Un psychiatre relève l’absence d’un plan stratégique pour la santé mentale
Un psychiatre relève l’absence d’un plan stratégique pour la santé mentale

SENEGAL-SANTE-PLAIDOYER

Kaolack, 10 oct (APS) – La prise en charge de la santé mentale au Sénégal est confrontée à l’absence d’un plan stratégique de dimension nationale et d’un déficit de personnel et d’infrastructures dédiées, soutient le docteur Khadim Seck, médecin-psychiatre au district sanitaire de Kaolack (centre).

“Le problème majeur aujourd’hui, c’est l’absence d’un plan stratégique de santé mentale au niveau national. Bien vrai qu’une équipe y travaille”, a-t-il déclaré. 

Un autre problème lié à la question de la prise en charge de la santé mentale concerne selon lui le déficit de personnel et le manque d’infrastructures dédiées.

“Si vous regardez la carte sanitaire du Sénégal, les structures de prise en charge psychiatrique se comptent sur le bout des doigts”, a souligné le praticien.

À Kaolack par exemple, “il n’y a pas de centre de santé mentale”, a-t-il signalé, précisant que la structure qu’il dirige est un service de consultation externe, dans lequel qui n’admet pas de patient pour hospitalisation. Ce qui, dit-il, “bloque le travail de façon globale”.

Le médecin-psychiatre s’entretenait avec l’APS à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la santé mentale, commémorée ce 10 octobre.

Cette journée, instituée depuis 1992 par la Fédération internationale de la santé mentale (FISM), vise à sensibiliser sur la lutte contre la stigmatisation de la lutte.

Elle vise également à améliorer l’accès aux soins et à mobiliser les efforts pour soutenir les personnes atteintes de maladies mentales, a rappelé Khadim Seck.

“C’est l’occasion pour nous les professionnels de parler des problématiques liées à la santé mentale, pour que les populations aient accès à l’information, à une bonne information surtout”, a-t-il expliqué.

Le centre psychiatre de Kaolack, créé en 2017, reçoit beaucoup de malades mais en cas d’urgence nécessitant une hospitalisation, le responsable est obligé de référer les patients à Fatick ou Dakar, et ce n’est pas toujours évident pour les familles des malades avec la prise en charge parfois couteuse, a-t-il soutenu.

“Le paradoxe est qu’en tant que ville-carrefour, la région de Kaolack ne dispose même pas de centre de santé digne de ce nom. Les autorités doivent accélérer l’élaboration d’un plan stratégique de santé mentale. L’Etat doit nous aider par rapport à la construction d’un centre de santé mentale dans chaque région au moins. Il doit aussi former et recruter plus de professionnels pour combler le déficit de personnel dans le secteur”, a plaidé le médecin-psychiatre.

Il considère la santé mentale comme “le parent pauvre” des politiques publiques en matière de santé au Sénégal.

“Il est temps de changer de paradigme. La communication et la sensibilisation doivent aussi être de mise afin de permettre aux populations de savoir où se diriger en cas de besoin et comment se comporter avec les malades”, a-t-il indiqué.

Il recommande une bonne hygiène de vie pour prévenir les troubles mentaux, c’est-à-dire équilibrer son alimentation, avoir une bonne qualité de sommeil, pratiquer le sport, savoir comment gérer son stress, être dans un environnement favorable, échanger avec son entourage de ses soucis.

“Il faut aussi être vigilant par rapport aux changements de comportements comme la baisse de l’appétit, le sommeil perturbé. Il ne faut surtout pas hésiter à aller voir un spécialiste avant que les troubles ne s’installent”, a-t-il fait savoir.

”Des malades mentaux errants ont retrouvé une vie normale”

Le médecin-psychiatre reçoit tous les jours dans les locaux du centre psychiatrique de Kaolack, situé au centre-ville, entre le commandement de la zone militaire numéro 3 et l’Alliance franco-sénégalaise.

“Dans ce service, on a récupéré des malades mentaux errants et nous les avons soignés. Parmi eux, il y en a qui, aujourd’hui, ont retrouvé une vie normale. Notre combat est de contribuer à diminuer la population de malades mentaux errants à défaut de pouvoir les éradiquer”, a-t-il fait valoir.

Pour lui, la stigmatisation constitue le “véritable problème” de la question de la santé mentale.

“Il est de notre devoir de véhiculer la bonne information, de faire comprendre aux populations que les troubles psychiatriques sont des maladies comme les autres maladies et que ça se soigne. Il ne faut surtout pas fuir les malades ou les abandonner ou même les étiqueter. Il faut se départir des préjugés et leur accorder une oreille attentive et une main forte”, a plaidé docteur Seck.

A l’en croire, le centre psychiatrique de Kaolack reçoit des malades venus de Diourbel, de Kaffrine et même de la Gambie.

“A la date du 30 septembre 2025, nous sommes à 2777 dossiers. Mais depuis la création du service, nous avons effectué 5370 consultations. D’année en année, le nombre de patients augmente”, a-t-il fait noter.

“En 2023, nous avons eu un total de patients qui tournait autour de 300 nouveaux cas. En 2024, il y a eu 600 nouveaux patients. Présentement, nous recevons, en moyenne, plus de 200 nouveaux patients le mois”, a-t-il avancé.

Les patients suivis dans ce centre psychiatrique sont principalement des jeunes dont l’âge est compris entre 15 et 35 ans, a-t-il expliqué, signalant qu’ils sont le plus souvent atteints de la pathologie mentale la plus grave à savoir la schizophrénie.

Après la schizophrénie viennent les troubles dépressifs et les crises épileptiques, maladies les plus courantes dans ce service, renseigne le médecin-psychiatre.

ADE/HB/ASB/BK