Ziguinchor : les producteurs dans l’attente de productions records, en attendant le défi de la commercialisation
Ziguinchor : les producteurs dans l’attente de productions records, en attendant le défi de la commercialisation

SENEGAL-AGRICULTURE-POINT

Par Modou Fall

Ziguinchor, 5 nov (APS) – Les producteurs de la région de Ziguinchor (sud) s’attendent à des récoltes exceptionnelles cette année, notamment dans la filière arachidière, pilier de l’économie locale. Ils demandent toutefois une revalorisation du prix du kilogramme de l’arachide, un meilleur accès au financement et une ouverture encadrée du marché aux acheteurs étrangers.

Les fortes précipitations enregistrées cette année, la disponibilité des intrants et la mobilisation des producteurs laissent entrevoir des rendements records, même si des interrogations demeurent sur les prix, la commercialisation et la capacité d’absorption du marché.

Dans les trois départements de la région – Bignona, Oussouye et Ziguinchor – les champs d’arachide, de maïs et de riz présentent un aspect verdoyant qui ne ment pas.

Les tiges robustes et les gousses bien formées témoignent d’un hivernage d’exception, s’est félicité Casimir Adrien Sambou, directeur régional du développement rural (DRDR).

Le DRDR table sur une hausse des rendements de 15 à 20 % par rapport à la campagne précédente.

La région a enregistré des cumuls pluviométriques compris entre 1 033 et 1 733 millimètres, répartis sur 64 à 89 jours de pluie, permettant une germination homogène et une croissance soutenue, y compris dans les zones habituellement déficitaires comme Niaguis et Kataba.

“L’hivernage 2025 a redonné confiance aux producteurs, notamment les jeunes et les femmes, grâce à la disponibilité des semences certifiées et à l’appui logistique de l’État”, a ajouté M. Sambou.

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Des producteurs optimistes, mais prudents

Dans plusieurs localités de la Casamance naturelle, l’optimisme est palpable, mais la prudence reste de mise.

“Nous avons semé à temps, les pluies ont été régulières et les intrants disponibles en quantité suffisante. Nous espérons des rendements jamais atteints depuis plusieurs saisons”, a indiqué Abdou Diatta, producteur d’arachide à Bignona.

Banna Badji, présidente d’une coopérative de femmes transformatrices à Ziguinchor, a déclaré de son côté avoir beaucoup investi cette année.

“Le climat a été favorable, mais tout dépendra du prix au producteur. Nous espérons un tarif juste et rémunérateur, autour de 500 francs CFA le kilogramme”, a-t-elle plaidé.

Des concertations sont en cours entre le ministère de l’Agriculture, la SONACOS, société nationale de commercialisation des oléagineux, et les organisations paysannes pour fixer un prix d’achat équilibré.

“L’annonce officielle interviendra dans les prochains jours”, a confié une source au sein du comité régional de suivi de la campagne.

A Kalounayes, des groupements paysans se mobilisent

À Kalounayes, dans le département de Bignona, les groupements paysans se préparent activement à la commercialisation. C’est le cas du GIE Karambenor, dirigé par Thierno Ibrahima Sané.

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“L’année dernière, le prix était de 350 francs le kilo. Compte tenu de la bonne production et des charges supportées, nous demandons une hausse substantielle” du prix de l’arachide, a-t-il déclaré, tout en alertant sur les risques de saturation des points de collecte en cas de stocks invendus à la SONACOS de Ziguinchor.

Il plaide également pour un meilleur accès au financement et une ouverture encadrée du marché aux acheteurs étrangers. Leur présence pourrait dynamiser les prix et faciliter l’écoulement de la production, selon lui.

Ouverture du marché : entre opportunités et menaces

La présence croissante d’opérateurs étrangers, notamment chinois, continue aussi d’alimenter le débat.

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“Ils paient comptant et offrent souvent un tarif supérieur à celui des huileries locales. Cela motive les paysans à produire davantage”, souligne Birame Diop, transporteur à Ziguinchor.

Mais certains producteurs mettent en garde contre une dépendance excessive aux fluctuations du marché international.

“Le Sénégal doit rester ouvert, mais dans le respect des règles commerciales et de la souveraineté alimentaire”, rappelle Modou Sylla, producteur à Ziguinchor.

Le DRDR de Ziguinchor insiste pour sa part sur la nécessité de prioriser l’approvisionnement des unités locales de transformation, afin de créer davantage de valeur ajoutée et d’emplois dans la région.

Le président du Cadre régional de concertation des ruraux (CRCR) de Ziguinchor, Abdou Hadji Badji, plaide à son tour pour une revalorisation du prix du kilogramme d’arachide et une plus grande implication des producteurs dans la filière, à travers notamment l’ouverture du capital de la SONACOS.

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Le président du Cadre régional de concertation des ruraux (CRCR) de Ziguinchor, Abdou Hadji Badji.

“Si l’on ne peut pas augmenter le prix, qu’on évite au moins de le diminuer. Chaque producteur aspire à un revenu décent”, a indiqué M. Badji, également secrétaire général de la Fédération des organisations non gouvernementales du Sénégal (FONGS/Action paysanne).

Le producteur a évoqué la nécessité de renforcer les capacités des industries nationales, afin qu’elles puissent absorber et transformer localement la production.

“L’huile d’arachide produite localement est de très bonne qualité. Si nos usines disposent de la capacité nécessaire, toute la transformation devrait se faire sur place”, a-t-il dit.

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Il a proposé que la SONACOS ouvre son capital aux paysans pour qu’ils puissent y détenir des parts et se sentir pleinement impliqués dans la filière.

Une telle mesure, a-t-il relevé, inciterait les producteurs à privilégier les structures nationales face aux acheteurs étrangers, tout en favorisant une meilleure organisation du marché.

“Si les usines disposent de capacités nécessaires, les graines doivent être achetées et transformées localement, afin que la valeur ajoutée profite à l’économie nationale”, a-t-il conclu.

Des contraintes logistiques toujours présentes

Malgré les bonnes perspectives, plusieurs défis persistent, notamment sur le plan logistique. Les pistes rurales, souvent impraticables après les pluies, compliquent l’évacuation des récoltes.

“Si les camions ne peuvent pas accéder aux champs, les graines risquent de se détériorer avant leur vente”, alerte Sidiya Coly, producteur à Niaguis.

Les producteurs demandent un renforcement des infrastructures rurales, la réhabilitation des pistes de production et des appuis logistiques pour réduire les coûts de transport et améliorer le stockage.

Une région agricole en pleine relance

Après plusieurs années marquées par les aléas climatiques et les difficultés structurelles, la région de Ziguinchor semble renouer avec la confiance et la productivité.

Grâce à une pluviométrie favorable, à la mobilisation des producteurs et à l’appui des services techniques, la campagne 2025 s’annonce comme l’une des plus prometteuses de la dernière décennie.

Les observateurs estiment que si les défis logistiques et commerciaux sont relevés, la Casamance pourrait redevenir un pôle agricole de référence, contribuant à la sécurité alimentaire nationale et à la relance durable de la filière arachidière.

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MNF/ASB/SKS/HB/BK