Dakar, 20 (APS) – Le peintre sénégalais Yelli Ndoye plus connu sous le nom de ”Manel Ndoye” demeure un artiste hors du commun ayant su bouleverser des pronostics grâce à son désir de faire mieux, laquelle obstination à l’art lui a valu d’ailleurs le prix de la mairie de la ville de Dakar à l’ouverture de la 15ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art), le 7 novembre dernier pour son œuvre en tapisserie dénommée ”Portée culturelle”, à voir dans le pavillon Sénégal au Musée des civilisations noires. Du haut de ses 38 ans, Manel Ndoye est issu d’une famille d’artistes. Petit Frère de Mouhamadou Ndoye dit Dout’s, décédé en juin 2023 et à qui le Dak’art 2024 rend hommage à la galerie nationale d’art, Manel s’est aussi lancé dès sa tendre enfance dans le monde artistique grâce à l’un de ses oncles et à son aîné.Comme la plupart des enfants en milieu musulman, ce natif du village Djender, situé à la commune de Kayar, dans la région de Thiès, à plus 66 Km de Dakar, a aussi passé par l’école coranique avant d’être scolarisé à l’école française. D’ailleurs c’est dans cet atmosphère scolaire et familial immédiat qu’il a piqué le virus de l’art. Marié et père de deux enfants, cet artiste dans l’âme, insiste sur le fait que l’initiation à l’art chez eux, commence d’abord à la maison.”J’avais un grand maître à l’école élémentaire, le petit frère de mon père qui était aussi le père de Dout’s, qui dessinait des graphiques dans la classe et qui m’a influencé”, s’est-il souvenu.”Quand j’ai commencé à fréquenter mon oncle, mon papa Mbaye, c’était une orientation, non seulement pour apprendre le français, mais en même temps le dessin. Donc il y avait une initiation d’abord au sein de la famille”, martèle-t-il, en souriant.Manel explique comment son frère, lui a été de bon conseil en l’orientant vers les beaux-arts de Dakar, après son cursus élémentaire.Il note que ce dernier lui a proposé de continuer son cursus dans une école tournée vers les arts, s’il comptait aller ”plus loin”.”Il me disait si tu veux faire une carrière, il faut faire la formation, car c’est important. Il m’a demandé d’avoir au moins le niveau BFEM et moi, j’étais impatient. Je devais continuer pour avoir le bac, mais une fois mon diplôme de BFEM, je me suis rendu directement aux beaux-arts”, précise-t-il.De zéro en hérosEntre le dessin et la peinture, il n’y a qu’un seul pas. Manel Ndoye prend la décision de s’inscrire à l’Ecole nationale des arts de Dakar.Dissuadé par bon nombre de ses enseignants de ne pas embrasser le monde des arts, cet étudiant qui s’en sortait pas mal en sciences, a tout de même foncé, pour vivre sa passion et se faire une place dans les beaux-arts.Fort en dessin, mais faible en peinture, c’est vers cette dernière que le jeune artiste s’est toutefois orienté, en parlant d’une orientation vers “la filière qui lui faisait plus de mal pour se spécialiser”.”A ma troisième année, je me suis rendu compte que toutes mes mauvaises notes, c’était en peinture et à certain moment il était demandé aux étudiants de se spécialiser, étant mauvais dans cette discipline, ils m’ont dit que ce n’était pas évident que je devienne peintre, mais j’ai dit que je le deviendrais”, se remémore l’artiste, d’un air satisfait de son choix.Avec le recul, l’artiste se rappelle de ses sacrifices pour apprivoiser cette discipline. Il souligne également comment il a dû travailler durement pour se frayer un chemin dans son école, en se lançant dans l’aide de certains de ses condisciples et d’autres étudiants en difficultés.”Je suis sorti major de ma promotion en 2010. C’était émouvant et très significatif pour moi, car de zéro à major, cela a été signifiant. Je m’exerçais beaucoup. Je devais apprendre et découvrir. C’est comme si tu redoubles d’efforts, en même temps, pour aller loin dans ce domaine”, fait-il valoir.Avant de sortir major, l’artiste en herbe de l’Ecole des beaux-arts, faisait partie des jeunes africains à avoir été sélectionnés pour participer à un festival international en Iran, en 2009.”J’étais sélectionné en tant qu’étudiant des beaux-arts, pour représenter le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest, en Iran, lors d’un festival international dans la province de Gorgan”, dit-il.Manel se souvient du sentiment de fierté qu’il a ressenti en remportant un prix au cours de cet événement.