Danse traditionnelle, une source d’inspiration pour praticiens du secteur
Danse traditionnelle, une source d’inspiration pour praticiens du secteur

SENEGAL-DANSE-ANALYSE

Dakar, 29 avr (APS) – La danse traditionnelle ou patrimoniale, considérée comme “la mère des danses”, représente l’identité des Africains aux yeux de beaucoup de praticiens du secteur qui la considèrent comme une source d’inspiration dans toute sa diversité.

Au Sénégal et partout en Afrique, chaque battement de tam-tam, ou le son d’une kora, va au-delà du rythme, la danse traditionnelle incarnant l’âme de tout un peuple sur le continent africain. Elle transmet l’histoire, les valeurs, la cohésion sociale d’une génération à une autre.

Interrogés à l’occasion de la Journée internationale de la danse célébrée ce 29 avril, de nombreux spécialistes notent l’influence de la danse traditionnelle sur toute autre forme de danse notamment celle dite moderne ou contemporaine, tout en regrettant que ce style soit négligé par la jeune génération.

Si la danse traditionnelle est respectée sous d’autres cieux, en Afrique, la danse patrimoniale reste, aux yeux des praticiens, un peu négligée par la jeunesse du continent.

Du point de vue de la plupart des experts et praticiens, les jeunes Africains gagneraient à s’intéresser d’abord aux danses traditionnelle africaines avant de vouloir copier les styles d’autres continents.

“La danse traditionnelle, c’est la mère des danses, parce que la danse traditionnelle, fait partie de notre vie en tant qu’Africain, elle nous représente, c’est notre identité”, explique le directeur artistique de la compagnie “5ème dimension”, Jean Tamba.

Danseur et chorégraphe sénégalais, Jean Tamba souligne que la danse traditionnelle demeure le socle de toutes les formes de danse notamment le tango, le breaking dance, la capoeira, etc.

A l’en croire, la danse devient traditionnelle au fil du temps, au bout d’une cinquantaine d’années. Elle reste toutefois contemporaine au temps présent.

“La danse contemporaine, c’est ce qu’on fait actuellement, peut-être dans 50 ans, ce que l’on fait actuellement pourra devenir une danse traditionnelle. C’est ce que nous devons retenir”, précise-t-il, faisant allusion au distinguo entre les deux termes.

Il explique que la danse traditionnelle se fait à travers un langage corporel, un rythme, et cela représente, en son entendement, une “vie” dans la mesure où elle reste le premier “art”.

Un patrimoine pour la jeunesse africaine

Jean Tamba déplore le fait que la jeunesse africaine ne prend pas en compte l’importance d’avoir une formation en ballet traditionnel pour se perfectionner, estimant que cette façon peut devenir source de handicap dans leur vie professionnelle.

“La danse traditionnelle, c’est tout un problème au Sénégal. Particulièrement, je suis passé par le ballet traditionnel, c’est là où j’ai commencé. Mais les jeunes d’aujourd’hui, ils vont directement faire la danse soi-disant contemporaine, car ils veulent copier les Européens”, déplore le danseur qui a signé la chorégraphie d’ouverture du dernier Festival national des arts et de la culture à Fatick en janvier 2024.

Le chorégraphe estime que les jeunes gagneraient plus à débuter leur formation au sein des ballets traditionnels avant de chercher à faire le breaking dance, le hip hop, la danse classique et d’autres formes de danses.

“Tu es déjà Africain, c’est ta technique, ton patrimoine, c’est à toi. Donc tu gagnerais à apprendre d’abord la danse traditionnelle, car on est dans un monde de donner et de recevoir”, laisse-t-il entendre.

S’interrogeant sur cette négligence, il a souligné l’importance de vendre son identité ailleurs grâce à la connaissance de sa culture.

” […] il a fallu que les Européens viennent ici, prennent les choses, les mettent en valeur et les vendent pour qu’on s’en rende compte. Malheureusement, on n’est pas conscient pour dire que nous devons connaître notre culture, avant d’aller voir ailleurs”, martèle Jean Tamba.

