SENEGAL-RELIGION
Saint-Louis, 16 mars (APS) – Le tempo, les séquences, la direction vous reviennent, lance le colonel des Eaux et forêts à la retraite, Mactar Ndiaga Wade, en direction des étudiants membres du dahira tidiane de l’Université Gaston Berger (UGB). En effet, comme chaque année durant le mois de ramadan, vendredi dernier, ces jeunes étaient venus sacrifier à cette tradition en célébrant la khadra Jummah (des litanies psalmodiées par la confrérie tidiane les vendredis, avant la prière du crépuscule) dans cette mosquée de Boudiouck, une localité située à quelques encablures de l’UGB.
‘’Ici, c’est la tradition, quand nous avons des hôtes, nous leur laissons la direction des opérations”, déclare doyen Wade, signalant que depuis dix ans, les étudiants viennent passer avec eux “ces forts moments de dévotion pour un fidèle tidiane’’.
‘’Cette tradition a été toujours respectée sauf durant les deux ans de Covid et pour la circonstance, ils sont les maîtres du jeu’’, souligne le fidèle adepte de Thierno Adama Gaye de Nianga Edy, dans le département de Podor, son guide spirituel qui lui a donné le wird tidiane (chapelet d’invocations).
En bon fidèle tidiane, tout son rêve était d’avoir un lieu de culte aux environs de sa maison, et quand il a acheté cette maison à Boudiouck en 1993, son vœu a été exaucé et il ne se prive pas de fréquenter la mosquée.
Cette mosquée construite par les habitants regroupe en réalité les musulmans des différentes confréries de Boudiouck, explique Pr Mbissane Ngom, président de l’association qui sert en même temps de comité de gestion du lieu de culte.
‘’La mosquée accueille indifféremment les manifestations des mourides et des tidianes’’, a indiqué Pr Ngom revenant sur l’orthodoxie musulmane qui veut que ‘’la mosquée soit celle de Dieu’’.
‘’Durant ce mois, nous organisons des actions de solidarité envers notre voisinage pour qui nous offrons la rupture’’, déclare le président de l’association de la grande mosquée. Pour cela, ils bénéficient de l’appui d’un boulanger, Khoulé Gaye, qui distribue du pain aux fidèles du coin qui sont dans le besoin. Les dattes, le sucre, le café, en un mot tout ce qu’il faut pour rompre le jeûne est à la disposition des fidèles qui prennent d’assaut la mosquée à l’heure de la rupture.
Une cité référence en termes d’auto-prise en charge
Pour réussir une telle prouesse, l’association compte sur l’implication des femmes qui, par le biais d’une tontine, se cotise pour verser à chaque premier dimanche du ramadan pas moins d’un million à l’association, confie Ababacar Mboup, médiateur social et communicateur traditionnel.
En effet, indique M. Mboup, ‘’Boudiouck est une cité référence et à part la Sonatel qui a installé sa ligne pour des raisons commerciales, tout le reste est géré par l’association qui favorise un endroit où il fait bon vivre et où les gens communient.
Le comité environnement a aidé à verdir la cité peuplée d’arbres et de fleurs à l’image de la mosquée et l’aspect sécuritaire n’est pas également négligé.
‘’Il faut montrer patte blanche pour se déplacer à partir de 22h dans le coin quand on n’y habite pas’’, renchérit Amadou Ndiaye, membre du comité de gestion.
En effet, dit-il, ‘’dés que tu franchis la première maison, tu es interpellé sur les raisons de ta visite, et tes moindres pas sont suivis jusqu’à ce que tu donnes des informations claires sur tes intentions ou que tu quittes le quartier’’.
Il n’a pas manqué de lancer un appel aux bonnes volontés pour permettre à l’association de terminer les travaux de la grande mosquée construite sur une superficie de 550 mètres carrés.
‘’En tout, nous disposons de 1400 mètres carrés comprenant en plus des espaces de prière pour les hommes et les femmes, une école coranique’’, souligne le président Mbissane, ouvert à toute action pour terminer ces travaux entamés depuis dix ans.
Ces travaux sont confiées à Omar Diop pour son expérience de membre d’une famille d’entrepreneurs. Pour lui, ”c’est une chance d’avoir une maison en face de cet édifice majestueux qui en dit long sur l’engagement des habitants de la cité”.
L’association a organisé cette année une conférence religieuse introduite à l’université par Imam Mouhammedou Abdoulaye Cissé de la mosquée Ihsan.
Avec ce dernier est née une relation que les deux parties souhaitent durable avec la visite effectuée par le guide religieux chez son fidèle El Hadj Mansour Sow.
Il avait invité à cette occasion ses coreligionnaires pour accueillir son illustre hôte et l’ambiance était tellement bonne que l’idée de cette conférence en est sortie.
Elle a été concrétisée et compte s’inscrire dans la durée, soulignent les membres de l’association.
Les études et le respect des principes de la tidjaniya
Étudiant en master 2 géographie, Cheikh Fall est le président du dahira des étudiants tidianes de l’UGB. Selon lui, cette entité existe depuis 20 ans et la génération actuelle mène harmonieusement ses activités.
Ainsi, ils se livrent régulièrement au “wazifa” et à la “khadra” le vendredi à la grande mosquée de l’UGB, mais pour le ramadan, ils se tournent vers un restaurant pour les besoins de la rupture du jeûne.
L’association dispose de cellules au nombre de trois : la cellule de Dakar regroupant les anciens dans la capitale, la cellule Nord avec les anciens de Saint-Louis et Matam et enfin la cellule mère qui gère tout, indique le jeune adepte de la tidjaniya.
Selon lui, les activités liées aux respects du wird tidiane n’entravent en rien les études. Seulement, pour les ‘’bleus’’, ils sont priés de se consacrer à leurs études le temps de se familiariser avec le milieu et l’objet de leur déplacement avant d’intégrer les activités du dahira.
Avec les fidèles de Boudiouck, les relations sont solides et outre ce déplacement annuel dans cette cité, leurs aînés, pères ou mères le leur rendent bien. Il se glorifie qu’ils viennent chaque année rehausser de leur présence et appuyer financièrement les journées culturelles tidianes organisées par le dahira.
Cette attitude est bien appréciée par l’Imam Al Hassan Sall de la Grande mosquée pour qui ‘’un jeune qui consacre son temps aux actes de dévotion est un exemple’’.
Il garantit que ‘’Dieu le rétribue ses bienfaits quand il sera adulte’’. Une assertion bien comprise par ces jeunes adeptes tidianes qui s’adonnent à cœur joie à vivifier la tidianiya à Sanar, village à la périphérie de Saint-Louis abritant l’UGB.
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