A Colobane et Rebeuss, les promesses de l’après déguerpissement
A Colobane et Rebeuss, les promesses de l’après déguerpissement

SENEGAL-DESENCOMBREMENT-REPORTAGE

Par Lamine Sow

Dakar, 9 oct (APS) – La vaste opération de déguerpissement menée par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, tient en haleine la capitale sénégalaise depuis fin septembre dernier, avec la promesse de voir certains quartiers se métamorphoser à terme.  

Sur le terrain, la police et la gendarmerie veillent au grain, en même temps que plusieurs services étatiques, dans l’optique de pérenniser une initiative qui s’inscrit dans une politique nationale visant à “restaurer l’ordre, la discipline et la salubrité dans l’espace publique”.

Interrogés par l’APS, de nombreux citoyens saluent cette initiative et appellent en même temps les autorités à maintenir la vigilance pour éviter toute occupation clandestine des lieux déguerpis. Comme à Colobane, un quartier populaire de Dakar à l’ambiance d’ordinaire électrique.

Le décor quotidien de ce quartier est constamment marqué par des voitures et motos-taxis bouchonnant la route, tandis que les trottoirs sont envahis par des tentes et étals de marchands ambulants.

Contraints de marcher sur la chaussée, les piétons se frayent difficilement un chemin entre les voitures et les motos-taxis dans un vacarme de klaxons.

En cette fin du mois de septembre, la devanture du Parc à Mazout, dans la zone commerciale, longtemps occupée par des personnes vivant de la mendicité, en majorité des ressortissants étrangers, a changé radicalement de décor. Plus de tentes ni de baraques, l’espace est désormais vide, mais une odeur nauséabonde persiste dans l’air.

A proximité, sous une tente, se trouve Moustapha Dione, étudiant en première année de géographie et vendeur d’accessoires de téléphone. Assis sur un banc, séparé du lieu déguerpi par des plaques de zinc peintes en couleur rouge, il magnifie l’acte du ministre. “Je salue cette initiative du ministre Bamba Cissé, car un pays doit être propre. La propreté fait partie des éléments qui préservent notre santé”, affirme-t-il.

Cet espace déguerpi était auparavant occupé par des mécaniciens, des menuisiers et autres artisans délogés il y a plusieurs mois. Mais comme la nature a l’horreur du vide, des personnes sans abri, vivant de la mendicité, sont venues s’y installer, transformant les lieux en un domicile.

A Colobane et Rebeuss, les promesses de l'après déguerpissement

Sur le même alignement, à quelques mètres de l’emplacement de Moustapha, se trouve Abdou Karim Mbaye, communément appelé Baye Fall par ses pairs et vendeur de maillots.

Pour lui, les autorités doivent aller au-delà du simple déguerpissement. “Nous demandons aux pouvoirs publics d’aménager l’espace et de le mettre à la disposition des vendeurs que nous sommes. C’est le seul moyen d’empêcher les occupations anarchiques, c’est aussi une solution pour que nous puissions libérer les trottoirs”, explique-t-il, assis sur un tabouret, un  masque sur les narines pour se protéger de l’odeur pestilentielle.

Après la zone commerciale, cap sur la cité portuaire de Colobane, à quelques mètres de la mosquée Masaalikul Jinaan, où sont installés des menuisiers, des mécaniciens et des tôliers.

Assis devant sa maison, en face d’un atelier mécanique de taxis, Cheikh Diop, âgé de plus de 60 ans, salue l’initiative du ministre de l’Intérieur et appelle les autorités à aller jusqu’au bout de leur logique. “Le déguerpissement est une excellente chose, car cela va drastiquement réduire les agressions à Colobane. Beaucoup de voleurs et d’agresseurs se réfugiaient dans ces lieux”, note l’ancien mécanicien.

Non loin de cet atelier, se trouve Amadou Fall, maréchal ferrant, habitant à Yeumbeul, dans la grande banlieue dakaroise, et venant quotidiennement travailler à Colobane. “Un maréchal ferrant est une personne qui pose le fer sur le sabot du cheval”, précise-t-il. Assis sur une brèche, en attente de clients, cet homme d’une cinquantaine d’années au teint noir, à la taille élancée et à la forte corpulence, adhère à l’opération de déguerpissement.

“Le désencombrement est une bonne chose, car les gens ne peuvent pas vivre dans une anarchie totale”, affirme-t-il, en ajoutant : “mais les autorités doivent nous trouver un endroit où nous installer et travailler, car avant tout, nous sommes des citoyens sénégalais et des pères de familles. Nous travaillons dur pour nourrir nos familles”.

Comme à Colobane, à Rebeuss, au garage Lat-Dior en particulier, près du palais de justice, l’Etat reprend le contrôle. Mécaniciens, tôliers, chauffeurs “Ndiaga Ndiaye” et autres occupants des abords de la route ont tous été déguerpis, le 22 septembre par le ministre de l’Intérieur Mouhamadou Bamba Cissé qui poursuit son opération de déguerpissement entamée deux jours auparavant à Colobane.

Ici, toute l’emprise est libérée. A l’approche des lieux déguerpis, une voiture attire l’attention. Il s’agit d’un véhicule de la Police nationale.

A côté, quelques policiers veillent à ce que l’espace ne soit pas réoccupé clandestinement. Aucune tente ne flotte sur les lieux. Comme à Colobane, le garage Lat Dior est animé. Les ruelles grouillent de monde et le bruit des voitures se mêle au brouhaha ambiant.

A Colobane et Rebeuss, les promesses de l'après déguerpissement

En cette matinée, plus d’une vingtaines d’agents de la mairie de Dakar-Plateau sont venus inspecter les lieux. Parmi eux, un jeune attire particulièrement l’attention. Cahier et stylo à la main, il observe avec concentration le moindre mouvement des “Ndiaga Ndiaye”  stationnés à proximité des lieux déguerpis. Il s’agit de Paco, connu sous le nom de Diaz Paco, responsable des agents de la commune de Dakar-Plateau. Selon lui, tous les Dakarois doivent soutenir les efforts fournis par l’Etat pour rendre le Sénégal propre. D’ailleurs, les agents de la municipalité de Dakar-Plateau avaient déjà entamé une opération de désencombrement, fait-il savoir.

Tout comme au Parc à mazout, au garage Lat Dior, cette opération n’est pas une première. Pour éviter toute occupation clandestine, les habitants invitent l’Etat à aménager les espaces libérés.

Jacques Sylla, habitant de Rebeuss, quartier Niayes Thioker, âgé de plus de 60 ans, insiste sur cette proposition.  “Cet espace doit être transformé en un espace vert où des gens peuvent se détendre et redonner à la ville son image d’antan. C’est la seule alternative pour empêcher l’occupation anarchique”, explique-t-il, ajoutant : “L’Etat doit augmenter le nombre d’agents de la police pour éviter toute sorte d’occupation”. 

LS/ADC/BK/HB/ASB