Vol de bétail : Ya Khady Tamba, symbole d’une détresse collective à Bona
Vol de bétail : Ya Khady Tamba, symbole d’une détresse collective à Bona

SENEGAL-ELEVAGE-REPORTAGE

Sédhiou, 22 sept (APS) – Des éleveurs, à l’image de Ya Khady Tamba, veuve et mère de quatre enfants, ne cachent pas leur désespoir et leur colère face à la récurrence du vol de bétail dans les villages de Bona, une commune de la région de Sédhiou (sud), fortement touchée par ce fléau.

Ya Khady, la cinquantaine bien sonnée, au teint clair et au regard marqué par les épreuves, vivait modestement avec ses enfants au village de Niaghoump. Son troupeau de dix bœufs représentait bien plus qu’un capital, c’était son assurance, sa dignité, son avenir.

Chaque bête était le fruit d’années de travail acharné, de privations et de sacrifices. Mais dans une nuit, tout a basculé. ‘’Je me suis réveillée et les enclos étaient vides. Mes bœufs ont disparu. Je n’ai plus rien‘’, confie-t-elle à l’APS, la voix tremblante.

Vol de bétail : Ya Khady Tamba, symbole d'une détresse collective à Bona

Symbole d’une détresse collective, Ya Khady Tamba vit dans une précarité extrême. Ses enfants, encore scolarisés, ne peuvent pas l’aider. Elle n’a plus de ressources, plus de bétail, plus de filet de sécurité. Et pourtant, elle ne demande pas la charité. Elle demande qu’on freine ce fléau.

‘’Derrière chaque bœuf volé, il y a une famille, une histoire, une dignité. L’indifférence est plus cruelle que le vol’’, lance-t-elle.

Plus de 2 000 têtes de bétail volées en deux ans

Le cri de Ya Khady Tamba est un appel à la conscience nationale. Il (le cri) interpelle les autorités, les forces de sécurité, les élus territoriaux. Car si rien n’est fait, Bona et tant d’autres villages risquent de sombrer dans une misère silencieuse, où chaque nuit devient une menace, alerte-t-elle.

Pour le président du comité local de lutte contre le vol de bétail, Lamine Sané, la commune de Bona fait face à une véritable hémorragie économique.

Selon lui, plus de 2 000 têtes de bétail ont été dérobées au cours des deux dernières années. Ce chiffre alarmant témoigne de l’ampleur du phénomène, devenu presque banal dans les villages de l’intérieur, a déclaré le président du comité local de lutte contre le vol de bétail.

Les voleurs, souvent lourdement armés et parfaitement organisés, opèrent dans une plage horaire précise entre 3h et 4h du matin, profitant de l’obscurité et du relâchement des dispositifs de surveillance, ont indiqué des éleveurs interrogés par le correspondant de l’APS.

Ils utilisent des moyens de transport discrets mais efficaces, tels que des taxis-bagages ou des tricycles, pour acheminer les animaux vers des zones frontalières réputées pour leur porosité, notamment Bignona, Kafountine ou Médina Wandifa, font-ils savoir.

Vol de bétail : Ya Khady Tamba, symbole d'une détresse collective à Bona

A Bounkiling, la lutte contre le vol de bétail a pris des allures de combat de survie. Aliou Sané, un habitant de cette commune de Sédhiou, visiblement éprouvé, témoigne avec gravité.

Hémorragie économique

‘’Nous sécurisons nos bétails au péril de notre vie. Nous sommes seuls face à des criminels bien équipés’’, déplore le paysan.

Leur mode opératoire est rodé. Les voleurs détachent en silence les bêtes, les conduisent à pied jusqu’aux contreforts montagneux, puis les embarquent vers des destinations inconnues. Leur parfaite connaissance du terrain, des sentiers forestiers et des points de passage leur permettent d’échapper aux contrôles, même lorsqu’ils croisent les postes de gendarmerie, narre Sané.

Vol de bétail : Ya Khady Tamba, symbole d'une détresse collective à Bona

Ces mots de Aliou Sané, lourds de sens, traduisent la réalité brutale à laquelle sont confrontés les éleveurs et les volontaires qui veillent chaque nuit sur les enclos. Sans armes, sans protection, ni moyens de communication efficaces, ces hommes patrouillent dans l’obscurité, armés de simples lampes torches et de bâtons, face à des bandes organisées, souvent munies de machettes, de fusils artisanaux.

Les rondes nocturnes, improvisées et épuisantes, se font dans la peur constante d’une embuscade. Malgré tout, la détermination reste intacte. Car pour ces hommes, protéger le bétail, c’est préserver l’économie locale, la dignité des familles, et l’avenir des enfants, a-t-il indiqué.

”Le bétail est sécurisé au péril de nos vies”

Mais cette bravoure, aussi admirable soit-elle, ”ne peut suffire sans un appui concret de l’État, sans équipements, sans formation, sans reconnaissance”.

D’après les éleveurs, la loi n° 2014 – 27 du 3 novembre 2014, qui modifie le code pénal sénégalais (loi n°65-60 du 21 juillet 1965) criminalisant le vol de bétail existe bel et bien dans les textes, mais elle reste lettre morte, déplorent plusieurs acteurs.

Ils ont soutenu que la loi dort dans les tiroirs de l’administration, comme les promesses faites aux éleveurs lors des campagnes électorales, ont dénoncé les éleveurs de la région de Sédhiou

OB/HB/ASB/MTN