Dakar, 22 nov (APS) – La réserve naturelle de la Grande Niaye de Pikine en banlieue dakaroise, un des derniers poumons vert de Dakar, est aujourd’hui confronté aux défis de l’urbanisation galopante et de la pollution.

Cette réserve naturelle urbaine de la Grande Niaye de Pikine de Dakar (RNUGNPD) a été créée en 2019 par décret, une mesure visant à gérer de manière rationnelle les écosystèmes mais aussi de maintenir les fonctions écologiques de cette zone humide.

Un deuxième décret porte sur l’annulation de tous les baux et titres fonciers sur ce site agressée par les ordures, le remblaiement pour en faire du bâti.

A cheval entre huit communes, Hann-Bel Air, Dalifort, La Patte D’Oie, Sam Notaire, Golf Sud, Pikine Nord, Pikine Ouest et Les Parcelles Assainies, la Grande Niaye, cette niche écologique s’érige sur une superficie de 650 hectares.

‘’Nous appelons à une appropriation du site par les populations mais également une implication des  collectivités territoriales environnantes pour pouvoir relever ces défis d’urbanisation et de pollution’’, plaide le conservateur du site, le lieutenant Abdoulaye Touré

Face à ces agressions liées à la pollution du sol, de l’eau, l’urgence était de créer ces deux décrets pour protéger cette réserve dont la gestion est confiée  à la direction des Aires marines communautaires protégées (AMCP), a indiqué lieutenant Touré.

Il s’adressait à des journalistes en visite sur le site, dans le cadre du programme de coopération CFI  de l’Agence française de développement en faveur des médias. Le but est de capaciter les médias à travers des sessions de formation sur  diverses problématiques environnementales.

Quelque 239 espèces migratrices fréquentent ce milieu aquatique faunique. ‘’Chaque mois, nous faisons le décompte mensuel pour avoir une idée du potentiel aviaire au niveau du site. Cela permet de s’assurer d’une régression ou non’’, a expliqué le conservateur.

Ainsi, face à une pluralité de défis notamment le déversement des déchets, l’accumulation de la pollution du lac, l’urbanisation galopante, l’impact de l’Autoroute à péage, la présence envahissante du Typha dans les eaux entre autres contraintes, les collectivités territoriales riveraines sont appelées à accompagner cette politique de conservation de ce poumon vert de la capitale dakaroise.

A cela s’ajoute l’usage de pesticides toxiques non adaptés dans les aménagements maraîchers au sein de  cette zone agricole qui compte aujourd’hui près de 600 maraîchers, qui s’y activent depuis plusieurs années, avant même l’érection de la réserve en aire protégée.

Par contre, s’est empressé de souligner le conservateur, les pêcheurs restent bien organisés. ”Ils sont regroupés en association et nous veillons à l’utilisation des mailles, une pratique de pêche non autorisée sur le site”, a-t-il dit.

Un effectif de 38 agents permet d’assurer la surveillance de cet espace écologique ceinturé par l’Autoroute à péage. ‘’L’appui des collectivités territoriales reste aujourd’hui une nécessité’’, estime Abdoulaye Touré.

Papa Abdoulaye Fall, environnementaliste, enseignant chercheur à l’université de Thiès, rappelle que Dakar est une ville ‘’malheureusement’’ sous une urbanisation galopante.

‘’Aujourd’hui, 2 Sénégalais sur 5, vivent à Dakar (…)”, a-t-il souligné, avant d’ajouter ”si on regarde Dakar, la Grande Niayes de Pikine appelée par abus Technopole, est le seul poumon vert”.

Cette zone humide ”joue trois fonctions principales”. ”Elle est hydrologique, c’est un réceptacle qui permet de recueillir toutes les eaux en saison des pluies. Du fait de sa biodiversité, les microorganismes et les végétaux épurent ces eaux afin de les rendre une eau de qualité’’, a expliqué l’environnementaliste.

Evoquant la fonction écologique du site, il a indiqué que ”la Grande Niayes est un habitat naturel pour une avifaune de renommée mondiale”.

‘’C’est un site qui aujourd’hui, doit aider les Sénégalais à mieux prendre connaissance des avantages de l’écologie. Elle fait face à beaucoup d’agressions anthropiques, des déchets solides, liquides traités ou pas, les maraîchers avec des produits chimiques entre autres effets de visiteurs qui peuvent y jeter des ordures’’, a regretté l’environnementaliste.

Selon lui, ce site à travers la contribution déterminée au niveau national (CDN), peut contribuer l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre à travers la séquestration de carbone.

Abordant les pistes de solutions pour protéger la Grande Niayes, il a exhorté à stopper le déversement des déchets polluant le lac et à faire un travail de dépollution des eaux. ‘’Nous n’avons pas une idée claire des produits qui sortent d’ici en termes de fruits et légumes et de poisson’’, s’est-il inquiété.

Ainsi, plaide Papa Abdoulaye Fall, il faut arrêter les sources de pollution car la station de traitement de boue de vidange qui rejette ses déchets, les pompes d’eau qui se ravitaillent en gasoil peuvent aussi infecter le sol.

Parmi les solutions déclinées, figurent une maîtrise de l’accès en érigeant un mur paysager permettant de voir ce qui se passe à l’intérieur du site afin de mieux le vendre, la sensibilisation en mettant en place des parcours avec l’installation des éco-lodges en faveur  de formations et d’excursions écologiques pour pouvoir drainer des retombées financières et résorber les contraintes financières.

‘’Il s’agit d’amener les Sénégalais à venir exploiter ce site moyennant un prix symbolique qui peut contribuer à son rayonnement mais aussi à développer des plantes médicinales au bénéfice des populations”, a suggéré Papa Abdoulaye Fall.

Selon lui, ”développer un projet de séquestration de carbone peut être une source additionnelle du Fonds vert climat (FVC)”.

Un univers riche et varié

Une visite guidée menant vers le bac aquacole a permis de traverser un sentier bordé de palissade de paille et d’arbustes qui s’étire sur près d’un kilomètre. Il est entrecoupé de plants de salades, poivron, courge, tomate et oseille arrosés par un système de goutte à goutte. De braves femmes s’affairent sous un chaud soleil, épluchant des tiges d’oseille.

La station d’épuration accolée au site fournit des eaux usées traitées permettant, à travers des tuyaux convoyeurs, l’arrosage des plants par un système de goutte à goutte, une technique d’arrosage qui aide à la maîtrise de l’eau.

Le bassin piscicole situé à l’autre bout de site, permet d’offrir 7 à 10 tonnes par campagne, selon Pape Diagne gérant du bassin et représentant de l’Union des organisations des producteurs de la vallée des Niayes.

Aujourd’hui, dit-il, ‘’nous sommes 5000 dans ce bassin et nous sommes prêts à faire  7 à 10 tonnes de poissons pour une campagne qui doit durer six mois’’.

Ce bac est alimenté par l’eau du mini forage pompée de la nappe souterraine, dont le renouvellement s’opère toutes les 72 heures, a fait savoir, M. Diagne qui invite les jeunes à venir se former et rester dans le pays pour y développer leurs propres activités.

Revenant sur les contraintes liées à son activité, le technicien relève un manque d’aliments pour ces espèces. ‘’Nous avions une rupture d’aliments et la commande a été faite depuis l’Italie’’, a-t-il expliqué.

Il a également plaidé pour l’installation d’un système d’oxygénation qui aidera le renouvellement à temps réel des eaux du bassin ainsi éviter les pertes.

SBS/OID/ASB

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