SENEGAL-MUSIQUE-TECHNOLOGIE
Dakar, 20 juin (APS) – L’Intelligence artificielle générative va “démocratiser” la création artistique, mais devrait aussi se traduire par des effets négatifs sur l’économie de la création, de par sa nature de couteau à double tranchant, a soutenu le scénariste et réalisateur sénégalais Hussein Dembel Sow.
“[L]IA ouvre des possibilités incroyables pour la création de contenus et l’innovation artistique, permettant à n’importe qui de pouvoir l’expérimenter, de la voir prendre forme. Cela va renforcer l’aspect créatif”, a-t-il dit lors d’un entretien accordé à l’APS.
Il précise que dans le même temps, l’IA va aussi bouleverser l’économie, car elle va avoir des effets négatifs sur l’économie de la création.
L’IA générative est “tellement intuitive que finalement, n’importe quelle personne avec une intelligence moyenne peut prendre en main ces outils très rapidement”, estime le réalisateur et scénariste sénégalais.
Il a rappelé que cette révolution technologique, capable de générer du texte, du son ou de l’image, a connu un essor essentiellement à partir de 2020. “Aujourd’hui, a-t-il relevé, l’enjeu reste l’imagination et la créativité, vu que la barrière technique s’efface”.
Hussein Dembel Sow qui s’est familiarisé avec les nouvelles technologies dès le bas âge, tout en cultivant son amour pour l’art, invite les artistes sénégalais à s’adapter à ce qu’il considère comme une “évolution et révolution technologique”.
“Mais étant donné que les acteurs actuels sont réticents, ils sont dans la rigidité, ils ne veulent pas, ils sont contre l’IA, ce sont de nouvelles personnes qui entrent dans le secteur créatif et qui en bénéficient pour l’instant, qui viennent en profiter”, a-t-il soutenu.
“Est-ce qu’on peut être contre [l’IA] et être en retrait face à l’évolution technologique ?”, se demande Hussein Dembel Sow, qui pense que c’est une “erreur” d’adopter une telle attitude, d’autant qu'”on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras”.
“Je pense qu’il faut s’adapter. Car beaucoup d’emplois sont menacés. Par exemple, la photographie, certains métiers de l’image. Aujourd’hui, n’importe qui peut créer de la musique”, recommande l’auteur du clip “Thiaroye 44” du rappeur Dip Doundou Guiss, une première vidéo sénégalaise cent pour cent IA.
L’IA aidera les artistes qui n’ont pas forcément les moyens, car, dit-il, ils auront accès par exemple à des beatmakers (compositeurs de morceaux instrumentaux, faiseurs de son) et peuvent générer des beats en IA et topliner dessus en attendant d’avoir un vrai beatmaker.
Les avantages de l’IA sont beaucoup plus visibles dans le cinéma, retient-il, car elle peut permettre de faire des films qu’on n’aurait jamais pu faire autrement.
“Cela réduit drastiquement les coûts de production, comme par exemple la production d’effets spéciaux. Le simple fait qu’on puisse faire un film sans tournage, sans caméra, sans équipe, presque tout seul, c’est un avantage”, signale Sow qui a confié n’avoir jamais rencontré physiquement l’artiste Dip lorsqu’il réalisait son clip.
Il y a cependant à craindre des problèmes de droits d’auteur, laisse-t-il entendre.
“Pour les droits d’auteur, je ne suis pas expert en droit, mais je sais que c’est un vide juridique. Il n’y a pas de législation. Il faut attendre qu’il y ait suffisamment de procès pour avoir une jurisprudence. Mais aujourd’hui, c’est à la perte des artistes dont les œuvres sont utilisées sans autorisation”, relève-t-il.
Il y a beaucoup de procès actuellement aux Etats-Unis, a-t-il affirmé, en rappelant que le New York Times par exemple, un quotidien d’information new yorkais, a intenté un procès contre OpenAI, le créateur de Chatterjee Beauty, parce qu’ils l’accusent d’avoir entraîné les IA sur leurs données.
Il a par ailleurs pointé un danger lié à la réduction des coûts pour la musique sénégalaise.
“Je pense qu’il y a un aspect de réduction des coûts, également le fait que les revenus se fragmentent. Déjà, c’est difficile de gagner de l’argent avec la musique, mais imaginez qu’il y ait plein d’artistes en IA, des gens qui créent des chansons en IA et qui viennent concurrencer les artistes”, insiste-t-il.
Il rappelle que l’IA est un domaine d’étude scientifique qui existe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les pionniers ont développé cela depuis les années 1970.
Mais pour l’IA générative, celle dont on parle aujourd’hui, a vraiment commencé en 2019 avec un papier publié chez Google, et c’est cette formule-là qui est utilisée jusqu’à présent pour entraîner ces modèles, selon Sow.
FKS/HK/BK