Par Amadou Ba (APS) Dakar, 26 juil (APS) – Il y a cette idée, trop bien-pensante, selon laquelle le sport ne doit pas se mêler de la politique, et vice versa. La réalité, c’est que les manifestations sportives, celles d’envergure mondiale surtout, servent souvent de tribune à des revendications politiques. Les Jeux olympiques (JO) n’ont jamais dérogé à cette règle. Se refuser à le reconnaître relève de la naïveté ou de la mauvaise foi. Dans les deux cas, c’est s’obliger à passer sous silence les enjeux de pouvoir et de domination derrière l’idée que le sport doit rester neutre vis-à-vis de la politique. Il est vrai qu’en initiant les JO modernes, en 1896, Pierre de Coubertin (1863-1937) a voulu célébrer la saine émulation et l’esprit fraternel dans le sport. Une idée résumée dans son célèbre slogan : « L’essentiel est de participer ». Mais cette philosophie ne dit pas tout du sport, qui, bien souvent, est le terrain sur lequel se prolongent les batailles diplomatiques et les revendications politiques. Pour cette présente édition des Jeux olympiques Paris 2024, le match ayant opposé le Mali à Israël (1-1), mercredi, deux jours avant l’ouverture officielle des olympiades, ce vendredi, a fait beaucoup parler, et pas seulement sur le plan footballistique. « Septembre noir » Un match de football « sous haute surveillance », relevait la presse française, dont la quasi-totalité des titres n’a pas manqué d’insister sur l’atmosphère particulière ayant entouré cette rencontre sportive. Aux abords du Parc des Princes, théâtre de cette confrontation, plusieurs éléments des forces de police françaises, en uniforme ou en civil, veillaient au grain. Dans le stade, l’hymne israélien a été hué et des drapeaux palestiniens brandis. L’actualité dominée par la guerre que mène Israël contre les territoires palestiniens fait ressortir la dimension géopolitique, voire militante des compétitions sportives et, donc, des JO. Une situation pas inédite, l’histoire des Jeux olympiques modernes ayant été particulièrement marquée par des manifestations et des revendications politiques. Les JO ont toujours été un terrain d’amplification des revendications idéologiques et de la propagande politique, au grand bonheur de certains pays ou athlètes. Munich, Allemagne de l’Ouest, 5 septembre 1972. Le monde découvre avec effroi un événement aux antipodes de l’olympisme. Au matin de ce 10e jour de compétition des Jeux olympiques de cette année-là, huit membres de l’organisation palestinienne « Septembre noir » s’introduisent dans le village olympique. Ils abattent deux membres de l’équipe israélienne et prennent neuf autres en otage. Les preneurs d’otages réclament la libération de 200 Palestiniens emprisonnés en Israël. Ils demandent aussi d’être transportés vers Le Caire. Les autorités allemandes font mine d’accepter, et vers 22 heures, deux hélicoptères transportent les assaillants et les otages à la base aérienne de Fürstenfeldbruck. Quand la « perle noire » faisait déjouer le Führer La police allemande avait prévu d’attaquer à cet endroit. L’assaut se termine finalement dans un bain de sang : les otages sont assassinés, cinq des terroristes sont abattus et un policier tué. Les Jeux olympiques sont suspendus et un hommage rendu aux disparus dans le stade olympique. Pour ne pas céder à la menace, le Comité international olympique (CIO) ordonne la poursuite des compétitions après une pause de trente-quatre heures. Cette opération spectaculaire aura contribué à mettre la cause palestinienne au-devant de l’actualité mondiale. L’athlète africain américain, Jesse Owens, remporte quatre médailles d’or aux JO de Berlin, en 1936, sous les yeux d’Adolph Hitler. Quelques années plus tôt, en 1936, se tenaient à Berlin, en Allemagne, les 11èmes olympiades. Adolf Hitler (1889-1945) espérait que ces JO seraient l’occasion de prouver sa théorie relative à la supposée supériorité de la race aryenne. Le 9 août, Jesse Owens (1913-1980), jeune athlète africain-américain de 23 ans, va marquer à jamais l’histoire de l’olympisme. Il réalise une performance inédite jusqu’alors en remportant quatre médailles d’or sur 100 mètres, en saut en longueur, aux 200 mètres et aux 4 x 100 mètres. Devant une telle performance, le Führer allemand, qui pensait faire de ces olympiades un support de la propagande nazie, quitte le stade, fou de rage, sans serrer la main de « la perle noire ». Le public berlinois, pour sa part, n’avait pas arrêté d’acclamer Jesse Owens, un véritable héros depuis ce jour resté mémorable. Un trophée récompensant les meilleurs athlètes américains