Le recyclage des déchets plastiques, une activité en plein essor  

SENEGAL-ENVIRONNEMENT-ASSAINISSEMENT

Par Mandiaye Thiobane

Dakar, 7 mars (APS) – Le recyclage des déchets plastiques est en plein essor à Dakar et dans les régions intérieures du Sénégal. De l’usine SIMPA Sénégal, une des premières sociétés de transformation de plastiques en Afrique de l’Ouest, créée en 1958, à nos jours, plusieurs unités industrielles de recyclage ont vu le jour.

Ces unités ainsi que des associations de protection de l’environnement ont fait des déchets plastiques leur principale matière première qu’elles collectent dans la rue, traitent et recyclent pour en faire des meubles, des pavés, des briques et d’autres équipements et matériels utiles aux populations.

A l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), l’espace public servant de cadre de révision, communément appelé ”bois sacré”, situé derrière le rectorat, est aménagé avec des bancs fabriqués à partir de pneus et de sachets plastiques recyclés.

‘’On a réalisé ces bancs publics du +bois sacré+ de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar avec trois mille six cents pneus et des sachets plastiques recyclés ’’, a dit à l’APS l’enseignant chercheur, Adams Tidjani, directeur de l’Institut des métiers de l’environnement et de la métrologie (IMEM).

”Cette initiative basée sur des procédés de recyclage entre dans le cadre de la valorisation des déchets’’, a-t-il expliqué.  

 Une vingtaine d’unités de recyclage de déchets plastiques 

L’enseignant-chercheur dit avoir proposé cette innovation à l’Etat. ”Elle peut, selon lui, aider le Sénégal à se débarrasser des sachets et matières plastiques des rues, en aménageant dans chaque localité, un espace convivial à l’image de ce qu’on a fait à l’UCAD”.

 ‘’L’Etat peut aménager des jardins publics où les gens peuvent se rencontrer tous les soirs, avec des bancs et un décor réalisés avec des matières plastiques et des pneus recyclés’’, a-t-il réitéré.

Il a souligné que les objets fabriqués à partir de déchets plastiques recyclés occupent, de nos jours, une place relativement importante dans les équipements et matériels utilisés au quotidien. ”De l’agriculture à la restauration, en passant par le mobilier, aucun secteur n’est épargné’’, a-t-il signalé.

Le directeur de l’IMEM a indiqué qu’une vingtaine d’unités de recyclage ont pignon sur rue à Dakar et un peu partout à travers le Sénégal.

‘’Ces unités, a-t-il expliqué, tout en s’évertuant à apporter une réponse à un problème environnemental, proposent également toute une panoplie d’équipements à usage domestiques issus du recyclage’’.

M.Tidjani a expliqué que le processus de recyclage industriel des déchets plastiques s’effectue en plusieurs étapes, citant entre autres, ‘’le broyage, la micronisation, ou encore la régénération des matières plastiques”. Et c’est seulement au terme de ces processus que le plastique broyé est revendu aux industriels de la plasturgie sous forme de paillettes, de poudre ou encore de granulés, a-t-il ajouté.

L’enseignant-chercheur, qui a consacré une bonne partie de ses travaux de recherche aux plastiques, estime que la pollution plastique est plus accentuée par les sachets plastiques. ‘’Aujourd’hui, a-t-il révélé, on a la preuve que les sachets que nous laissons dans la nature se décomposent, deviennent des microplastiques et se retrouvent dans nos assiettes’’.

Les déchets plastiques, a-t-il dit, ne sont plus uniquement un problème environnemental. ‘’Ils sont également un problème sanitaire car des microplastiques sont aussi retrouvés dans la viande de bœuf ou de mouton et même du côté des poissons et, on ne connait toujours pas les conséquences sur notre santé’’, a indiqué le directeur de l’IMEM.

Face à cette réalité,  il estime que le recyclage des déchets plastiques est plus que jamais une urgence environnementale et sanitaire. Il est également d’actualité à travers  le développement de l’économie circulaire où plusieurs initiatives se démultiplient.

Formation de 1000 jeunes aux métiers du recyclage 

C’est le cas de Plastic Odyssey Factories, une association qui lutte contre la pollution des déchets plastiques.

‘’L’association a lancé en juin 2024 un projet intitulé ”SUNU Plastic Odyssey” qui ambitionne de déployer 10 unités de recyclage dans les régions du Sénégal, de former 1000 jeunes aux métiers du recyclage et de sensibiliser 5000 enfants à l’environnement et à l’importance du recyclage’’, a indiqué, Elisabeth Demaegdt, coordinatrice du programme ”Sunu Plastic Odyssey”.

‘’Ce projet est une initiative innovante et ambitieuse qui est dédiée à la valorisation des déchets plastiques au Sénégal, au développement de l’économie locale et à la lutte contre la pollution plastique’’, a-t-elle dit.

‘’Le programme Sunu Platic Odyssey explore également des solutions concrètes et durables pour agir contre ce fléau en réalisant des meubles en plastique recyclé’’, a ajouté Mme Demaegdt.

Dans le lot des unités de recyclage au Sénégal figure en bonne place la start-up NRT – Ngom Recyclage Transformation. Elle s’est imposée au fil des années comme un acteur clé dans le secteur du recyclage plastique au Sénégal.

Selon son promoteur, Moustapha Ngom, un jeune autodidacte, l’idée de mettre en place cette unité est partie du constat alarmant des conséquences néfastes de la pollution plastique dans les villes, les océans et les cadres de vie.

