SENEGAL-CULTURE-PROFIL
Par Cheikh Gawane Diop
Saint-Louis, 3 nov (APS) – Zoumba, Pape Samba Sow de son vrai nom, vit de la scène et d’éclectisme culturel. Il puise dans le théâtre, le conte, la poésie et dans différentes autres disciplines artistiques son talent d’animateur culturel hors pair.
Le parcours de Zoumba lui a valu une reconnaissance internationale parmi les plus prestigieuses, avec son élection au rang de “Trésor humain vivant” par l’Unesco en 2022, en tant que meilleur conteur international.
Trouvé au domicile familial sis au quartier Médina Marmiyal, à Saint-Louis, sa ville de naissance, Zoumba dégage une joie communicative qui n’est définitivement plus une posture d’artiste.
Cette gaieté naturelle est sans conteste le signe d’un épanouissement complet, un état de félicité qui peut se comprendre par le sentiment d’avoir tenu haut un flambeau pour perpétuer un héritage.
Le surnom Zoumba lui vient d’une raillerie, déformation linguistique de son marabout qui s’amusait avec son prénom Samba. Et comme la Zoumba est une danse, en vogue partout, il souligne que son âme d’artiste a assumé ce surnom.
Pape Samba Sow, qui a ses humanités au lycée Charles De Gaulle de Saint-Louis, a comme modèles des parents enseignants et artistes à la fois.
“Mon père était un grand clarinettiste, et ma mère chantait, dansait et jouait de la guitare tout en étant directrice d’école aussi”, explique Zoumba, vêtu d’une tenue africaine rehaussée par un bonnet qui ajoute un certain style à son port vestimentaire.
Après le Bac, le jeune Zoumba a entamé des études de français à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar avant de réussir au concours d’entrée à l’École des arts, à l’époque Conservatoire national de musique, de danse et d’art dramatique.
Celui qui avait opté pour les arts dramatiques a d’abord entamé sa carrière administrative à Louga, en juillet 1989, comme adjoint du directeur du centre culturel régional. Deux ans plus tard, il s’est tourné vers l’enseignement en tant que professeur de français de lycée à partir de novembre 1991.
“Au départ, j’avais peur, mais l’univers de la culture n’est pas vraiment éloigné de celui de l’enseignement […], un acteur culturel est un enseignant, tout artiste est un enseignant”, dit celui s’est faire connaître essentiellement comme conteur. Zoumba a finalement réussi à s’imposer au fil des ans comme un éclectique des arts de la scène.
“Je suis écrivain, romancier, poète, conteur, dramaturge, essayiste et critique. Ensuite je suis metteur en scène de théâtre, comédien, humoriste. J’ai gagné le prix Afrique de l’humour en 2017, maintenant je suis devenu essentiellement conteur”, explique-t-il.
Le conte, une passion pour “Zoumba”
Sa passion pour le conte, il dit la tenir d’abord de sa mère, “conteuse sans le savoir. Je ne me souviens pas d’avoir passé une nuit sans que ma mère nous raconte une histoire. Je me suis dit que je n’ai pas le droit de ne pas faire des contes”, confie-t-il.
Le conte est un genre “plus difficile” en comparaison d’autres disciplines artistiques, en ce sens que “c’est de la prospection, de la recherche, de l’authenticité [que requiert toute la dimension de l’oralité]”.
Le théâtre suppose “une grosse production” nécessitant toute une équipe, une régie, “beaucoup de billets d’avion”, poursuit l’artiste, se rappelant avoir emmené 14 personnes en Hollande en 2009 pour les besoins d’un spectacle.
Le conte, en revanche, ne nécessite qu'”une personne, un billet d’avion. C’était plus facile pour moi” du point de vue de la logistique, bien que “travailler le conte, c’est beaucoup plus difficile”, en comparaison du théâtre par exemple, a-t-il fait savoir.
Zoumba a pourtant gagné de nombreux prix en tant que comédien avant de se lancer dans le conte.
“J’ai gagné des prix en tant que comédien et metteur en scène. Ma pièce ‘Rêve de France’ par exemple a été jouée dans quarante pays différents. C’est dire si dans le domaine du théâtre, je pouvais être très fier de ce que je faisais”, relève l’artiste.
Une riche expérience étrangère
De la France au Ghana en passant par la Corée du Sud, les Émirats arabes unis (EAU) et l’Argentine, Zoumba est un conteur globe-trotteur qui peut se prévaloir d’une riche expérience à l’international.
Il a intégré la scène internationale par le théâtre, depuis son premier livre, “Les anges blessés”, qu’il a présenté à Lille en France, le conte lui a ouvert des années plus tard toutes les portes du monde.
“J’étais chargé de mission culture au niveau de la mairie de Saint-Louis qui m’envoyait donc partout, à Toulouse, à Lille, Buenos Aires, entre autres”, a-t-il souligné.
Curieux et disposant de la matière, Zoumba a décidé de capitaliser l’expérience qu’il a emmagasinée toutes ces années.
