Kaolack, 4 fév (APS) – La campagne de commercialisation arachidière 2024-2025, lancée officiellement le 5 décembre dernier sur l’ensemble du territoire national, n’a pas répondu aux attentes des producteurs et autres acteurs qui s’activent dans cette filière dans la région de Kaolack, longtemps considérée comme le bassin arachidier du Sénégal, a constaté l’APS sur le terrain. Le secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachide (CCPA), Sidy Bâ, rappelle que la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques agricoles (DAPSA) avait estimé la production de l’année dernière à 1,5 million de tonnes. Pour cette année, «la production d’arachide est estimée entre 700 et 800 000 tonnes, ce qui reste d’ailleurs à confirmer , a-t-il précisé, soulignant des risques de « baisse drastique » des revenus des producteurs. Si certains producteurs et paysans de la région de Kaolack indexent la « mauvaise qualité » des semences et engrais, M. Bâ pense le contraire pour ce qui est de l’engrais, mettant en cause surtout l’arrêt pluviométrique survenu à un moment critique de la production, entre le 25 août et les 12 et 25 septembre et le niveau de fertilité des terres. Selon le secrétaire général du CCPA, au mois d’août, il a été enregistré à Gandiaye, pas moins de 200 mm de pluies, alors qu’au mois de septembre, la pluviométrie se situait à plus de 300 mm. «De fortes pluies qui causent plus de dommages que d’effets qui peuvent booster la production », a-t-il souligné. « Cette année, la campagne de commercialisation de l’arachide est assez particulière puisqu’il y a moins d’acheteurs par rapport aux années précédentes et un seul huilier dans le marché, la SONACOS (Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal) », a-t-il fait observer. Selon lui, le prix au producteur indiqué par le Comité national interprofessionnel de l’arachide (CNIA) et validé par l’Etat n’est pas respecté, parce que les producteurs bradent leurs graines à des prix inférieurs à celui indiqué. « Aujourd’hui, les graines d’arachide sont vendues dans les marchés à 225 francs CFA, mais de manière clandestine. D’ailleurs, il y a eu quelques arrestations dans différentes localités du pays. Ce qui fait que, même s’ils vendent leurs produits, ils le font en cachette », a-t-il souligné. Cette situation, ajoute Sidy Ba, a fait que les revenus des producteurs d’arachide ont « fortement baissé » par rapport aux années passées « parce qu’une bonne partie des points de collecte n’est pas opérationnelle. Ce qui fait que les opérateurs privés stockeurs (OPS), qui étaient dans la filière, n’ont pas d’argent pour s’engager dans cette campagne », a-t-il fait noter. Il ajoute que les exportateurs qui étaient actifs dans la commercialisation des graines d’arachide sont « invisibles », impactant « considérablement » la bonne campagne de commercialisation. Le gouvernement a fixé à 305 francs CFA le prix du kilogramme d’arachide pour la nouvelle campagne de commercialisation dudit produit agricole, soit une hausse de 25 francs par rapport à la précédente campagne où il était fixé à 280 francs CFA. Le blocage de l’exportation des graines mis en cause Parmi les causes de cette campagne de commercialisation jugée « mauvaise », certains acteurs de la filière pointent du doigt le blocage, par les nouvelles autorités, de l’exportation des graines d’arachide qui, pourtant, faisait l’affaire des producteurs et autres exportateurs. « S’il y avait assez d’acheteurs, avec la présence des autres huiliers qui étaient là, on n’allait pas connaitre cette campagne qui, il faut dire, n’est pas des meilleures. Il y a beaucoup de leçons à tirer et, probablement, l’Etat du Sénégal, à travers le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage, tirera les leçons qu’il faut », espère Sidy Bâ. Soulignant que les rendements sont « assez faibles », il pense que cette donne « inédite » est due, « certainement », aux effets néfastes du changement climatique avec son lot de désagréments dont l’irrégularité de la pluviométrie, la non prise en compte, par les producteurs et autres paysans de l’information climatique dans la planification de leurs activités agricoles, entre autres phénomènes à analyser par les chercheurs et spécialistes du développement agricole. Il cite l’Agence nationale de l’aviation civile et de ka météorologie (ANACIM), l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), les ingénieurs et techniciens du ministère en charge de l’Agriculture, aussi bien au niveau central que celui déconcentré, pour « booster » les rendements agricoles, surtout dans cette partie centrale du Sénégal communément appelée « Bassin arachidier ». « L’autre constat fait durant l’hivernage de 2024, c’est que, maintenant, il pleut beaucoup plus en septembre qu’en août. Les pluies qui tombent au mois de septembre causent beaucoup de dégâts chez les producteurs », a fait remarquer Sidy Bâ. La dissolution du CNIA réclamée