Partant de ce constat, il a lancé un projet ambitieux visant à transformer les déchets plastiques afin de leur donner une seconde vie.

Moustapha Ngom a ainsi très rapidement opté dans son entreprise pour le système de recyclage industriel, dont la principale innovation réside dans la transformation de films plastiques usagés en nappes réutilisables.

Il dit également avoir tenté beaucoup d’autres stratégies de valorisation des déchets plastiques parmi lesquelles le collage à l’aide de scotch transparent. ‘’Ces différentes expériences ont marqué les débuts de l’aventure NRT, qui fabrique aujourd’hui une dizaine de nappes commercialisées dans les marchés’’, a-t-il indiqué.

Ainsi, NRT est passée d’une capacité de production d’une dizaine de nappes par jour à une vingtaine grâce à une machine artisanale. Le jeune promoteur souligne avoir toujours œuvré pour augmenter la capacité de production de NRT.

”Dans ce sillage, nous avons pu mettre en place une machine moderne qui a porté la production journalière à 1300 nappes par jour”, a-t-il indiqué, signalant que cette machine moderne a été améliorée pour avoir aujourd’hui une deuxième version dotée de moteur.

Moustapha Ngom précise toutefois que tous les déchets plastiques ne sont pas facilement recyclables, citant en exemple, les films plastiques en polyester.

‘’Les films plastiques en polyester légers et flexibles sont incompatibles avec les machines de broyage classiques du plastique et finissent souvent brûlés ou enfouis, contribuant ainsi grandement à la pollution plastique de l’atmosphère ou du sous-sol’’, a-t-il expliqué.

Faisant preuve d’engagement et d’innovation, Ngom et son équipe vont réussir à mettre au point une machine révolutionnaire capable de transformer ces films plastiques en polyester en nappes écologiques réutilisables. Elle est brevetée par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI n°18667).

”Avec notre technologie, a-t-il expliqué, nous offrons une seconde vie utile aux nappes en fin de vie, plutôt que de les incinérer ou les envoyer à la décharge de Mbeubeuss’’, le plus grand dépotoir d’ordures du Sénégal.

”Les entreprises de recyclage, disposent désormais, avec cette machine, d’une solution économique et écologique pour le recyclage des films plastiques en polyester avec moins de pollution, moins de coût et plus d’opportunités”, s’est-il réjoui, estimant qu’avec cette invention brevetée, NRT prouve également, que ”le recyclage des déchets plastiques peut être une véritable opportunité pour l’environnement et l’économie’’.

‘’Nos nappes recyclées sont robustes, économiques et écologiques, offrant une alternative durables aux nappes jetables traditionnelles. Elles sont également bien adaptées pour un usage domestique’’, a-t-il encore dit.

Grace à cette innovation, NRT, a remporté en 2024, le 1er prix au Forum national sur les technologies propres pour l’action climatique, Cleantech, un programme qui a pour objectif de soutenir les PME et start-ups sénégalaises dans le domaine des innovations technologiques durables, tout en renforçant l’écosystème des technologies propres.

L’entreprise NRT se positionne aujourd’hui comme un partenaire incontournable des industries plasturgiques au Sénégal et dans le monde.

”Nous collectons et transformons du plastique en polyéthylène haute densité (PE-HD), polyéthylène basse densité (PE-BD), polypropylène (PP) et PET prétraité. Nous mettons à la disposition d’autres entreprises de recyclage des matières plastiques broyées’’, a-t-il relevé.

M. Ngom a indiqué qu’en dehors des nappes recyclées avec des déchets plastiques, ”nous fabriquons également au centre de traitement de NRT, des bidons de 20 litres avec du HDPE, des bouteilles d’eau avec du PET, des chaises plastiques avec du PP HOMO, des bassines et seaux plastiques avec du PP COPO, des sachets plastiques avec du LDPE, et des sacs plastiques avec du LLDPE”.

”Le prix du kilogramme de matière plastique broyée varie entre 400 et 600 FCFA”

”Les matières plastiques collectées sont nettoyées auparavant et broyées pour éliminer les impuretés”, a-t-il précisé, indiquant que ”le restant du plastique broyé est vendu à d’autres entreprises spécialisées sous forme de granulats, dans des sacs de 30 kilogrammes dont le prix kilogramme varie entre 400 et 600 FCFA”.

Il a estimé que ce processus permet d’offrir une alternative durable et de minimiser l’empreinte écologique des déchets plastiques. ‘’Nos objets en plastique recyclés respectent les normes de qualité exigées par nos clients, garantissant une intégration fluide dans leurs processus de production’’, a-t-il fait savoir.

Cependant, en dépit de ce dynamisme noté dans le recyclage des matières plastiques, la Direction de la réglementation et du contrôle (DIREC) du ministère de l’Environnement et de la Transition écologique, informe que le gap à combler par le Sénégal dans le recyclage du plastique est encore grand.

”Chaque année, près de 250 000 tonnes de déchets plastiques sont générées au Sénégal, dont 100 000 tonnes à Dakar, soit 40 % du tonnage global. Sur ce tonnage,  le Sénégal recycle seulement, 36 000 tonnes, soit 14,5 %”, indique la DIREC.

D’autres pays comme la France et l’Allemagne recyclent respectivement  24 % et 49 % de déchets plastiques.

MT/AB/ABB/ASB

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