos mythes, nos légendes, nos hauts faits historiques, à l’écrit”, relève l’écrivaine et enseignante.
La revue Ethiopiques “a matérialisé ce besoin de fixer les choses”, des écrits qui ensuite diffusés “partout dans le monde, à travers la poésie ou par la prose, et aussi l’art”.
“Dans certains numéros d’Ethiopiques, il y a de grands peintres, des professeurs d’art dramatique, artistiques du moins, qui ont accompagné les textes avec des dessins”, note Andrée Marie Diagne, spécialiste de la littérature africaine.
“L’art, c’est une totalité. Le chant, la musique, la danse, le rythme, tout cela, on a dit, c’est l’Afrique. On l’a dit, l’Afrique qui danse, mais l’Afrique qui montre qu’elle est vivante par sa culture. Donc il fallait, par rapport à toutes ces théories [abordées par Senghor et ses compagnons fondateurs de la revue], que cette revue matérialise un peu sa présence”, explique-t-elle.
Selon Andrée Marie Diagne, Ethiopiques a été d’abord été une revue du Parti socialiste qui, au fil des années, a acquis une vocation panafricaine en abordant des sujets touchant à plusieurs disciplines de recherche, telles que la philosophie, la littérature, la sociologie, l’anthropologie et l’art.
“On peut noter une évolution même de la dénomination de la revue, parce qu’il y a le grand titre +Ethiopiques+, et ensuite les sous-titres comme par exemple revue trimestrielle de culture négro-africaine, revue négro-africaine de littérature et de philosophie”, note-t-elle.
La revue Ethiopiques a petit à petit embrassé “toutes les formes d’expressions intellectuelles telles que la philosophie, la sociologie, l’anthropologie”, selon Andrée Marie Diagne.
Au total, elle “a contribué de façon significative à la promotion des lettres africaines, un soutien qui n’est plus à démontrer”, insiste-t-elle.
Les écrivains et tous ceux qui envoyaient des articles ou commentaient les notes de lecture de la revue Ethiopiques “venaient du monde entier et c’est ce qui fait [sa] force […]”, ajoute Mme Diagne.
‘’Les universitaires, par exemple, ils sont présents partout dans le comité de lecture. Pourquoi ? Parce que pour avancer dans la carrière universitaire, ils ont besoin de publier des articles dans des revues scientifiques à comité de lecture. Éthiopiques en fait partie. Et nombreux sont ceux dont les carrières ont pu progresser au CAMES grâce à l’apparition de leurs textes dans la revue Éthiopiques”, dit-elle.
Revenant sur le programme de la célébration du cinquantenaire de la revue, Andrée-Marie Diagne a notamment signalé que la Fondation Léopold-Sédar-Senghor a organisé un concours de poésie clôturé depuis le 21 novembre dernier, sur le thème “Sur les traces du poète Léopold Sédar Senghor”.
A l’en croire, cette initiative s’inscrit dans une optique de repenser la culture africaine et le continent africain “par nous-mêmes et pour nous”.
“C’est tout le sens de ce concours de poésie, qui va permettre à différentes générations de s’affronter et de croiser leur plume. Il veut aussi rappeler l’univers poétique d’un écrivain africain, qui a su dévoiler au monde une Afrique vivante, plurielle et ouverte à l’universel”, poursuit Andrée Marie Diagne.
D’après l’enseignante, cette compétition offre en même temps l’opportunité de “re-découvrir Senghor le poète, [de] revisiter l’univers poétique de Senghor et [de] célébrer l’Afrique dans tous ses états”.
Des panels figurent également au menu de cette commémoration, en même temps qu’une exposition des exemplaires de la revue.
FKS/BK

