Amadou Chérif Diouf : le migrant devenu patron des émigrés
Amadou Chérif Diouf : le migrant devenu patron des émigrés

SENEGAL-DIASPORA-PORTRAIT

Dakar, 16 déc (APS) – La journée nationale de la diaspora dont la première édition se tient ce mercredi est un immense défi à relever pour le secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, Amadou Chérif Diouf, lui-même issu de la diaspora.

Il pilote cet événement annuel consacré par le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, en intelligence avec le ministre de l’Intégration africaine, des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Cheikh Niang,  pour sa mise en œuvre.

A 50 ans, Amadou Chérif Diouf, est presque à sa place ”naturelle”. Dans un ensemble africain blanc léger de simplicité, il surgit, impromptu, d’un couloir du 15e étage de l’immeuble Fahd. Le Secrétaire d’État chargé des Sénégalais de l’Extérieur, Amadou Chérif Diouf, reçoit l’équipe de l’Agence de presse sénégalaise (APS) dans son bureau vaste, mais modeste. Il apparaît décontracté, après près de quatre heures à l’Assemblée nationale pour les Questions d’actualité au gouvernement.

Un tableau noir imposant, sur lequel il est écrit : ‘’Jub, Jubal, Jubbanti’’, trône derrière lui comme un tableau de bord. Le fils de Mbellacadiao (Fatick, centre), une commune située dans le chaud Sine, s’était déjà acclimaté à la neige canadienne, pays dans lequel il a fait une partie de ses études. Travailleur acharné et rigoureux, selon ses proches, M. Diouf veut être blanc comme neige lorsque sonnera l’heure de la reddition des comptes.

Après tout, Amadou Chérif Diouf a adhéré au projet de PASTEF grâce au discours de son leader, Ousmane Sonko. ‘’Je me suis toujours intéressé à la politique sans jamais militer dans un parti ’’, a-t-il précisé. Mais peut-être aussi que sa passion pour la vie associative y est pour quelque chose.

De 2004 à 2006, il a été le secrétaire général de l’Association des Sénégalais de Birmingham, dont il était l’un des membres fondateurs.

Déjà en 2000, confie-t-il, j’étais parmi les étudiants qui étaient allés chercher Abdoulaye Wade, chez lui au Point E, pour un discours à l’Université. ‘’C’est ce jour-là qu’il a promis une machine à faire du mafé’’, se souvient-il, amusé, mais convaincu que c’était aussi un appel à rêver plus grand.

En 2012, Amadou Chérif Diouf mise sur une révélation, Ibrahima Fall, au premier tour, puis sur Macky Sall au second, parcourant ‘’près de 500 kilomètres, à l’aller comme au retour, entre Québec et Ottawa’’ pour une alternative au régime de Wade.

Sa rencontre avec Sonko en 2015

C’est Djamil Sané, actuel maire des Parcelles Assainies, qui l’a convaincu de rejoindre PASTEF en 2014. ‘’Finalement, j’étais séduit par le discours d’Ousmane Sonko, celui que je voulais entendre : reddition des comptes notamment’’, a-t-il confié. Une rencontre avec Sonko, son aîné d’un an, en décembre 2015, scellera cette relation adhésive avec PASTEF.

Le secrétaire d’État chargé des Sénégalais de l’extérieur se retrouve dans le destin de son leader, Ousmane Sonko, natif de Khombole, dans le département de Thiès (ouest), de mère sérère du Sine et de père diola de la Casamance (sud). ‘’(…) Je suis, par essence, un ‘’condensé’’ national, ce qui me met au-delà des contingences partisanes de nature ethnique ou géographique…’’, a écrit le leader de PASTEF dans son livre ‘’Solutions pour un Sénégal nouveau’’, paru en 2018.

Amadou Chérif Diouf voit un ‘’parallélisme’’ entre la vie de Sonko et la sienne. ‘’Je peux dire aussi que je viens de partout au Sénégal. Je suis né à Ziguinchor, de mère casamançaise et de père sérère fatickois’’, raconte M. Diouf. Fièrement. Passionnément.

Sa voix murmurante révèle une timidité qui se lit dans son sourire furtif et son rire discret. ‘’Je suis un peu timide quelque part’’, admettait-il dans un entretien avec Le Soleil Digital en fin 2024.