porte d’ailleurs son nom aujourd’hui. « Black Power » En octobre 1968, Mexico City accueillait les Jeux olympiques, au Mexique, dans un contexte marqué aux États-Unis par la ségrégation raciale. Personne n’était donc véritablement surpris de voir les athlètes noirs américains et certains de leurs compatriotes blancs mettre un macaron sur leurs tenues : « Olympic Project for Human Rights » (Projet olympique pour les droits de l’homme). Ils ne souhaitaient pour rien boycotter les JO, mais étaient absolument décidés à montrer aux yeux du monde les injustices dont étaient victimes les Africains-Américains. Le 16 octobre, Tommie Smith (il est âgé de 80 ans depuis le 6 juin dernier) remporte l’épreuve du 200 mètres. Son compatriote John Carlos (il est âgé de 79 ans depuis le 5 juin dernier) termine troisième de la course. Lors de la remise des médailles, les deux Africains-Américains, une fois sur le podium, lèvent un poing ganté de noir et gardent la tête baissée pendant que résonne l’hymne des États-Unis. Le pays est alors en pleine période de lutte pour les droits civiques. Par ce geste symbolique, les athlètes africains-américains entendaient protester contre la ségrégation raciale encore en cours dans leur pays. Bien qu’ils n’aient jamais fait partie du mouvement Black Panthers, les deux athlètes sont en phase avec l’idéologie « Black Power » (le pouvoir noir aux États-Unis) popularisée deux ans plus tôt par l’un des fondateurs de ce mouvement, Stokely Carmichael (1941-1998). Le CIO juge leur attitude « scandaleuse » et ordonne aux officiels américains de suspendre Smith et Carlos. Par leur geste, ils font des émules et sont exclus à vie des Jeux olympiques. L’arme du boycott Comme une revanche de l’histoire, en 2004, la commune française de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, baptise sa salle des sports et lui donne le nom de Tommie Smith. La Courneuve lui emboîte le pas en 2007. En 2005, une statue montrant Carlos et Smith sur le podium des médaillés des JO de 1968 est érigée sur le campus de l’université de San José, aux États-Unis, où les deux athlètes étaient étudiants. Si certains États profitent souvent des compétitions sportives internationales pour amplifier leurs revendications, d’autres choisissent carrément le boycott. En 1980, en pleine guerre froide, les Jeux olympiques se tiennent à Moscou, la capitale de l’ex-URSS, sans les États-Unis, qui sont restés à la maison, mais le pays leader du bloc de l’Ouest, contre celui dit communiste, n’était pas seul dans cette option. Les Américains ont réussi à rallier à leur cause le Canada, le Japon, la République fédérale d’Allemagne et une soixantaine d’autres pays. Le Sénégal, sollicité par Jimmy Carter (99 ans depuis le 1er octobre dernier) en marge d’une tournée africaine de Mohamed Ali (1942-2016), choisit la voie du non-alignement. D’autres pays, comme la Grande-Bretagne et l’Australie, soutiennent l’initiative mais laissent à leurs athlètes le choix de se rendre ou non à Moscou. « Le sport a été, est et sera toujours politique ! » Quatre ans plus tard, en 1984, les Soviétiques rendent la monnaie de leur pièce aux États-Unis en boycottant les Jeux olympiques de Los Angeles. Un geste imité par une quinzaine de pays, dont la plupart font partie du bloc de l’Est. Le premier boycott des JO a eu lieu des décennies plus tôt, en 1956, à Melbourne, en Australie. Cette année-là avait été marquée par des événements politiques majeurs, avec des ramifications internationales : l’affaire du Canal de Suez, le deuxième conflit entre l’Égypte et Israël, les violences en Afrique du Nord, particulièrement en Algérie, etc. Dans ce contexte politique chargé, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse choisissent de boycotter les JO pour dénoncer l’invasion soviétique en Hongrie et la « répression sanglante » qui s’en était suivie. Vecteur de revendications idéologiques et de propagande politique, les Jeux Olympiques ont toujours servi de tribune politique. L’Égypte, l’Irak et le Liban, de leur côté, s’opposaient à la présence d’Israël en Australie en raison de la crise du canal de Suez. La République populaire de Chine, pour sa part, avait tout bonnement décidé de quitter Melbourne après que le drapeau taïwanais a été hissé. « Les Jeux olympiques sont des compétitions entre individus, non entre nations », déclarait l’Américain Avery Brundage (1887-1975), alors à la tête du CIO, dans l’espoir de tempérer les ardeurs nationalistes des uns et des autres. Une façon, selon lui, de rappeler certaines dispositions de la charte