Big Data : un secteur clé pour une économique numérique souveraine
Big Data : un secteur clé pour une économique numérique souveraine

SENEGAL-TIC-DEVELOPPEMENT

Dakar, 24 juin (APS) – Le Big Data, un des piliers du New Deal Technologique, l’ambitieuse stratégie numérique du Sénégal, offre de nombreuses opportunités pour le développement de l’économie nationale, selon plusieurs experts dans le domaine interrogés par l’APS.

Carrefour numérique en Afrique de l’Ouest, le pays se trouve à l’aube d’une transformation profonde, supportée par l’essor des technologies émergentes telles que l’Intelligence artificielle (IA) mais aussi le Big Data.

Cette masse colossale de données, générée à une vitesse et une diversité sans précédent, lorsqu’elle est étudiée et analysée, renferme un potentiel immense pour stimuler la croissance économique, améliorer les services publics et favoriser une prise de décision plus éclairée.

D’ici 2030, 40% des compétences actuelles seront obsolètes et 59% des travailleurs devront se reconvertir, selon le rapport 2025 du Forum économique mondial sur l’avenir de l’emploi.

Entre 2025 et 2030, parmi les compétences qui seront les plus recherchées en Afrique subsaharienne figurent en premier plan les compétences technologiques, notamment dans les domaines de l’IA et du Big Data qui seront les plus grands créateurs d’opportunités sur le marché du travail.

— Une discipline technologique pour tous les usages—

Plusieurs secteurs clés de l’économie sénégalaise peuvent aujourd’hui grandement bénéficier de l’analyse du Big Data grâce à des infrastructures mises en service à cet effet, comme les Data Centers, dont celui de Diamnaidio, installé à l’orée de la Cité du savoir qui comporte plusieurs infrastructures dédiées aux technologies émergentes.

Dans le domaine de l’agriculture, l’analyse des données météorologiques, des types de sols, des rendements et des prix du marché peut optimiser les pratiques agricoles, prévoir les récoltes, gérer les ressources en eau de manière plus efficace et améliorer la chaîne d’approvisionnement.

Des plateformes d’AgriTech, comme le projet Yessal AgriHub, utilisant le Big Data, fournissent des informations cruciales aux agriculteurs, contribuant ainsi à la sécurité et à la souveraineté alimentaires.

Dans le domaine de la santé, le Big Data offre des perspectives passionnantes pour améliorer les diagnostics, personnaliser les traitements, suivre la propagation des maladies, optimiser la gestion des ressources hospitalières et mener des recherches épidémiologiques plus poussées.

L’analyse électronique des dossiers médicaux, des données de télémédecine et des informations transmises grâce à des objets connectés peut révolutionner la prise en charge des patients.

Au Sénégal, l’analyse des données épidémiologiques a permis de mieux gérer des crises comme la COVID-19, grâce au déploiement par les services compétents de l’État de systèmes de traçage mobile, en attendant une accélération plus soutenue de la recherche médicale via le Big Data.

Les services financiers sont déjà de grands producteurs et utilisateurs de données. L’analyse des comportements des consommateurs, des transactions financières et des données de localisation permet de personnaliser les offres, de détecter les fraudes, d’améliorer le service client et de développer de nouveaux produits et services adaptés aux besoins spécifiques du marché sénégalais.

Pour ce qui est du commerce, la compréhension des habitudes d’achat, des préférences des consommateurs et des tendances du marché grâce au Big Data ouvre la voie à des stratégies marketing plus ciblées et plus efficaces, à l’optimisation des stocks et à l’amélioration de l’expérience client.

Dans le secteur du transport, l’analyse des données de trafic, des flux de mobilité et des informations géospatiales peut contribuer à une meilleure planification urbaine, à l’optimisation des réseaux de transport, à la réduction des embouteillages et à l’amélioration de la qualité de vie dans les villes.

Malgré le potentiel immense du Big Data, le Sénégal fait face à un défi majeur : le recrutement des talents, ces professionnels qualifiés en science des données. Pour le relever, le pays doit accompagner l’éclosion de talents, mais également être capable de les fixer dans le pays, afin d’éviter la ‘’fuite des cerveaux’’.

Dans les universités sénégalaises et instituts supérieurs publics et privés, des formations en IA, en cybersécurité, Big Data ou encore robotique accueillent de plus en plus d’apprenants.

Le Big Data est une discipline multidisciplinaire, qui requiert des compétences pointues en mathématiques, en statistiques, en informatique et une expertise sectorielle pour pouvoir poser les bonnes questions, collecter, nettoyer, analyser et interpréter les données de manière pertinente. Ainsi, des profils comme les ‘’Data scientists’’, les ‘’Data analysts’’, les architectes Big Data, les ‘’Data miners’’, sont autant de débouchés recherchés sur le marché des technologies de pointe.

