SENEGAL-MIGRATIONS-DEVELOPPEMENT
Louga, 15 déc (APS) – À Louga (nord), l’histoire de la migration est ancrée dans les familles, les conversations et les rêves des jeunes, et l’influence de la diaspora se voit dans le bâtiment et les infrastructures sociales de base.
Louga est une ville où chaque quartier compte ses expatriés, et il est difficile de trouver trois maisons alignées sans un ‘’Modou-Modou’’, l’appellation donnée aux émigrés. Leur influence est visible partout : des maisons reconstruites, des commerces modernisés, des investissements dans l’agriculture ou à Dakar, et un train de vie qui inspire, parfois trop, les jeunes restés sur place.
‘’Quand tu vois quelqu’un avec qui tu partageais le même atelier revenir après deux ans avec une belle voiture et une maison, forcément tu es tenté’’, confie Souleymane Gaye, coordonnateur des Lougatois de la diaspora.
Mais cet âge d’or de l’émigration est révolu. Les opportunités se sont réduites, la concurrence s’est accrue et de nombreux migrants passent désormais plusieurs années sans papiers, sans emploi stable et sans perspectives.
Une diaspora engagée, malgré les défis
C’est à Milan, en Italie, que Souleymane et deux autres fils de la capitale du Ndiambour ont fondé l’Association Louga Diaspora. Leur objectif : soutenir leur ville natale.
‘’On a commencé par aider ceux qui n’avaient pas les moyens de payer leurs ordonnances. Puis, on a pris en charge des orphelins pendant deux ans’’, a-t-il expliqué.
Depuis sa création, l’association multiplie les actions solidaires, allant des dons de lait, de couches et de médicaments pour les enfants vulnérables au financement de tuteurs familiaux, en passant par la livraison de 15 tonnes de ciment pour rénover le Centre d’urgence de l’hôpital, la participation à la construction du mur du cimetière Yeurmandé, le soutien régulier à la Maison d’arrêt et de correction de Louga, ainsi que l’appui constant apporté aux équipes de navétanes.
Pourtant, investir durablement à Louga reste un défi. Beaucoup de ‘’Modou-Modou’’, en ouvrant une petite entreprise confiée à un proche, voient leur projet s’effondrer faute de gestion ou de suivi. ‘’C’est pourquoi, beaucoup préfèrent investir dans l’immobilier’’, constate M. Gaye.
Une tradition migratoire dictée par la sécheresse des années 70
Selon Aïda Sy, Coordonnatrice de la Plateforme du Dialogue citoyen inclusif, la migration à Louga trouve ses racines dans les années de grande sécheresse.
‘’En 1971, beaucoup ont quitté Louga pour le Saloum, Dakar, la Guinée ou le Gabon. La sécheresse a poussé à l’exode rural, puis à l’émigration internationale’’, a-t-elle rappelé.
Aujourd’hui, elle estime que 80 % du développement économique, social et culturel de Louga est porté par la Diaspora, notamment dans le bâtiment, le commerce, l’architecture, la culture.
Selon Mme Sy, plusieurs facteurs continuent d’alimenter l’émigration, notamment le manque d’emplois et de financements, la pauvreté, la déperdition scolaire, ainsi que la pression familiale.
‘’Beaucoup de jeunes préfèrent payer cinq millions pour un voyage risqué plutôt que d’investir ici. Il est temps de créer des usines et des unités de transformation pour retenir les jeunes’’, a-t-elle plaidé.
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