olympique, dont l’article 50 stipule : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. » Lukas Aubin, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques, en France, et spécialiste de la géopolitique du sport, est d’avis que « le sport a été, est et sera toujours politique ! » Sinon comment comprendre la décision du CIO d’exclure les sportifs russes de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 sur la Seine et de n’autoriser que 14 sportifs russes à concourir sous bannière neutre ? La guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine est passée par là. Pour ne donner qu’un petit exemple de l’absence des athlètes russes aux Jeux olympiques de Paris, il suffit de rappeler que lors de Tokyo 2020 (les compétitions ont eu lieu en 2021 en raison de la pandémie de Covid-19), ils étaient au nombre de 330, raflant 71 médailles dont 20 en or. Revendications en mondovision Moscou a beau jeu de fustiger une discrimination « sans précédent » contre ses athlètes, dont certains ont d’ailleurs décidé de ne pas participer bien qu’ayant été autorisés par les instances sportives. On le sait, le sport reste un moyen efficace pour montrer la puissance d’un pays ou d’un gouvernement. C’est comme cela qu’il faut comprendre la décision de la France de refuser en 1954 l’entrée dans son territoire au légendaire fondeur soviétique Emil Zátopek (1922-2000), né dans l’ex-Tchécoslovaquie. La France, par cette décision, ne voulait pas offrir à l’homme aux quatre titres olympiques et aux 18 records du monde une occasion supplémentaire de s’illustrer devant les athlètes du monde occidental. Les JO constituent en outre une belle occasion de placer sous les projecteurs du monde une doléance peu ou pas traitée par les médias. En 2000, lors des olympiades de Sydney, en Australie, le monde avait enfin ouvert davantage les yeux sur la cause aborigène, un problème jusque-là « local », mais auquel les Jeux olympiques ont donné une résonance internationale. Lors de la cérémonie d’ouverture, l’honneur d’allumer la vasque olympique était revenu à Cathy Freeman, 51 ans, une Australienne d’origine aborigène. Sacrée championne olympique du 400 mètres, elle avait effectué un tour d’honneur avec deux drapeaux, australien et koori, qui symbolise les couleurs aborigènes. Cathy Freeman, médaillée d’or aux 400 mètres des JO de Sydney, avec le drapeau koori des Aborigènes d’Australie. Il faudra attendre février 2008 pour que le gouvernement australien, par la voix du Premier ministre de l’époque, Kevin Ruud, s’excuse pour les tentatives d’assimilation, l’ostracisme et le racisme au quotidien des descendants européens envers les Aborigènes. Nul doute que l’initiative de Cathy Freeman a contribué à accélérer les choses. Au-delà des manifestations de soutien ou d’hostilité de certains États, le CIO lui-même, en dépit de son appel à la neutralité, ne manque pas de prendre ses responsabilités dans certains cas. C’est ce qui est arrivé quand il prit la décision d’exclure officiellement l’Afrique du Sud de ses instances en 1970, en raison de l’apartheid prévalant dans ce pays. Après trente-deux ans de disette olympique, le pays de Nelson Mandela (1918-2013) sera réintégré par le CIO en 1991, à l’issue d’une visite du vice-président de l’organisation, le Sénégalais Kéba Mbaye (1924-2007). Des messages de soutien Les compétitions sportives internationales se présentent ainsi comme des occasions rêvées de faire valoir son militantisme politique. Comme on l’a vu lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations de football, en Côte d’Ivoire, en 2023. Les membres de l’équipe nationale de la République démocratique du Congo ont saisi l’opportunité de cette édition de la CAN et de leur présence sur le terrain pour envoyer un message au monde, une main sur la bouche et une autre mimant un pistolet sur la tempe, pour dénoncer la guerre dans plusieurs parties de leur pays. Ils tenaient, en même temps, à déplorer le silence de la communauté internationale devant cette situation. Il y a aussi tous ces sportifs, individuellement ou en équipe, pour passer régulièrement des messages de soutien du genre : « Free Palestine » (Libérez la Palestine), par exemple. Ils mettent un genou à terre, dans le sillage du mouvement « Black Live Matters » (La vie des noirs compte). Mais, à l’évidence, exprimer ses griefs, en pleine compétition, lors des Jeux olympiques, en mondovision, reste sans commune mesure pour qui veut que sa revendication soit vue et entendue par toute la planète. ABB/BK/ESF
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