“Mais mon expérience en tant qu’artiste avant d’être conteur, c’est le théâtre qui me l’a donné. J’étais metteur en scène de théâtre, j’allais en France pour former des metteurs en scène français. On m’a invité au Ghana et j’ai formé des metteurs en scène ghanéens et dans d’autres pays”, dit-il.
“Zoumba”, “Trésor humain vivant”
Très engagé dans les arts de scène et conteur dans l’âme, Zoumba a remporté le prix du “meilleur conteur international” décerné par l’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, en 2022. Il a été par la même occasion déclaré “Trésor humain vivant”.
“C’est une extrême grande fierté. Quand on me l’a annoncé, même moi je ne savais pas au juste ce que c’était. Je me disais que c’était un titre comme tous les autres. J’ai l’habitude de gagner des titres parce que je suis un artiste qui me donne toutes les chances quand je fais un projet. Mais quand on a dit ‘Trésor humain vivant’, alors j’ai compris que c’était très grand”, commente-t-il.
“L’ambassadeur du Sénégal aux Émirats arabes unis s’est déplacé [pour la remise de ce prix]. La forte colonie sénégalaise des Émirats s’est déplacée, j’ai dit : ‘ah, c’est donc énorme’. Et quand je suis rentré de Dubaï, j’ai été accueilli au Salon d’honneur de l’aéroport. Puis la directrice du centre culturel régional Abdel Kader Fall m’a accompagné de Dakar jusqu’à Saint-Louis. Elle a fait la fête avec moi”.
Il se remémore aussi avoir été récompensé par le ministre de la Culture de l’époque, qui lui avait offert un million de francs CFA en plus d’une unité complète de sonorisation.
“Dix jours après, on a changé de ministre. Son successeur m’invite aussi dans son bureau avec son équipe de communication. Il m’offre aussi un million de francs. Le ministre de l’Éducation nationale aussi me donne un million de francs. Et il y a eu des Sargal [hommages en wolof]. Le maire de Saint-Louis, Mansour Faye, a organisé un Sargal pour moi, ma famille aussi, l’Association des anciens élèves du lycée Charles De Gaulle a fait pour moi un très grand Sargal dans un très grand hôtel de la place”, a-t-il relaté.
“Zoumba” et la ville de Saint-Louis, une histoire d’amour
Difficile de parler de Zoumba sans évoquer l’amour qu’il porte pour Saint-Louis, réputée être une ville du bon goût, de l’élégance et de l’hospitalité.
En bon poète, il s’évertue toujours à rendre cette affection à la cité tricentenaire.
“Saint-Louis, c’est une ville que je chéris. J’en suis amoureux. Et là, c’est le poète qui parle”, a-t-il déclaré.
Se présentant comme poète et écrivain-poète, il a signalé que son avant-dernier livre, “Arc en fleuve”, est consacré à l’arc que fait la courbe du fleuve Sénégal à Saint-Louis.
“C’est vraiment une vision touristique. Saint-Louis du Sénégal est une ville que j’adore. J’aime Saint-Louis comme un homme aimerait une femme”, ajoute-t-il.
De la même manière, Zoumba ne peut pas souffrir d’entendre quelqu’un dire “du mal de Saint-Louis. Qu’il soit étranger ou Saint-Louisien et Sénégalais, je ne peux pas l’accepter”.
“Saint-Louis, c’est un optimum pour moi”, insiste Zoumba, se disant plus que jamais conscient de sa mission de transmission tant d’années d’expériences accumulées dans les arts de scène.
“Nous avons créé les COCONS (Compagnons conteurs du nord Sénégal). D’ailleurs, si on est Trésor humain vivant, on a la charge de la transmission, et cela, on me l’a dit depuis les Émirats [arabes unis]”, a-t-il renseigné.
Il s’acquitte de son devoir à travers sa passion pour la musique et la “Compagnie Zoumba”, le groupe qu’il a créé, lequel se trouve engagé dans ce travail de transmission.
Zoumba, professeur de français de formation, parle au moins trois langues étrangères, en plus du wolof.
“Je parle wolof parce que je suis Saint-Louisien, je parle français, je suis professeur de français et je parle anglais et un peu allemand. J’ai joué une pièce en allemand”, assure-t-il.
Zoumba a séjourné aux Émirats arabes unis (EAU), en septembre dernier, pour prendre part au Forum international des conteurs de Charjah, en compagnie de la formatrice et consultante en langue des signes, Zagbayou Ciré Diémé. Cette dernière est chargée de traduire simultanément les contes de Zoumba en langue des signes.
Au sommet de son art, Pape Samba Sow a aussi gagné, l’année dernière, le Prix mondial Huan Jung Bang, du nom de celui qui est considéré comme “le père du conte” en Corée du Sud.
C’est dire que Zoumba continue de faire rayonner un peu plus tous les jours, la culture saint-louisienne, sénégalaise et même africaine à travers le conte, en profitant de l’universalité de ce genre.
CGD/ASB/BK/AKS