Abondant dans le même sens, le percussionniste, danseur et chorégraphe du ballet la Linguère du théâtre national Daniel Sorano, Birane Mboup dit “Baye Mboup”, pense quant à lui que le ballet traditionnel reste la meilleure école de formation de danse.

L’actuel arrangeur musical du ballet national souligne comment cette discipline permet de mieux vendre la culture sénégalaise à travers le monde, tout en invitant les danseurs à lui accorder plus de considération.

“Cela fait 29 ans que je travaille au ballet national de Daniel Sorano, qui est pour moi, le temple de la danse. C’est très important d’accorder plus de considération à la danse traditionnelle, car elle nous permet de vendre notre culture ailleurs”, ajoute-t-il.

Il insiste sur le fait que la danse traditionnelle dure dans le temps et dans l’espace. D’après lui, elle est “perpétuée et promue” grâce aux échanges culturels avec des artistes étrangers.

“Présentement, nous sommes en train de préparer le 60e anniversaire de Daniel Sorano, et là nous mélangeons la danse traditionnelle et contemporaine, pour plus d’ouverture”, précise Baye Mboup.

Le traditionnel permet d’aller vers la danse contemporaine

Mais “le traditionnel permet d’aller vers d’autres formes que l’on va juger contemporaines”, indique la spécialiste en danse classique et moderne jazz, Marianne Niox.

Elle prône l’évolution de la danse traditionnelle, grâce au mélange avec les autres.

“Il faudrait que ce traditionnel évolue. On le voit chez les Russes, leur danse folklorique, c’est hyper technique, classique, mais traditionnelle et ils permettent son évolution”, retient-elle, ajoutant que ces derniers utilisent souvent l’afro dans leur opéra.

Dans cet ordre d’idée, elle indique comment le moderne jazz, reste complètement adapté aux Africains, car étant née pendant la ségrégation raciale avec l’apport d’une afro descendante.

Ce type de danse, poursuit-elle, utilise les racines de la danse africaine, de par sa technique par exemple.

“Le moderne jazz est plus intéressant que le contemporain qui nous vient de l’Occident, il est beaucoup plus adapté aux Africains”, lance-t-elle.

Elle estime par ailleurs qu’il faut essayer de mixer la danse traditionnelle pour s’ouvrir aux autres styles.

“(…) ce qui est difficile, c’est de faire comprendre aux danseurs de la place, qu’il faut s’ouvrir aussi sur les autres formes de danse. Ce n’est pas cela qui va leur faire perdre leur entité, leur racine. Il faut s’ouvrir pour s’enrichir intellectuellement et dans le mouvement”, fait savoir Marianne Niox.

Déconstruire pour construire

Gacirah Diagne, présidente de l’association “Kaay Fecc”, estime pour sa part que les jeunes inventent de nouvelles formes créatives, en “s’inspirant des danses traditionnelles, pour trouver leur propre identité”.

Elle revient sur l’importance de déconstruire et de construire, dans le mixage entre la danse traditionnelle et moderne.

D’après Mme Diagne, le mixage des deux est une question de travail et de recherche. D’où l’importance, selon elle, de prendre tout son temps, pour se démarquer des autres, lors des prestations.

“On peut prendre, par exemple, le tour de sabar, le transformer et l’ajouter à un mouvement de breaking, ou bien un top rock”, explique la spécialiste de danse hip hop.

Dans cette démarche, poursuit Mme Diagne, il faut prendre le temps de réfléchir et de décortiquer les choses pour pouvoir mieux rassembler les deux mouvements.

“Tout ce qui est bien fait est vendable. Tout ce qui est de qualité est vendable. Le fait de mixer ou de fusionner plusieurs types de danses, amène à des choses nouvelles qui font que l’art se renouvelle”, affirme-t-elle.

La présidente de “Kaay Fecc”, une association de danseurs sénégalais qui organise chaque année un festival de danse du même nom, préfère l’idée d’offrir un contenu intéressant devant le public, afin d’inciter les gens à apprécier la chose de manière globale.

“L’artiste, je crois qu’il n’est pas là pour plaire à un public. Il est là pour passer un message, être le reflet du monde, un précurseur”, fait-elle valoir.

AMN/FKS/ADL/BK

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