SENEGAL-CINEMA-HOMMAGE
Dakar, 23 juil (APS) – Le réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambety, dont l’anniversaire du décès est commémoré ce 23 juillet, a incarné de son vivant un cinéma ”avant-gardiste, novateur et prémonitoire”, estime le journaliste et critique de cinéma sénégalais Modou Mamoune Faye, rendant hommage à ce cinéaste hors pair.
Dans un texte publié sur le site d’information Seneplus, l’ancien journaliste à la retraite rend hommage au réalisateur, en ce jour marquant le 26e anniversaire de sa disparition, le jeudi 23 juillet 1998 à Paris à l’âge de 53 ans.
Il s’est rappelé des “moments fort instructifs” passés avec le cinéaste dans les couloirs et les dédales des festivals, de Carthage (Tunisie) à Ouagadougou (Burkina Faso), en passant par Sousse (Tunisie) et Dakar (Sénégal).
“Il faut reconnaître au cinéma de Mambéty son caractère avant-gardiste, novateur et parfois même prémonitoire”, écrit-il, en proposant une analyse des films du réalisateur, dont “Touki Bouki”, sorti en 1973 et qui traite de l’attrait que l’Occident exerce sur les Africains.
Un sujet toujours d’actualité, note-t-il, au moment où des milliers de jeunes n’hésitent pas à affronter l’océan, dans de frêles embarcations, pour rejoindre les rives européennes.
Faye raconte cette période d’effervescence du cinéma sénégalais dont il est témoin en tant que jeune journaliste à la fin des années 1980.
“Aussi bien dans sa construction narrative que dans sa démarche cinématographique, ‘Touki Bouki’, devenu un film culte [l’affiche du film a +inspiré+ le couple d’artistes américains Beyonce et Jay’Z en 2018 pour leur tournée ‘On the Run Tour II’], fut une véritable rupture qui, jusqu’à nos jours, continue d’inspirer les cinéastes d’Afrique et d’ailleurs”.
Pour le critique sénégalais, “rien que pour cela, Mambéty peut être considéré comme un démiurge du 7éme art !”.
“Le rôle de Djibril dans le milieu artistique sénégalais est celui du voyant, du clairvoyant. Il marche comme un lion, d’un pas dandinant, donne toujours l’impression de ne rien voir, de ne rien entendre, alors qu’en vérité, il est l’un des rares artistes de ce pays à être doué de qualités de voyance et de clairvoyance”, écrit Modou Mamoune Faye, citant un ami du cinéaste, l’artiste Issa Samb dit Joe Ouakam, un des fondateurs du célèbre laboratoire culturel Agit’Art, décédé le 25 avril 2017, à Dakar.
“Hyènes”, le deuxième long métrage sorti par Mambéty en 1992, adapté de “La visite de la vieille dame” du Suisse Friedrich Dürrenmatt (pièce de théâtre en trois actes, écrite en 1955), fut également un immense succès, aussi bien dans les salles que dans de nombreux festivals. Il faisait partie de la sélection officielle du festival de Cannes en 1992.
Djibril Diop Mambety, né à Colobane le 23 janvier 1945, estimait qu’il n’est pas difficile de faire du cinéma. Comme il l’explique dans un documentaire que lui a consacré le cinéaste Pape Madièye Mbaye en 2018.
Il y déclare qu’en fermant fort les yeux, l’on arrive “à voir de petites étoiles. Certaines d’entre elles sont des personnes, d’autres des animaux, des chevaux, des oiseaux. Maintenant, si tu leur dis comment bouger, où aller, quand s’arrêter, quand tomber, tu as un scénario. Une fois fini, tu peux ouvrir les yeux : le film est fait”.
Sa nièce Mati Diop lui a aussi rendu hommage dans son film “Milles Soleil”, sorti en 2018.
Son jeune frère Wasis Diop, père de Mati, dit avoir tout appris de Djibril Diop Mambéty auprès de qui il a grandi. Il dit garder de lui “le souvenir d’un érudit, d’un cinéaste, mais [aussi d’un] documentariste absolument exceptionnel”.
FKS/BK/SMD