— La recette des spécialistes pour dompter le Big Data—

Aujourd’hui, la capacité du pays à absorber les compétences peut être un frein non négligeable au déploiement de ces technologies.

Ndiaye Dia, ingénieur en IA et fondateur de l’Institut des algorithmes du Sénégal (IAS) parle d’un “vrai défi’’. Selon lui, l’écosystème local peine encore à absorber ces compétences de manière optimale.

‘’Cela s’explique par plusieurs facteurs : manque d’industries technologiques matures, faible interconnexion entre la recherche et le monde de l’entreprise et sous-investissement dans l’innovation locale”, dit-t-il estimant qu’il est donc crucial de renforcer la coopération public-privé et d’accompagner davantage les start-ups technologiques locales pour créer un tissu économique capable de tirer parti de ces expertises.

L’IAS a formé depuis sa création en 2020, plus de 600 jeunes Sénégalais à travers ses différentes sessions en ligne et bootcamps hybrides.

L’analyse du Big Data reste encore, selon l’ingénieur, en “phase embryonnaire” dans la plupart des secteurs au Sénégal. ‘’Des initiatives pilotes existent, notamment dans la santé, avec des systèmes de suivi épidémiologique, ou dans l’agriculture de précision, mais elles restent isolées’’.

Toutefois, pour une mise en œuvre à grande échelle, Ndiaye Dia préconise le renforcement des infrastructures numériques, mais aussi celui de la souveraineté des données et la formation de décideurs à la culture Data.

Pour sa part, Marie Ndiaye, enseignante-chercheuse à l’université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ), évoque la problématique de l’informatisation des données à laquelle sont encore confrontés de nombreux secteurs au Sénégal.

Même si le pays ambitionne une transformation numérique de tous les secteurs de développement, “l’informatisation de certaines données restent encore timide”.

Selon la directrice du Laboratoire d’informatique et d’ingénierie pour l’innovation de l’UASZ, les opportunités du Big Data sont immenses pour l’économie sénégalaise, notamment avec la montée en puissance de l’IA, mais il est crucial de travailler à promouvoir les jeunes, notamment les femmes dans ces sciences.

Pour Mouhamed Moustapha Diouf, directeur de ”Baamtu technologie”, une entreprise spécialisée dans l’ingénieure logicielle, le véritable défi est la capacité des entreprises sénégalaises à générer suffisamment de croissance pour attirer et fidéliser les talents.

‘’La concurrence est désormais mondiale : l’Afrique anglophone, l’Europe, les États-Unis et l’Asie représentent des pôles d’attraction majeurs pour ces professionnels hautement qualifiés. De plus, le marché sénégalais reste relativement petit et limité en termes de pouvoir d’achat. Ce qui rend difficile la viabilité économique de solutions technologiques locales à grande échelle’’, constate-t-il.

— Éviter la ‘’fuite des talents’’— 

Tout ceci contribue, selon lui, à la ‘’fuite des talents’’ attirés par des opportunités lucratives à l’étranger.

“Des Sénégalais brillent dans des entreprises de renom comme Google, Meta ou Apple, et des initiatives locales produisent des professionnels qualifiés capables de relever les défis du Big Data. Le vrai enjeu réside plutôt dans la capacité du Sénégal à attirer, retenir et fidéliser ses talents, dans un contexte de concurrence mondiale’’, a souligné Mouhamed Moustapha Diouf, directeur de ”Baamtu technologie”.

Pour devenir un pôle attractif, selon lui, le Sénégal doit offrir des opportunités professionnelles alignées sur les aspirations des talents. Cela inclut des projets innovants et ambitieux, des infrastructures modernes ou encore l’amélioration des conditions de travail par des salaires compétitifs, des avantages sociaux attractifs et des possibilités d’évolution professionnelle.

Diouf a également insisté sur l’importance d’élargir le marché en envisageant des stratégies d’intégration régionale avec la CEDEAO ou l’UEMOA pour créer une base de clients plus large et une demande soutenue, mais aussi accompagner les startups à lever des fonds et à collaborer avec des acteurs internationaux pour se positionner comme des leaders régionaux.

En relevant le défi de la fidélisation des compétences en Big Data, le Sénégal peut devenir un hub africain dans ce domaine. A condition d’accélérer les réformes et les investissements, mais surtout en intégrant le volet éthique à tous les niveaux des infrastructures et des systèmes, de la conception à l’usage par les destinataires finaux, disent en chœur les spécialistes nationaux.

MF/ABB/ADL/HB/HK

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