SENEGAL-SOCIETE-REPORTAGE
Bignona, 19 déc (APS) – Les populations déplacées de retour dans les villages de Djigoudière, Madiediame et Diokadou, dans le département de Bignona (sud), ont repris progressivement une vie normale à Djigoudière, Madiediame et Diokadou, des villages du Nord –Sindian, une zone du département de Bignona, longtemps marquée par le conflit en Casamance.
Mais sous cette apparente normalité, un danger invisible persiste : les mines antipersonnel, héritage de plusieurs décennies d’un conflit lié à une rébellion déclenchée en décembre 1982.
Les populations saluent les avancées enregistrées dans le cadre du Plan Diomaye pour la Casamance (PDC), notamment dans les domaines de l’hydraulique, de la santé et de l’appui aux activités génératrices de revenus. Elles estiment toutefois que le déminage demeure la condition essentielle d’un retour définitif et sécurisé des populations déplacées.
À Diokadou, Souleymane Badji, habitant du village, témoigne des limites imposées par la présence d’engins explosifs.
“Nous sommes satisfaits du Plan Diomaye (pour la Casamance). La vie reprend peu à peu, mais certaines zones restent inaccessibles à cause des mines. Cela limite nos déplacements et surtout nos activités agricoles “, confie-t-il.
Selon lui, plusieurs terres cultivables restent inutilisables, freinant la relance économique du village.
A Djigoudière, un autre village frontalier, le président de la jeunesse, Abdou Badji, reconnaît l’impact positif du PDC dans la réinstallation des populations. Cependant, il appelle à une intensification des opérations de déminage.
“Tant que toutes les zones ne sont pas totalement déminées, on ne peut pas parler d’un retour définitif” des populations déplacées, insiste-t-il.
Malgré la présence rassurante des forces de défense et de sécurité, a-t-il souligné, certaines parties du village demeurent interdites.
Ce qui empêche l’extension de l’habitat, la mise en valeur des champs et le désenclavement de certaines zones, selon lui.
“L’armée nous protège depuis notre retour, et nous la remercions. Mais il reste encore des zones à risque où les populations n’osent pas s’aventurer “, ajoute-t-il.
Au village de Madiediame, Dieynaba Diédhiou lie directement le déminage à la relance économique.

“Nous voulons travailler la terre, reconstruire nos vergers et développer nos activités, mais certaines parcelles restent inaccessibles à cause des mines”, déplore-t-elle, plaidant pour un renforcement des opérations de dépollution des sols.
Le déminage, une priorité transversale
Cette préoccupation est partagée par les autorités administratives. Lors d’une réunion d’évaluation du PDC, le gouverneur de Ziguinchor, Mor Talla Tine, a rappelé que le déminage reste une priorité transversale.
“La reprise de la vie est réelle, mais le déminage est indispensable pour garantir la sécurité, faciliter l’accès aux terres et consolider définitivement le retour des populations”, a-t-il déclaré.
Selon les autorités, 54 localités ont déjà été totalement déminées dans la région de Ziguinchor, ouvrant de nouvelles perspectives dans une zone longtemps affectée par le conflit.
L’ancienne ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Yacine Fall, avait précisé que ces opérations ont permis de dépolluer 2 203 976 mètres carrés, avec 504 engins explosifs détruits, dans onze communes.
Elle avait également lancé à Ziguinchor le projet de “déminage pour le développement en Casamance”, visant la dépollution de 69 596 mètres carrés, pour un coût de plus de 580 millions de francs CFA.
Ce projet est entièrement financé par le gouvernement indien à travers le fonds Inde–Nations unies pour le partenariat au développement.
Le directeur du Centre national d’action antimines au Sénégal (CNAMS), l’ambassadeur Papa Magueye Diop, a indiqué que plus de deux millions de mètres carrés ont été déminés entre 2008 et 2024.
“Les opérations ont concerné 54 localités réparties en 141 zones, avec la destruction de 504 engins explosifs “, a-t-il précisé.
Il a par ailleurs assuré que le processus se poursuivra dans au moins 20 localités restantes, dont 14 actuellement abandonnées et six en cours d’enquête technique.

Le maire d’Oulampane, Sagar Coly a, pour sa part, appelé à une accélération du déminage afin de ne pas freiner la dynamique de retour des populations déplacées.
Selon les chiffres officiels, les engins explosifs ont fait 870 victimes en Casamance, dont 186 personnes vivant avec des séquelles physiques. Cette région, séparée du nord du Sénégal par la Gambie, reste marquée par l’un des plus anciens conflits d’Afrique, déclenché après la répression d’une marche indépendantiste en décembre 1982.
Après avoir causé des milliers de victimes et affaibli durablement l’économie locale, le conflit a fortement baissé en intensité ces dernières années.
Les opérations militaires menées il y a environ deux ans ont permis de neutraliser plusieurs bases rebelles, favorisant une accalmie notable et le retour progressif des déplacés.
En mai 2023, au moins 250 combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) ont officiellement déposé les armes à Mongone, dans le département de Bignona, symbole d’un processus de paix en consolidation.
Mais pour les populations revenues sur leurs terres, la paix ne sera pleinement effective qu’avec un déminage total, garant de sécurité, de développement et d’avenir.

MNF/ASB/MTN