Un ami à lui, préférant garder l’anonymat, voit en ”Chérif un homme positif et prévenant”. ”C’est quelqu’un qui est généreux et fidèle en amitié. Chaque fois qu’il vous regarde, il pose ces questions : ‘’Tu vas bien ? Tu te sens bien ? Et puis, Dieu a fait qu’il a cette fibre patriotique. C’est pour cela qu’on l’aime beaucoup”, confie-t-il.

Un exemple de migrant de retour

L’élève Diouf a fait son cycle primaire à Tivaouane, son secondaire à Dakar et ses études supérieures à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Son pater enseignant l’a inspiré.

Il décroche sa maîtrise en Sciences économiques, option gestion, à l’UCAD, exerce six mois dans la Fonction publique comme cadre de gestion à la Direction des établissements de santé, puis s’en va pour l’Angleterre. Comprenez qu’il greffe, par moments, des envolées d’anglophile, dans son argumentaire, sans doute nostalgique de Birmingham et du Canada.

Amadou Chérif Diouf est titulaire d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en Gestion des personnes dans le milieu du travail obtenu à l’Université du Québec à Rimouski.

La vie lui sourit avec son recrutement par le groupe financier Desjardins comme conseiller en finances, puis conseiller en investissement et retraite. A 40 ans, l’homme qui a soufflé ses 50 bougies le 23 octobre dernier s’y installe avec sa famille et une maison en prime.

Le succès est au rendez-vous pour l’émigré qui a toujours souhaité son retour au Sénégal. Sauf que ‘’Monsieur Diaspora’’, qui tourne machinalement un stylo entre ses doigts, tel un tic, a décidé de relever d’autres défis. ‘’Je n’ai pas peur de l’aventure’’, a-t-il dit, estimant que le ‘’vrai bonheur’’ est dans la fierté de retourner à ses origines de Mbellacadiao et d’y mener des actions sociales.

Ses proches collaborateurs mentionnent son ”leadership”. ”Il a cette volonté de faire avancer les choses, qui fait que, comme il a l’habitude de le dire, personne n’est laissé derrière. Et ça, c’est un discours et une pratique chez lui”, souligne l’un d’eux, relevant également sa ”capacité d’écoute et sa sincérité dans la façon de voir les choses”.

L’argentier de PASTEF 

C’est le Canada qui a été le premier pays ”conquis” par PASTEF, lors des élections législatives de 2017, les premières d’Ousmane Sonko, même si la coalition Ndawi Askan Wi/Alternative du peuple avait perdu la circonscription Amérique et Océanie dont Amadou Chérif Diouf était le candidat.

Au nom du ‘’don de soi pour la patrie’’, la devise du parti PASTEF, il démissionne de son poste au Canada en février 2022, deux ans avant l’élection présidentielle au Sénégal, pour se consacrer à ses activités politiques en sa qualité de Coordonnateur de PASTEF Canada.

Cet émigré, éminence grise de la matière financière de PASTEF, s’occupe aujourd’hui des… émigrés. Le Secrétaire national aux finances du parti est la tête pensante du financement participatif avec des initiatives de levée de fonds comme ‘’Bokk Na’’ et ‘’Nemmeeku Tour’’ qu’il a menées de main de maître.

Chérif, pour les intimes, avait provoqué la colère de l’ancien ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, qui avait brandi la dissolution de PASTEF.

Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko avaient, sans doute, la certitude de tenir leur ministre de la Diaspora avant la formation du premier gouvernement, en avril 2024. Figurant parmi les premiers sur la ‘’liste noire’’ des Pastéfiens recherchés par le régime de Macky Sall, il rentre au Sénégal après l’adoption de la loi d’amnistie dans un contexte où les deux prisonniers, Diomaye et Sonko, ont besoin d’argent pour rattraper les jours de campagne perdus.

‘’L’argentier de PASTEF’’, comme le surnomment ses camarades de parti, fêtera la victoire au soir du 24 mars à l’hôtel Azalaï, quartier général de son candidat. Le nom de Chérif Diouf était en lui-même un CV tant il a été l’un des artisans de la victoire du candidat de PASTEF.

A ceux qui estimaient qu’il méritait mieux que le Cabinet de Secrétaire d’État chargé des Sénégalais de l’Extérieur, il répond : ‘’Même si c’est petit, je vais justement le rendre grand’’.

HK/MTN