Dakar, 9 août (APS) – L’artiste plasticien sénégalais Zulu Mbaye a justifié sa non-participation à la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art) par le fait que cette manifestation se trouverait dans un “mimétisme” ne permettant pas de montrer les “choses nouvelles” que l’Afrique a à proposer au monde.

“Le monde entier nous envie cette biennale. C’est l’une des manifestations artistiques les plus importantes du continent. Si vous voyez que je n’y participe pas, c’est parce que j’ai constaté une absence de sens, une absence de contenu alors que nous avons des choses nouvelles à dire et à proposer au monde”, a-t-il dans un entretien avec l’APS en prélude à la célébration de ses cinquante ans de carrière en octobre-novembre prochain.

“Je ne peux pas participer à du mimétisme. Je ne veux pas qu’on organise cette biennale comme on organise la biennale de Sao Paulo ou de Venise ou d’ailleurs”, a insisté Mbaye, prié de donner les raisons de cette absence depuis 1992, année de son unique participation à Dak’Art.

Zulu Mbaye se demande “pourquoi l’Afrique ne cherche pas à intéresser le monde à l’art africain au lieu de faire de l’art africain un mimétisme de ce qui se fait ailleurs”. “Ça me fait mal. Et nos intellectuels ne nous aident pas à trouver un contenu qui existe. Il suffit de mettre les mots dessus pour que ça soit quelque chose d’original. Le monde a besoin de choses nouvelles. Ce n’est pas en suivant des choses desséchées, aseptisées, inanimées qu’on montrera ces choses nouvelles”, a-t-il estimé.

Les Occidentaux, “quand on interroge leurs trajectoires, on peut comprendre qu’ils en soient à ce stade, mais est-ce que c’est notre réalité ?”, s’est encore interrogé l’artiste peintre, ajoutant : “En tant que Négro-Africains, qu’est-ce que nous avons à proposer au monde ?  Est-ce que nous sommes asséchés et inanimés comme eux ? Nous sommes porteurs d’idées qui peuvent intéresser le monde, mais on ne le fait pas. Nous sommes là à suivre les Occidentaux. On fait ce qui se fait à Paris, Tokyo, New York sans se dire que Dakar aussi doit porter un concept.”

“Dakar doit proposer un contenu qu’on va proposer au monde, a-t-il poursuivi. Mais nous n’avons pas à nous comporter comme si nous n’avions pas de génie. Nous avons sauvé le monde artistique avec la rencontre de Picasso avec la statuette négro-africaine. Pourquoi nous nous sous-estimons ? Pourquoi nous foulons du pied notre culture ?”

Zulu Mbaye a expliqué sa non-participation au Salon national des artistes pour les mêmes raisons, soulignant que ces manifestations ont été “récupérées” par l’État devant le manque d’organisation des artistes.

“Je ne participe plus aux manifestations organisées par l’État. Parce que je trouve que l’État a récupéré les acquis que les gens de ma génération avaient eus à la suite d’âpres luttes”, a-t-il indiqué.

“C’était le Salon national des artistes. C’était l’Association nationale des artistes qui organisait avec l’appui de l’État sénégalais. Le président de la République venait à l’ouverture. Depuis, les artistes sénégalais ont lâché et l’État l’a récupéré”, soutenu Zulu Mbaye, estimant qu’aujourd’hui, “on ne devrait plus parle du Salon des artistes sénégalais, on devait plutôt dire +Salon du ministère de la Culture+ parce que c’est l’État l’organisateur.”

La seule participation de Zulu Mbaye à une biennale de l’art africain contemporain remonte à la première édition organisée en 1992. Il a précisé à ce sujet : “Depuis 1992, je n’ai pas participé à la biennale organisée par l’État sénégalais. J’ai toujours participé aux biennales en organisant des expositions internationales parallèles. Et ce n’est pas un hasard si la presse m’a appelé +père du Off+, parce que j’ai été à l’origine du +Off+ de Dak’Art avec une exposition que j’ai organisée en 1996 aux Almadies. Aujourd’hui, quand je vois qu’au Sénégal, il y a partout des +Off+ – entre 300 et 400 à chaque édition – c’est un grand bonheur pour moi.”

“Je ne me suis pas battu pendant des années pour après donner ça à l’État sur un plateau d’argent. Je veux que ces acquis restent pour les artistes. Le jour où les artistes vont s’organiser et reprendre, j’irai participer à ce salon, mais tant que ce n’est pas fait, je ne participerai pas”, a-t-il tranché.

ADC/FKS/BK

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