‘’ (…) cela a été fabuleux. Et vraiment avec un grand bonheur, parce que l’Afrique a été primée. Avant que je ne sois primé, je discutais parfois avec les autres artistes avec qui je partageais des techniques, et lorsque le jury m’interpellait par rapport à la compétition, je lui disais que je n’étais pas là pour créer des œuvres compétitives, mais plutôt à partager avec des sociétés’’, tranche l’artiste.A l’en croire, cet événement n’était pas à ses yeux une compétition, mais plutôt un atelier de partage des techniques avec les autres. D’où son sentiment de fierté d’avoir remporté ce prix pour l’Afrique et le Sénégal en particulier.Manel Ndoye ne s’est pas seulement arrêté en Iran. En tant qu’artiste, il a sillonné le Sénégal et l’Europe pour faire valoir son art.Après ses études, cet artiste qui a toujours été encouragé par sa mère a participé dans plusieurs rencontres notamment lors du troisième Festival mondial des arts Nègres à Saint-Louis en 2010, à la Biennale de Dakar, une exposition en solo en France, etc.Pour lui, sa présence dans différents festivals ou expositions, lui permet de mieux vendre son art et la culture de son pays, le Sénégal.Avec six Dak’art à son actif, il témoigne avoir remporté son premier off en 2012, où il en était sorti avec un sentiment de satisfaction.Selon Manel, cette biennale, lui a non seulement permis d’échanger avec des visiteurs, mais elle a aussi été, une occasion pour les collectionneurs occidentaux de prendre ses œuvres.Propriétaire d’un atelier à Dakar, Manel Ndoye prend plaisir à former certains de ses amis et des jeunes gens désireux de se lancer dans l’art.”Parmi les gens que j’ai formé aux beaux-arts, il y a un ami qui est devenu un grand artiste et expose comme moi au pavillon Sénégal”, révèle-t-il. réinventer le langage de la tapisserie traditionnelleL’œuvre ayant permis à l’artiste de remporter le prix de la ville de Dakar, est une tapisserie de cinq mètres dénommée ”Portée culturelle” qui se veut de ”réinventer le langage de la tapisserie traditionnelle sénégalaise, non plus accrochée au mur, mais suspendue, flottant au cœur de la pièce invitant le spectateur à une immersion totale”, avait soutenu le jury dans sa délibération.”Dès l’approche, la notion de matérialité captive et questionne, redéfinissant la tradition à travers une technique de motifs pixélisés. (…). L’œuvre tisse ainsi les liens profonds avec l’usage historique des tapisseries au Sénégal, tout en rendant hommage à la tradition de la pêche”, a indiqué le jury en saluant le travail de cet artistes ”au regard féminin et sensible”.Exposée au pavillon Sénégal au niveau du musée des civilisations noires et réalisée pendant sept mois, à l’aide des tissus wax et bazin, cette tapisserie ne demeure pas l’unique grande œuvre de Manel Ndoye, car il a déjà signé une tapisserie de huit mètres.Il se dit vouloir continuer sur cette lancée, pour se démarquer des autres. ”Cette tapisserie c’est comme si c’était tissée, alors que c’est de la peinture”, précise-t-il.Pour lui, les femmes figurant dans l’œuvre entrain de danser, démontrent non seulement leur culture, mais aussi leur tradition et leurs identités vestimentaires.Il retient que cette œuvre en recto verso, dénonce et sensibilise à la fois, les gens sur ‘’le respect du milieu aquatique’’. D’où l’image des poissons.”Cette œuvre marque notre relation avec le monde animal. Le fait que j’aie également utilisé la géolocalisation, c’est non seulement pour parler des pêcheurs, mais aussi de la pêche (…)”, soutient-il.”Je compte dans l’avenir, développer et mieux partager mon art. En même temps aussi, aider les autres artistes à être créatifs, à travers des possibilités que je leur offrirai”, annonce Manel Ndoye.Le natif de Djender, veut réaliser leur projet en commun avec son défunt frère, sur la création d’un ”grand centre” pouvant accueillir toute expression artistique au sein de leur village situé à près de 66 km de Dakar.”Dout’s et moi, avions un grand projet, celui de la création d’un centre au niveau de notre village à Djender. Puisqu’il ne fait plus partie de ce monde, je vais continuer ce projet pour nous”, témoigne-t-il, avec un ton subitement attristé.D’après lui, l’idée est de donner la possibilité aux étrangers et à des artistes désireux de résider au Sénégal, de découvrir l’intérieur du pays et l’hospitalité des gens du village.”Ce centre sera un moyen de rendre hommage à Dout’s et de permettre aux gens qui s’y expriment de se rendre également dans son musée, se trouvant à l’intérieur de sa maison pour découvrir ses œuvres”, estime Manel Ndoye.AMN/FKS/MK/SMD
SENEGAL-RELIGION-NECROLOGIE / Médina Baye : décès de Cheikh Moustapha Niass, petit-fils de Baye Niass
SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COMMEMORATION-REPORTAGE / Bamboung, une idée des trésors du delta du Saloum – Par Mohamed Tidiane Ndiaye (APS)
SENEGAL-RELIGION-NECROLOGIE / Médina Baye : décès de Cheikh Moustapha Niass, petit-fils de Baye Niass
SENEGAL-SANTE / Kolda : la prévalence du VIH à 1,7%, “taux largement supérieur à la moyenne nationale” (médecin)
SENEGAL-CULTURE / Kaffrine accueille la première édition du Salon régional des arts visuels, ce samedi