Aminata Fall Garmy : une voix de stentor qui a marqué son époque

Saint-Louis, 10 mars (APS) – Aminata Fall Garmy ou Aminata Fall de Guet-Ndar, c’est selon, a très tôt choisi sa voie, aidée en cela par un talent pur grâce à une voix originale.  Elle a marqué de son empreinte l’histoire du jazz au Sénégal et en Afrique pour avoir été l’une des premières à adopter ce genre musical.

‘’Tassna Belgique’’ (J’ai mis sens dessus-dessous la Belgique). Tel est le refrain qu’elle ne cessait de fredonner le jour de sortie de son unique album “Kanforé” présenté au public au Tringa d’Amadou Konté. En fait, elle venait de rentrer fraîchement d’une tournée réussie en Belgique sous la direction du patron d’Africa Fête.

Elle est l’une des rares cantatrices sénégalaises à réussir une telle prouesse et pourtant la jeune génération ne la connait pas assez et ses contemporains semblent la classer aux oubliettes.

Elle avait séduit le public belge par ses A capella, avaient jubilé les membres d’Africa Fête qui avaient assisté à ses spectacles.

A Saint-Louis, depuis plus d’une dizaine d’années, on entend rarement les gens parler de son parcours, si ce n’est lors de l’hommage que le Saint-Louis Jazz lui a rendu lors d’une de ses éditions. Hormis cela, il n’y a que la salle de cinéma de l’institut français de la vieille ville qui, depuis un an, porte son nom.

Toujours est-il que le festival ”Métissons” envisage de lui rendre hommage à travers une manifestation dédiée à des figures disparues de la culture saint-louisienne comme Diabou Seck, Pape Samba Diop dit Mba, Amsata Niang, Salo Dièye, etc.

Le président de ce festival, Ababacar Gueye, par ailleurs président du Collectif des artistes et opérateurs culturels de Saint-Louis, indique qu’Aminata Fall a grandi sous les influences artistiques et musicales de grandes chanteuses de jazz telles que Nina Simon, Bessie Smith, Billie Holliday, etc.

M. Gueye confie que Aminata Fall, nièce du boxeur tragiquement disparu aux Etats-Unis Batling Siki, profitait des vacances de ce dernier au pays pour s’abreuver du jazz joué à Saint-Louis par quelques rares groupes.

La guet-ndarienne reprenait en wolof les morceaux de ces icônes du jazz et il était difficile de savoir dans quelle langue elle fredonnait ses chansons tellement la copie était parfaite, indique Gueye.

Il espère que le ministère de la Culture et la mairie de Saint-Louis vont accompagner ce projet d’hommage posthume à ces grandes personnalités de la culture saint-louisienne.

Artiste, poète et enseignant des métiers du tourisme, Marius Gouane est sans doute l’une des personnes les mieux indiquées pour parler d’Aminata Fall.

Il se rappelle la belle prestation de cette figure emblématique du jazz, lors du 70ème anniversaire du président Léopold Sédar Senghor qui avait demandé son intégration dans l’orchestre de la musique principale des forces armées dont il était membre.

Pour Marius Gouane, la célèbre cantatrice se distinguait surtout par son assise vocale unique, un style qu’aucune chanteuse n’avait au Sénégal. “C’était carrément l’une des plus grandes cantatrices. Jusqu’à présent, je n’ai pas encore rencontré une femme qui peut l’égaler”, lance-t-il.

Première prestation à la chambre de commerce avec l’orchestre le Saint-Louisien

A l’en croire, Aminata a été révélée au public pour la première fois à la chambre de commerce de Saint-Louis.

‘’Sa première prestation s’est passée à la chambre de commerce. Elle jouait dans les bars et un jour, elle était allée au sud, alors qu’elle rentrait, elle a entendu un air de jazz à la chambre de commerce où jouait le Saint-Louisien Jazz, un orchestre fondé en 1946’’, confie Marius.

Aminata Fall a pris le micro pour une prestation mémorable, souligne notre interlocuteur, rappelant que de retour de la seconde guerre mondiale, des natifs de la vieille ville avaient créé une association pour garder l’esprit de corps.

Ils ont, ainsi, créé la première équipe de football de la ville ‘’la Saint-Louisienne et un orchestre de jazz dénommée ‘’Saint-Louisien Jazz’’ dirigé par Papa Samba Diop dit Mba.

Mais après, elle a rejoint Dakar pour intégrer la compagnie du théâtre national Daniel Sorano.

D’après une biographie d’elle, elle a pris sa retraite après 20 ans de carrière à Sorano et a participé également au premier Festival mondial des arts nègres (Fesman) en 1966 et surtout au Festival panafricain d’Alger de 1969 à côté de grands noms de la musique africaine comme Myriam Makeba (Afrique du Sud), Manu Dibango (Cameroun), etc.

Bien qu’habitant Guet Ndar, elle a acheté, pour sa famille, une maison à Goxu Mbathie où elle a fini ses jours, se souvient vaguement son petit-fils Massamba.

Très attachée à la culture locale, elle envoyait souvent son petit-fils faire des sacrifices au génie protecteur de Saint-Louis.

Une salle de cinéma à l’Institut français porte son nom

Massamba indique que sa famille et lui se réjouissent de l’hommage rendu par l’Institut français à sa grand-mère.

‘’Ce jour-là, toute la famille s’est retrouvée pour fêter cet événement’’, déclare son petit-fils, espérant que d’autres célébrations plus grandioses suivront.

Elle a eu, à plusieurs reprises, à prêter sa voix à beaucoup de films comme ”Touki Bouki” (1973) du réalisateur Djibril Diop Mambety, etc. Le cinéaste sénégalais Moussa Sène Absa lui a rendu homme à travers un documentaire portrait intitulé ”Blues pour une diva” sorti en 1999. Elle a même eu à interpréter des rôles mineurs au cinéma. Certains critiques la comparent à la chanteuse africaine-américaine Malahia Jackson.

Aminata Fall est décédée en novembre 2002 à Saint-Louis à la suite d’une longue maladie. Elle repose au cimetière Thiaka Ndiaye à Saint-Louis.

AMD/HB/SBS/ASB/FKS

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