SENEGAL-ELEVAGE
Le département de Linguère, dans la région de Louga, est l’un des grands bastions de l’élevage au Sénégal, et donc de la filière laitière. C’est un fait relativement bien connu. Il reste à tirer le meilleur profit de ce qui peut relever d’un acquis de la nature dans cette zone communément appelée le Ferlo.
Des acteurs locaux s’y attèlent tant bien que mal. C’est que malgré son fort potentiel, la filière laitière reste confrontée à de nombreux défis dans ce département, en termes de production, de transformation ou de commercialisation.
De nombreux éleveurs tentent de structurer ce secteur considéré comme vital pour l’économie locale et la souveraineté alimentaire du pays, mais ils peinent à structurer comme il faut une activité confrontée aux aléas climatiques et aux difficultés logistiques.
Seynabou Mamadou Ka, la responsable de la laiterie ‘’Teddungal Kossam’’, peut faire valoir un engagement de plus de vingt ans dans la production laitière. Une activité qu’elle juge viable.
‘’Je travaille dans l’élevage et la production laitière depuis 2000. Plutôt que de vendre systématiquement un mouton ou un bouc pour faire face à un besoin financier, les éleveurs peuvent commercialiser le lait de leur troupeau et ainsi subvenir à leurs besoins quotidiens, tout en préservant leur cheptel’’, explique-t-elle.
Selon ses calculs, un producteur qui livre 40 litres de lait par jour, vendus entre 400 et 500 francs CFA l’unité, peut gagner environ 200 000 francs CFA tous les quinze jours, ce qui représente des revenus mensuels supérieurs à ceux de certains salariés.
Adama Aliou Ka, président de l’Union nationale des éleveurs du Sénégal (UNES), rappelle que le département de Linguère est une importante zone de pâturage pendant l’hivernage.
— Développer les fourrages et baisser le prix de l’eau —
‘’Les troupeaux venant de Dakar, Kaffrine, Thiès ou Fatick se retrouvent ici, mais l’absence d’usines pour la fabrication des aliments de bétail et les difficultés d’approvisionnement, qui sont souvent aggravées par des feux récurrents dans le ranch de Dolly, compromettent la production de lait’’, regrette-t-il.
À ces difficultés, il faut ajouter, selon le président de l’UNES, les conditions climatiques liées notamment au déficit pluviométrique, ce qui oblige les éleveurs à parcourir de longues distances pour le pâturage.
Seynabou Mamadou Ka confirme ce diagnostic et parle d’un ‘’problème majeur, à savoir la dépendance des éleveurs envers les conditions climatiques’’.
Les hivernages de plus en plus raccourcis et les sécheresses se prolongeant année après année limitent l’accès aux pâturages et à l’eau, des éléments essentiels pour une bonne production laitière, dit-elle.
‘’Il est essentiel d’augmenter les surfaces de pâturage, de développer les fourrages et de baisser le prix de l’eau pour stabiliser l’approvisionnement en lait, sans que les éleveurs n’aient à migrer vers d’autres régions’’, explique la responsable de la laiterie ‘’Teddungal Kossam’’.
En plus des contraintes climatiques, des problématiques freinent le développement de la filière laitière à Linguère, comme le souligne Fatoumata Sellé Ka, la présidente de l’Association des professionnels et acteurs de la filière laitière (APAFIL), un groupement d’intérêt économique.
‘’Le coût des vaches exotiques, les difficultés d’accès à l’eau et le manque de vétérinaires sont des obstacles majeurs pour les éleveurs’’, signale-t-elle.
Pour surmonter ces obstacles, Fatoumata Sellé Ka fait plusieurs recommandations, dont la subvention de l’achat de vaches laitières métissées, actuellement vendues à plus d’un million de francs CFA l’unité, et la construction de forages pastoraux solaires pour réduire le coût élevé de l’eau.
Dans cette perspective, elle a également plaidé pour ‘’le renforcement de la formation des éleveurs sur l’insémination artificielle, la gestion des maladies du bétail et la mise en place d’une usine d’aliments pour bétail dans la région, afin d’assurer l’alimentation stable du cheptel’’.
— ‘’Il nous faut un soutien fort de l’État’’ —
Adama Aliou Ka insiste, pour sa part, sur la nécessité d’appliquer le code pastoral pour limiter les conflits entre éleveurs et agriculteurs, qui compromettent la stabilité du secteur.
Dans le domaine de la transformation, ‘’La fromagerie du Djolof’’, dirigée par Mawade Lamine Diédhiou, témoigne d’un processus rigoureux pour garantir la production d’un lait de qualité.
Dans ses ateliers, le lait est transformé en divers produits dérivés.
‘’Nous collectons le lait dans plusieurs communes – Sagatta, Thiamène Pass, Boulal et Dahra – et le soumettons à des contrôles de qualité stricts, avant la pasteurisation et l’ajout de ferments lactiques pour confectionner divers types de fromage, dont la mozzarella et le fromage à pizza’’, détaille-t-il.
Cependant, dit M. Diédhiou, la rareté du lait oblige parfois les transformateurs à mélanger du lait de vache avec du lait de brebis pour satisfaire la demande.
Les acteurs les plus proches des consommateurs, comme la vendeuse de lait caillé Coumba Dia, témoignent aisément de la plupart des difficultés rencontrées par le secteur.
‘’Nous devons faire face à une baisse des prix parce que le litre de lait caillé se vend à 500 francs CFA, mais peut chuter à 200 pendant l’hivernage’’, signale-t-elle.
Fatoumata Sellé Ka insiste sur ‘’la nécessité de mesures concrètes pour surmonter les obstacles structurels’’, comme la subvention de l’achat de vaches adaptées, le développement des infrastructures de collecte et de transformation, et l’installation de forages solaires pour réduire le coût de l’eau.
‘’Sans un soutien fort de l’État et des partenariats avec le secteur privé, prévient-elle, ni l’élevage ni la transformation ne pourront atteindre une rentabilité suffisante pour garantir la pérennité de la filière.’’
Compte tenu de ces nombreux enjeux, les professionnels de la filière laitière de Linguère espèrent pouvoir transformer ces défis en opportunités, afin d’aider le Sénégal à atteindre l’autosuffisance alimentaire en lait et en viande.
DS/ASB/BK/ASG/ESF