Le président de l’association Aar Sunu Moomeel (Préserver notre patrimoine), Bassirou Bâ, réclame lui, la dissolution du CNIA et son remplacement par une structure « capable de mieux défendre les intérêts » des acteurs de la filière arachidière. « Les paramètres utilisés ne sont pas régulièrement évalués et corrigés, l’estimation des coûts de la main-d’œuvre et la valorisation de la main-d’œuvre familiale ne sont pas totalement prises en compte lors de la fixation du prix de l’arachide par le gouvernement », a déploré Bassirou Bâ. D’après lui, le seuil de sauvegarde fondé sur la valeur du travail ne rémunère pas réellement l’effort du producteur. C’est pourquoi son organisation réclame la suppression de la subvention des semences d’arachide et le renforcement de celle des engrais, l’ouverture des frontières en vue d’une meilleure commercialisation de l’arachide et la suppression du prix plancher. Pour sa part, Sidy Bâ, également porte-parole du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), s’oppose « catégoriquement » à la suppression du Comité national interprofessionnel de l’arachide, estimant, toutefois, qu’il doit être dirigé par un producteur d’arachide qui connait mieux les réalités de cette filière. « Malheureusement, lors de la dernière assemblée générale, on l’a confié à un opérateur semencier stockeur », a dit M. Bâ, membre du CNIA. Les coopératives communautaires, « normalement » une affaire exclusive des acteurs Par rapport à l’ambition des nouvelles autorités du pays de mettre en place des Coopératives agricoles communautaires, le président du CRCR de Kaolack invite les pouvoirs publics à s’appuyer sur l’existant, estimant que l’initiative de telles structures est « une affaire exclusive » des acteurs agricoles. Cette initiative doit être laissée à l’appréciation des « véritables acteurs » du secteur, a dit le syndicaliste agricole, Ibrahima Thiam de Médina Niassène, dans la commune de Keur Madiabel. « Les autorités sénégalaises doivent laisser la primeur aux organisations professionnelles d’agriculteurs et autres acteurs du monde rural. Les paysans sont partie prenante dans le dispositif de planification et de développement agricole, il faut leur donner l’occasion de s’exprimer et de s’affirmer dans cette dynamique enclenchée par les nouveaux tenants des pouvoirs exécutif et législatif », a-t-il soutenu. Selon lui, dans l’étape de Koungheul, dans la région de Kaffrine (centre), lors de la campagne électorale des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024, le Premier ministre, « très rassurant », avait promis de rendre au pays et au producteur agricole leur souveraineté. »Nous sommes des citoyens apolitiques qui n’œuvrons que pour le développement économique et sociale de notre pays, nous réclamons plus d’attention de la part de nos autorités », a lancé M. Thiam qui constate que l’agriculture est en train de mettre d’envoyer des producteurs au chômage. « Il n’est pas du devoir de l’Etat de créer des coopératives, il doit encourager les initiatives communautaires qui existent et les soutenir. Beaucoup d’initiatives ont été créées par l’Etat mais n’ont abouti à rien ; c’est le cas du syndicat +Japandoo+, parce que le Président Abdoulaye Wade est allé au Canada où il a vu comment les producteurs sont organisés et a décidé de créer des syndicats forts », a rappelé, à son tour, Sidy Bâ, le porte-parole du CNCR. La Société coopérative du groupement inter-villageois des producteurs agricoles (SCOP) de l’arrondissement de Ngodji a été créée depuis cinq ou six ans. Et elle parvient, tant bien que mal, à régler les problèmes de ses membres à travers la distribution d’engrais et de semences, l’organisation de sessions de formation et du matériel agricole subventionné et vendu à ses membres, a fait savoir M. Bâ. « Si l’Etat crée des coopératives à la place des véritables acteurs, il va déstabiliser les initiatives déjà créées par des paysans et gérées par des paysans eux-mêmes. Et des investisseurs dans l’agro-business vont s’immiscer dans ce secteur et continuer à faire leurs affaires sur le dos des paysans et autres producteurs agricoles », a-t-il alerté. D’après lui, le ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage doit mettre la pédale douce, en se concertant avec les organisations professionnelles, en se basant sur l’existant, le renforcer et encourager les autres à intégrer cette dynamique d’organisation communautaire. Les tentatives de rencontrer un responsable de l’usine Lyndiane de la SONACOS sont restées vaines, de même, qu’un entretien avec le responsable intérimaire de la Direction régionale du développement rural (DRDR) de Kaolack, Samba Gaye, et du président du Collectif des producteurs et exportateurs de graines d’arachide (COPEGA), Habib Thiam, malgré nos multiples et incessantes interpellations physiques et téléphoniques. ADE/ADC/ASB/HK/OID
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