Dakar, 22 fév (APS) – La suspension pour 90 jours de l’aide publique américaine, qui passe par USAID, l’agence des États-Unis pour le développement international, est perçue comme un véritable coup de massue par de nombreuses organisations de la société civile sénégalaise qui interviennent sur des questions de gouvernance et de démocratie.

Cette décision de l’administration Trump a pris de court le directeur exécutif de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Enda Ecopop, membre du réseau international Enda Tiers-Monde, Abdoulaye Cissé.

‘’C’est une décision qui nous a beaucoup surpris, surtout que la plupart de nos activités étaient financées par USAID mais, je ne peux pas me prononcer davantage sur la question’’, a indiqué Monsieur Cissé dans un entretien avec l’APS.

Dès son installation, le 20 janvier dernier, à la Maison Blanche, le président Donald Trump a gelé, sans préavis, l’aide américaine pour une durée de 90 jours, paralysant ainsi de nombreux secteurs socio-politiques à travers le monde.

Or, grâce aux financements de l’USAID, à travers notamment le National Democratic Institute (NDI), le Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE) a pu déployer des observateurs à travers le Sénégal lors des trois dernières élections organisées dans le pays (législatives du 31 juillet 2022, présidentielle du 24 mars 2024 et élections législatives du 17 novembre 2024).

Toutefois, le président du COSCE, le professeur Babacar Guèye, estime que la suspension, pour 90 jours, de l’aide américaine aux organisations de la société civile n’aura pas d’incidence réelle sur leurs activités.

D’une durée de trois ans, a-t-il confié à l’APS, le programme du COSCE, qui était financé par le NDI, a pris fin le 31 janvier dernier.

‘’Le COSCE avait reçu une subvention du NDI ; ce qui lui a permis d’observer les trois dernières élections qui ont eu lieu au Sénégal’’, a indiqué le professeur Guèye, ajoutant que la structure qu’il dirige a reçu par le passé des financements directs de l’USAID portant notamment sur l’observation des élections au Sénégal.

Une mesure diversement accueillie

Avec la fin du programme de partenariat entre le NDI et le COSCE, depuis le 31 janvier dernier, il pense que le gel de l’aide américaine n’aura pas d’impact réel sur les activités de son collectif lequel, a-t-il rappelé, bénéficie de financements d’autres partenaires.

‘’Il y a évidemment l’Union européenne avec qui on est en train d’exécuter un programme dénommé +Sakhal Jamm+ pour promouvoir la paix. Ensuite, le collectif a un programme financé par la Grande-Bretagne et qui porte sur la mise sur pied d’un observatoire de la démocratie. Présentement, ce sont les deux financements dont dispose le COSCE pour les élections’’, a souligné le professeur Guèye.

Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’ONG 3D, bénéficiaire des financements de l’USAID, n’a pas caché son désarroi sur le site internet de France24 visité par l’APS.

‘’Il est clair que la suspension des financements va avoir un impact très fort sur nos activités, parce que l’USAID nous finance dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la nutrition, des questions de gouvernance démocratique, de la démocratie budgétaire, mais aussi de la question des ressources extractives. Nous avons plusieurs programmes qui seront concernés’’, a-t-il fait savoir.

A la tête du Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (GRADEC), Babacar Fall se dit totalement solidaire des organisations de gouvernance démocratique dont les activités seront rudement impactées par la suspension de l’aide internationale américaine.

Des incidences sur les programmes déroulés et le personnel

 ‘’Je comprends la tourmente dans laquelle doivent se trouver les bénéficiaires des financements de l’USAID’’, a-t-il déclaré dans un entretien avec l’APS, précisant que sa structure n’a jamais été financée par les Américains.

‘’En tant qu’organisation avec dix ans d’expérience, le GRADEC n’a jamais bénéficié de l’aide américaine, que ce soit avec l’USAID ou toute structure dépendant de l’ambassade des Etats-Unis’’, a précisé Babacar Fall.

A l’en croire, ‘’les conséquences seront considérables pour toutes les autres organisations de la société civile qui ont eu à travailler depuis pratiquement un peu plus d’une décennie avec l’USAID directement, ou à travers d’autres entités dépendant de l’agence américaine’’, telles que le NDI.

‘’Effectivement pour ces organisations, il y aura des conséquences parce qu’elles ont des programmes en cours, et elles seront obligées de les stopper tous. Nécessairement, il y aura des incidences pour le personnel et pour les programmes eux-mêmes’’, a-t-il souligné.

Selon lui, les activités de gouvernance démocratique menées depuis plusieurs années par les organisations de la société civile sont cruciales et insufflent un nouvel esprit démocratique dans de nombreux pays africains. A ce titre, il a jugé périlleux tout gel de financements destinés à ce secteur.

Le GRADEC a eu comme principaux bailleurs l’ambassade du Canada, à travers le Fonds canadien d’initiative locale (FCIL), Osiwa, l’ambassade des Pays-Bas et actuellement l’Union européenne. ‘’Ce sont là les bailleurs qui travaillent avec GRADEC’’, a-t-il précisé Babacar Fall.

Afrikajom Center a misé sur l’autofinancement

Bien qu’ayant travaillé avec l’USAID, le think tank Afrikajom Center n’a jamais bénéficié de fonds de la part de l’agence américaine, si l’on en croit son président Alioune Tine, joint au téléphone.

‘’Nous avons commencé à travailler avec nos propres moyens. C’est lorsque nous avons commencé à faire des publications que les gens se sont intéressés à notre structure et ont décidé de nous financer’’, révèle l’ancien secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO).

Insistant sur l’importance de l’autofinancement, Alioune Tine a déclaré qu’Afrikajom Center a l’habitude de travailler avec ses propres moyens, grâce aux consultances effectuées pour le compte de très grandes organisations comme le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). ‘’C’est de cette manière qu’on s’autofinançait avant de bénéficier de financements extérieurs’’, a-t-il signalé.

Optimiste, Alioune Tine ne doute pas que les organisations de la société civile touchées par le gel de l’aide américaine feront preuve d’ingéniosité pour pouvoir dérouler leurs programmes dans le domaine de la citoyenneté, des droits de l’homme et de la gouvernance démocratique.

HB/SBS/OID/ABB

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