SENEGAL-ENVIRONNEMENT-REPORTAGE
Du correspondant de l’APS à Bakel, Abou Ndiaye
Bakel, 1er juil (APS) – Les habitants des villages Yaféra et Ballou, dans le département de Bakel (est), “sortis” de l’anonymat lors du débordement du fleuve Sénégal, en septembre et octobre 2024, ont retrouvé depuis quelques mois leur quiétude et une vie normale, malgré des craintes de nouvelles inondations cette année.
En ce début de matinée du mois de juin, dans le village de Yaféra, situé à près 35 kilomètres de Bakel, les habitants ont repris une vie normale. Débris, boue et déchets post-inondation ont été tous dégagés au grand bonheur des habitants.
C’est le dernier jour des récoltes de patates douces. Mais à l’image de plusieurs autres cultures, les rendements ne sont pas au rendez-vous cette année, alors que ce féculent constitue une source de revenus de plusieurs familles.
“On a eu plus de tiges et de feuilles, que des tubercules de patates cette année”, confirme à l’APS un jeune conduisant un tricycle rempli de pédoncules de patates, qui s’empresse de retourner sur les lieux avant que le feu vert ne soit donné aux animaux pour le pâturage.
“La culture de la patate a toujours été bonne à Yaféra. C’était notre dernier espoir pour avoir quelque chose cette année, mais c’est sans espoir”, renchérit Lassana Timéra qui sert de guide aux visiteurs qui arrivent pour la première fois dans le village.
Ici, le discours est tourné vers l’avenir. On se soucie de la prévention, mais également de la reconstruction des bâtiments à l’image des trois familles Baby, Keïta et Traoré qui résident toujours dans un site de relogement après que leurs maisons ont été emportées par les eaux.
Assis sous un hangar en bois, les responsables de ces familles sont en plein dans la fabrication de briques en béton, mettant les bouchées doubles pour la reconstruction de leurs maisons afin de quitter rapidement le site de recasement.
“Nos maisons emportées par les eaux étaient en banco. Donc, nous sommes obligés de changer les constructions, de les faire maintenant en béton. On a commencé à fabriquer des briques avec l’aide qu’on a reçue des parents et amis”, renseigne Lassana Keïta, porte-parole des familles.
Il ajoute que la plupart des tentes sont éventrées, à cause des tempêtes de sable qui sévissent dans la zone. “La plupart des tentes sont déchirées. Quand il y a une tempête, on amène les enfants et les femmes dans les écoles. Les hommes restent pour veiller sur les tentes”, dit-il.
Remerciant les autorités étatiques pour les secours apportés dès le début des inondations de l’année dernière, il lance en même temps un appel aux bonnes volontés en vue de la reconstruction de leurs concessions. “Nous ne souhaitons pas que l’hivernage nous trouve sur ce site, mais on n’a pas les moyens”, reconnaît-il.
Une complainte que partage le chef du village de Yaféra, Hamidou Sada Timéra, qui dit compter sur son influence auprès des autorités administratives locales pour que ces familles puissent avoir un endroit de refuge durant l’hivernage.
“Personnellement, en tant que chef du village, je vais demander aux autorités de voir avec l’inspecteur de l’éducation et de la formation pour qu’il puisse loger les familles dans les écoles en cas de fortes pluies”, indique-t-il.
Craintes de nouvelles inondations
“Lors des inondations, on a reçu beaucoup d’appui venant de l’État et de sages conseils consistant à ne pas construire dans les bas-fonds”, rappelle le chef du village, assis sur une chaise pliable, dans sa maison.
Toutefois, des craintes des nouvelles inondations hantent le sommeil des habitants, surtout après les prévisions météorologiques qui font état de risques d’inondations cette année dans certaines zones de Bakel.
“En raison des prévisions météorologiques, nous vivons avec la peur de revivre de nouvelles inondations”, déclare le chef du village de Yaféra.
Au niveau du village de Ballou, qui porte le même nom que le chef-lieu de la commune, l’inquiétude est grande. Si les immigrés ont appuyé tous les sinistrés pour la construction de leurs maisons, les producteurs de riz risquent de ne pas entrer en campagne cette année.
“La digue de protection du périmètre rizicole avait cédé lors des inondations de l’année dernière, emportant les 45 hectares. Jusqu’à présent, elle n’a pas été réfectionnée. Ce qui fait que cette année, on ne peut même pas aller en campagne rizicole”, se désole Bakary Nianghané, adjoint au maire de Ballou.
La réhabilitation de cette digue, qui n’est pas encore effective, va empêcher le ruissellement des eaux des mares d’envahir les périmètres rizicoles, précise-t-il. Sa réhabilitation demande ‘’beaucoup de moyens et nous sollicitons l’État pour cela”, plaide-t-il.
Plaidoyer pour la construction des infrastructures de protection
Selon Monsieur Nianghané, la commune avait accueilli une mission de la direction de la Prévention et de la gestion des inondations au niveau de Yaféra en vue de la construction des infrastructures de protection.
“On nous avait annoncé la solution consistant à ériger une ceinture du village avec des digues de protection, qui devait être réalisée par le génie militaire, mais on attend toujours. Les projets de l’État sont nombreux, et il n’y avait pas que Yaféra comme village inondé”, souligne le chef du village de Yaféra, Hamidou Sada Timéra.
Se voulant rassurant, le sous-préfet de l’arrondissement de Moudéry, Oumar Mamadou Sow, a exprimé la solidarité de l’Etat, malgré ce retard qui serait lié à “des questions de procédures”. ‘’Des consignes et recommandations ont été données par les autorités en ce sens’’, a-t-il rappelé.
“Lors du comité régional de développement à Tambacounda avec le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, des recommandations ont été prises pour qu’on puisse accompagner les sinistrés. Actuellement, je travaille sur la liste des sinistrés qui résident encore sous les tentes”, a dit M. Sow.
Le ministre Jean-Baptiste Tine avait donné des instructions aux autorités administratives pour la mise en place de comités de veille et de suivi, afin de déceler au plus tôt les signes d’alerte pour faire face aux événements qui surviendront, a-t-il ajouté.
“Nous sommes à pied d‘œuvre dans la prévention et la riposte en cas d’inondations”, a réitéré l’autorité administrative. Ce qui a eu le don d’entretenir l’espoir des familles qui ont hâte de retrouver leurs domiciles.
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