Dakar, 30 nov (APS) – Le réalisateur sénégalais Mamadou Dia a présenté, vendredi, au cinéma Pathé de Dakar, son nouveau long métrage »Demba », une œuvre qui explore le deuil, la résilience, la santé mentale et les tabous culturels liés à l’expression des émotions, et inspirée de sa propre expérience.Le film raconte l’histoire de Demba, un homme en quête de réconciliation avec lui-même et ses proches, confronté à la solitude et au poids du deuil à l’approche de l’anniversaire de la mort de sa femme, Awa.Alors qu’il s’apprête à prendre sa retraite après trente ans de service dans une mairie de Matam, ville du nord du Sénégal, il tente de renouer avec son fils Bajjo, malgré les tensions qui les éloignent. »+Demba+ est avant tout un film profondément personnel, qui est né d’une expérience liée au deuil”, a confié le cinéaste, originaire de Matam, qui a perdu sa mère à l’âge de 13 ans.“J’aurais voulu qu’un adulte vienne simplement me dire que ma mère ne reviendrait pas, avec des mots clairs”, a-t-il expliqué, évoquant un défaut d’explication qui a marqué son enfance.Des années plus tard, lors d’une thérapie aux États-Unis pendant la pandémie du Covid-19, Mamadou Dia a revisité cette douleur de l’enfance.Une démarche qui lui a permis de comprendre les différentes phases du deuil, notamment la dépression, une »notion difficile à nommer dans certaines cultures ».“En langue pulaar, je n’ai pas trouvé l’équivalent du mot dépression. Cela m’a poussé à m’interroger sur la manière dont nous dépassons une douleur que nous ne pouvons pas nommer”, dit-il.Le deuil comme expérience collective À travers »Demba », Mamadou Dia ne se limite pas à une exploration individuelle du deuil. Le film montre comment cette expérience affecte toute une communauté.‘’Chaque personnage du film expérimente la perte de quelque chose’’, explique-t-il, indiquant qu’Aïcha, une ancienne influenceuse, doit faire le deuil de son identité après avoir utilisé une fausse maladie pour attirer l’attention ; Bajjo, quant à lui, est confronté à la fragilité de son père vieillissant, une situation qui renverse les rôles familiaux traditionnels.“Nous faisons tous des deuils dans nos vies : deuil d’une relation, d’un corps qui change ou d’une ancienne vie”, soutient le réalisateur, insistant sur la portée universelle de son œuvre.Une autre perspective sur les émotions masculines Le choix d’un protagoniste masculin était également intentionnel pour Mamadou Dia. “Dans notre société, les hommes n’ont pas vraiment l’espace pour exprimer leurs émotions. La colère est souvent la seule réponse attendue. Avec +Demba+, j’ai voulu montrer un homme confronté à une souffrance silencieuse, loin des explosions émotionnelles classiques”, a-t-il signalé.Malgré les thèmes lourds abordés dans le film, Mamadou Dia a voulu créer une œuvre visuellement belle.“Nos mères, avec un simple boubou, dégagent une élégance incroyable. Cette beauté est facile à montrer et contrebalance la gravité des émotions explorées”, selon lui.Demba n’est pas seulement un film, pense-t-il, mais il est aussi un outil pour ouvrir le dialogue sur des sujets souvent tabous, comme le deuil et la résilience.“Ce film invite chacun à partager ses expériences et à mieux comprendre celles des autres”, soutient-il.Diplômé de la prestigieuse Tisch School of the Arts de l’Université de New York, Mamadou Dia s’est fait remarquer avec son premier long métrage, »Baamum Nafi » (Le Père de Nafi), récompensé au Festival de Locarno, en Suisse, et sélectionné pour représenter le Sénégal aux Oscars du cinéma, à New York, en 2021.Avec »Demba », Mamadou Dia poursuit son exploration des thématiques humaines et sociales, mêlant réalité et fiction pour raconter des histoires universelles ancrées dans la culture sénégalaise.En plus de la projection-presse, »Demba » sera en première nationale à Matam, samedi, avant sa sortie nationale et internationale le 6 décembre prochain.Le film est sélectionné en première mondiale pour le prochain festival international du film de Berlin, du 13 au 23 février 2025.AN/FKS/ABB/OID
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