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Bakel, 7 mars (APS) – Salimata Diagana, présidente du Groupement d’interêt économique (GIE) Dallilou (sincérité en poular) et du Réseau des femmes du département de Bakel (est), s’investit à fond dans le développement de son terroir. Cet engagement fait d’elle une véritable actrice de développement de cette circonscription administrative de la région de Tambacounda.
Teint clair, taille élancée et lunettes toujours vissées sur le nez, Salimata Diagana fait partie des femmes leaders de Bakel. Décomplexée et passionnée par ses activités, elle a compris très tôt le rôle de la femme dans sa communauté.
Née en 1972 à Bakel, Salimata Diagana ne passe plus inaperçue au quartier HLM de Bakel, voire dans tout le département. Femme au foyer et mère de cinq enfants, elle a réussi à faire très tôt du mot “autonomisation” son viatique.
Alors qu’elle devait poursuivre ses études secondaires, après son mariage, elle finit par quitter l’école pour des raisons de santé. Sans remords, elle se lance dans une activité génératrice de revenus en 1999 et choisit la teinture.
“C’était un métier traditionnel, que j’ai hérité de mes grands-parents. Lorsque j’ai arrêté mes études, je me suis lancée dans la teinture des tissus que je commercialise. A l’époque, c’était un métier méconnu à Bakel et les tissus venaient du Mali”, explique l’actrice de développement.
Elle décide ainsi de concurrencer les teinturières maliennes et finit par s’imposer.
Très rapidement, elle se fait distinguer et intègre, en 1999, le cercle des actrices de développement de Bakel, par l’entremise de Ndiané Kanté.
Grâce à cette dernière, la teinturière du quartier des HLM de Bakel va faire connaissance avec l’organisation non gouvernementale (ONG), la Kora-PRD, engagée aux côtés des artisanes et artisans sénégalais. Cette ONG l’accompagne et l’emmène dans plusieurs localités du pays pour qu’elle forme des femmes en teinture.
“D’abord, on a commencé au niveau du département de Bakel. Ensuite je suis partie à Tambacounda, Kaffrine, Touba, Diourbel ainsi que dans plusieurs communes pour former des membres de GIE féminin à la teinture”, se souvient la quinquagénaire.
L’appétit venant en mangeant, Sally Diagana, comme l’appellent ses proches, met en place, en 2005, son GIE dénommé “Dallilou”, qui s’investit, à ses débuts, dans la teinture.
Avec la bénédiction et l’accompagnement de son mari Mamadou Tandia, elle aménage un espace dans la cour de sa maison qui lui sert d’unité de fabrication.
De teinture, Gie Dallilou devient une unité de transformation des produits agro-alimentaires
De fil en aiguille, le GIE accueille de nouveaux membres et diversifie ses activités économiques, en misant sur la transformation des produits locaux, la lutte contre la malnutrition et la pauvreté des femmes.
“J’ai commencé la transformation des produits locaux par amour, c’était en 2017. Au bout de sept mois, j’ai constaté que cela marchait. C’est ainsi que j’ai réuni les femmes de mon quartier pour qu’elles adhèrent à mon GIE et qu’on travaille ensemble”, indique t-elle.
Constitué de 23 femmes, le GIE ”Dallilou” s’active actuellement dans la transformation des produits locaux et les produits forestiers non ligneux. Le mil, le maïs, le sorgho, le pain de singe, l’arachide, etc., sont transformés et vendus par le groupement qui propose également des jus locaux.
Compte tenu de son amour pour la transformation, de son engagement qui inspire et de sa disponibilité pour sa communauté, Salimata Diagana est plébiscitée par plusieurs groupements féminins pour diriger le réseau des femmes de Bakel en 2021.
“L’idée du réseau est venue lors d’une foire organisée à Kidira en présence de Fatou Diané Guèye, ministre de la Femme, de la Famille et de la Protection des enfants de l’époque. C’est elle qui nous a suggéré de créer un réseau pour mieux nous accompagner. Et en retour, les femmes m’ont choisie pour que je dirige le réseau”, a-t-elle affirmé.
Des difficultés dans la pratique de la transformation
“La transformation des produits locaux m’a positivement transformée. Elle m’a permis d’aider davantage les femmes à accéder aux activités génératrices de revenus, à lutter contre la malnutrition des enfants. Et j’ai connu beaucoup de femmes dans le pays et hors de nos frontières qui sont dans la transformation”, se réjouit-elle.
Actuellement, le réseau des femmes de Bakel regroupe 43 GIE qui s’activent dans plusieurs domaines. Selon sa présidente, les femmes font face à d’énormes difficultés pour mener convenablement leurs activités.
“Nous rencontrons d’énormes difficultés, dont celles liées à l’accès à la matière première. L’obtention de l’autorisation de fabrication constitue notre souci majeur. Sans cette autorisation, on ne peut pas accéder aux grandes surfaces”, regrette-t-elle.
En plus de ces obstacles, elle cite l’absence de subventions de la part de l’Etat, le déficit d’équipements modernes et d’unités de transformation qui répondent aux normes.” Le réseau compte 43 GIE. Nous voulons une plateforme multifonctionnelle “, souhaite Mme Diagana.
“On ne dispose pas de terres. Nous empruntons les terres, mais dès que les hommes voient que la récolte est bonne, l’année suivante ils récupèrent leurs terres”, regrette-t-elle encore.
Plaidoyer pour une présence massive des structures de financements dans le département de Bakel
Malgré la présence de la Délégation à l’entrepreneuriat rapide des femme et des jeunes (DER/FJ) dans le département, Salimata Diagana demande à l’Etat du Sénégal d’accorder plus d’attention aux femmes de Bakel qui, souligne-t-elle, travaillent sous le soleil à longueur de journée pour nourrir leurs familles.
“Dans d’autres localités, les femmes sont bien accompagnées, alors que celles de Bakel ne le sont pas. Nous souhaitons vraiment que d’autres structures de financement viennent s’installer à Bakel pour le développement de la localité”, a lancé celle qui compte plus de 30 ans d’expérience dans le secteur.
Elle révèle qu’en dehors de l’accompagnement de la DER/FJ, du Groupe de recherche et de réalisation pour le développement rural (GRDR) et de l’Agence régionale de développement (ARD) de Tambacounda, le réseau des femmes de Bakel ne bénéficie pas d’autres financements.
“Le GRDR nous offre des formations techniques. Pour résoudre le problème avec les emballages, ils nous ont donné de matières premières d’une valeur de 4 millions FCFA pour la confection d’emballages”, soutient-elle.
“Chaque jour, nous sommes à notre quartier général pour faire de la transformation. A lui seul, le GIE Dallilou rembourse près de 200.000 FCFA de crédit par mois. Ce qui prouve que les femmes sont engagées, malgré un déficit de financement”, souligne Salimata Diagana.
Par ailleurs, elle a tenu à plaider pour la mise en place, en faveur des femmes de Bakel, d’une plateforme multifonctionnelle. Elle souhaite également que leur soient facilités l’obtention des autorisations de fabrication, des subventions en équipements modernes, et l’accès à la terre.
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