Elage Diouf : le retour aux sources d’un artiste ancré dans la tradition et ouvert à la modernité
Elage Diouf : le retour aux sources d’un artiste ancré dans la tradition et ouvert à la modernité

SENEGAL-MUSIQUE-PORTRAIT

Dakar, 19 juin (APS) – Le chanteur et percussionniste sénégalais Elage Diouf va se produire au théâtre de verdure de l’Institut français de Dakar, ce vendredi soir, à la veille de la Fête de la musique prévue le 21 juin.  

Installé au Canada depuis près de trois décennies, Diouf revendique une musique ancrée dans la tradition tout en restant ouvert à la modernité.

Ce concert placé sous le signe du retour aux sources et du partage, a-t-il confié lors d’un entretien avec l’APS réalisé sur le lieu du spectacle.

Tout de noir vêtu, les dreadlocks recouverts d’un bonnet, un collier au ras du cou, Diouf abord son éternel sourire.

Autant dire que c’est dans une ambiance détendue et conviviale qu’il accueille les journalistes de l’APS. Et c’est tout naturellement qu’il se livre à cœur ouvert sur sa longue carrière, ses débuts à Dakar, ses influences musicales et sa manière d’habiter la scène. 

Le chanteur est aussi un percussionniste accompli, son premier métier dans la musique. Il revendique d’ailleurs une musique ancrée dans la tradition tout en restant ouverte à la modernité.

‘’Le rythme, c’est mon ADN. J’ai grandi avec ça. J’ai joué partout à Dakar, dans les cérémonies, les stades, les mariages… J’ai vécu tout ça. Et cela reste dans mes compositions’’, lance-t-il. 

Son concert du vendredi sera un moment de partage. L’artiste confie vouloir, à cette occasion, revisiter un large éventail de son répertoire.

‘’Les gens connaissent mes chansons, les populaires comme celles que seuls les mélomanes repèrent. Mais sur scène, je veux aussi interpréter des morceaux que le public n’a jamais entendus en live’’, annonce-t-il.

Donner un spectacle est à l’en croire toujours un plaisir, peu importe le lieu. ”Mais quand il s’agit de Dakar, et en plus à l’Institut français, c’est un immense plaisir. Ce concert du 20 juin, veille de la Fête de la musique, me tient particulièrement à cœur’’, souligne-t-il.

Très attaché à la qualité sonore de ses prestations, Elage Diouf a mis un point d’honneur dans le choix d’un espace doté d’une bonne acoustique. ‘’Je tiens beaucoup au son. Que ce soit pour un album ou un concert, il faut que l’écoute soit agréable, que rien ne gêne l’oreille’’, justifie-t-il.

‘’Parmi les meilleurs spectacles que j’ai donnés, ceux de l’Institut français, que ce soit à Dakar ou à Saint-Louis, sont restés gravés dans ma mémoire. La qualité technique y est au rendez-vous, ce qui me permet de vraiment m’exprimer sur scène’’, ajoute-t-il.

L’assiko, rythme qu’il affectionne particulièrement, est très présent dans sa discographie. ‘’C’est un rythme simple, accessible, dansant. Il parle aux gens, même à ceux qui ne le connaissent pas. C’est comme un beat house européen, mais avec les instruments traditionnels comme le bougarabou ou les tchatchas’’, explique-t-il.

Interpellé sur la nouvelle génération qui remet l’assiko au goût du jour, Elage Diouf se montre enthousiaste. ‘’Oui, bien sûr, je suis ouvert à des collaborations. S’il y a des artistes qui travaillent bien ce rythme et qui ont quelque chose à dire, pourquoi ne pas unir nos forces ?’’

Une carrière née dans les rues de Dakar

L’artiste est revenu avec émotion sur son enfance, passée entre Les HLM et Grand-Dakar, et sur ses premiers pas dans la musique. ‘’On n’avait pas d’instruments. On jouait avec des bouteilles, des voitures garées. On cherchait des sons’’, se rappelle-t-il.

Son premier vrai instrument, il l’a reçu d’un voisin plus âgé, qui l’a intégré dans ses activités culturelles. ‘’C’est comme ça que j’ai commencé. Ensuite, j’ai quitté l’école et j’ai appris l’électricité. Sur les chantiers, j’étais seul, je chantais en travaillant. C’est comme cela que j’ai développé ma voix’’, raconte-t-il.

Il a aussi expliqué comment il se cachait pour jouer, car la musique n’était pas toujours bien vue. ‘’Je n’étais pas griot. Jouer des percussions, ce n’était pas toujours accepté. J’allais jouer dans d’autres quartiers, en cachette.’’

Une vision lucide de l’industrie musicale

Installé à Montréal depuis 1996, Elage Diouf reste profondément connecté au Sénégal. Il suit l’actualité artistique et sociale de près et en tire son inspiration. ‘’Ce que j’écris, ce que je chante, vient de ce que je vis, mais aussi de ce que les autres vivent. J’observe, j’écoute, je raconte.’’

Pour lui, la scène musicale sénégalaise regorge de talents, mais souffre d’un manque d’accompagnement.

‘’Faire de la musique demande des moyens. Beaucoup d’artistes talentueux ne peuvent pas avancer parce qu’ils n’ont pas de soutien. Et parfois, les rares ressources qu’ils trouvent viennent de mécènes qui attendent quelque chose en retour’’, a-t-il regretté.

Il appelle à une meilleure structuration du secteur et à la protection des artistes contre le piratage. ‘’Vendre les CD piratés dans la rue, c’est comme vendre un bien volé. Cela tue la carrière de l’artiste.’’

La création, chez lui, est avant tout un processus spontané. ‘’Navétane, je l’ai composée en cuisinant’’, confie-t-il, sourire en coin. ‘’Je me suis dit : tiens, cela ferait une bonne chanson pour motiver les joueurs. Je l’ai enregistrée en maquette, puis je suis allé en studio. C’est venu naturellement.’’

Selon lui, ‘’ce qui est difficile, c’est de trouver l’idée. Une fois qu’elle vient, on la développe. Et on ne sait jamais à qui ça va plaire. Mais il faut oser proposer’’.

”J’aime les chansons qui racontent quelque chose, qui laissent une trace. L’amour, c’est bien, mais on ne peut pas chanter que ça. Il y a des réalités à dire, des messages à faire passer”, souligne Elage Diouf.

Sa dernière chanson Saytou (analyse en wolof), dit-il, est née d’un ressenti face à des dérives sociales. ”Ce que j’entends parfois dans les audios, les discussions, les comportements, ça m’inquiète. Il faut parfois tirer la sonnette d’alarme”, a-t-il indiqué.

Parmi ses influences majeures, Elage Diouf cite Youssou Ndour, Baaba Maal, Souleymane Faye, mais aussi les grandes voix du théâtre Sorano. ”Je suis très curieux. J’ai toujours écouté de tout. Même la télévision, dans mon enfance, a été une source d’apprentissage”, dit-il.

Aujourd’hui, bien que discret, il continue de travailler sur de nouveaux projets. ”J’ai beaucoup de chansons. L’industrie a changé, les albums physiques sont devenus rares. Tout est numérique. Mais j’essaie de m’adapter et de toujours proposer quelque chose de neuf”, indique-t-il.

Le concert prévu ce vendredi 20 juin à l’Institut français de Dakar s’annonce ainsi comme une plongée intime dans l’univers d’un artiste enraciné, généreux et profondément habité par le rythme et la parole.

MK/FKS/HK/ASG

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