L’université Cheikh Anta Diop, un creuset culturel marqué par de grandes conférences
L’université Cheikh Anta Diop, un creuset culturel marqué par de grandes conférences

SENEGAL-CULTURE

Dakar, 9 août (APS) – Depuis sa fondation en 1957, l’université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar a été un creuset culturel et scientifique marqué par la venue d’intellectuels de renoms et l’organisation de grandes conférences, une tradition dont se rappellent certains acteurs ayant fréquenté et enseigné dans ce temple du savoir.

L’un des temps forts, estime le professeur d’histoire à la retraite, Babacar Diop dit +Buuba+, a été le symposium sur l’œuvre de Cheikh Anta Diop organisé par le linguiste Pathé Diagne en 1982, moment qu’il n’oubliera ”jamais”, car se rappelle-t-il, ‘’c’est là qu’il [Cheikh Anta Diop] a eu une crise cardiaque’’.

La venue de Nelson Mandela, à l’université de Dakar en juin 1992, fut aussi un moment fort où l’ancien président Sud-Africain, leader de l’ANC a reçu le titre de Doctorat Honoris Causa, lors d’‘’une cérémonie empreinte de respect, de lutte et d’espérance’’, se souvient Buuba Diop.

Il cite aussi ces grandes conférences de l’UCAD soutenues à l’époque par les compagnies aériennes Air Afrique et Air France et les projections de films documentaires sur des thèmes variés consolidant ainsi le programme académique.

‘’Il y a eu cette génération du front culturel avec beaucoup d’artistes, les orchestres comme le Waato sita de Ousmane Sow Huchard alias Soléya Mama. L’université a toujours été un foyer culturel’’, dit-il indiquant qu’aujourd’hui il y a ”des changements avec les +dahira+ à l’université, avec toute une spiritualité. ‘’Il faut gérer et faire en sorte qu’on puisse vivre en bonne entente’’, recommande-t-il.

A la fin de la crise ayant secoué l’université de Dakar au lendemain des indépendances, l’Union nationale patriotique des étudiants du Sénégal a introduit la culture à travers la création d’une troupe théâtrale pour la réorganisation de l’université, selon le professeur d’histoire et formateur à la faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (Fastef), Babacar Fall.

Il se rappelle qu’à cette époque des années 75 à 78, l’université menait vraiment une vie culturelle très dynamique avec le théâtre étudiant comme élément de manifestation culturelle. ‘’Tous nos processus de mobilisation sociale et culturelle se faisaient avec la troupe théâtrale’’, dit-il.

Citant les moments culturels forts de l’UCAD rythmés par de grandes conférences avec d’imminents intellectuels africains et du monde, le professeur Babacar Fall, se remémore de la rencontre organisée par le professeur d’histoire Iba Nder Thiam et le philosophe Pathé Diagne sur la découverte de l’Amérique, le rôle de Bakary II.

Il rappelle que Bakary II, en tant qu’empereur du Mali, a commis une grande expédition pour aller à la découverte de l’Amérique, un périple qui est antérieur à Christophe Colomb, l’Italien a qui l’on attribue la découverte de l’Amérique. ‘’Il a montré aussi toutes les similitudes, comment la civilisation, la culture noire a été portée aux Etats-Unis sur le continent américain bien avant Christophe Colomb’’, indique-t-il.

L’association des professeurs d’histoire-géographie avec le professeur Amadou Makhtar Mbow et Assane Seck, a initié des cycles de conférences presque mensuelles sur les thématiques de l’actualité, de l’économie, de la culture, de la politique, etc. ‘’L’université est restée quand même un cadre ardent de culture’’, souligne-t-il se rappelant de la conférence sur le cinéma du réalisateur sénégalais, Ousmane Sembene, à l’école normale supérieure, en 1975.

Ces conférences participaient à la fois d’un processus d’ouverture de l’UCAD vers le monde et de préparation des enseignants vers leurs responsabilités en tant qu’éducateurs et devant effectivement, au-delà des programmes, invités un certain nombre de personnalités pour les écouter.

C’est dans ce cadre effectivement de l’animation de la vie culturelle et scientifique que le magistrat Youssoupha Ndiaye avait été invité pour parler du Code de la famille. La militante des droits des femmes burkinabè, Jacqueline Ki-Zerbo (1933-2015), avait évoqué la question de la condition de la femme en Afrique.

‘’C’est une plus-value extraordinaire’’

Pour l’universitaire, il faut toujours structurer un programme d’animation scientifique, culturel pour stimuler l’ouverture et les vocations aussi chez les jeunes. ‘’La culture est un plus pour les étudiants, c’est une plus-value extraordinaire. Et sans qu’on n’y prenne conscience, cela suscite des vocations. Elle est un levier important des activités parascolaires’’, fait valoir M. Fall.

Il se rappelle d’une étudiante qui a choisi de faire des recherches sur le commerce des Dioula en Côte d’Ivoire après avoir suivi une conférence du professeur d’histoire, Pierre Kipré de la Côte d’Ivoire sur le thème ‘’Commerce dans le Sahel, l’exemple des Dioulas, la complémentarité qu’il y a entre la zone sahélienne et la zone de la forêt’’.

Aujourd’hui, fait-il constater, il y a une plus grande intégration de la musique et de la culture dans la vie quotidienne de l’université avec l’invitation d’artistes tels que Oumar Pène, Kiné Lam, entre autres.

Le professeur Babacar Fall se souvient de l’invitation faite au musicien Samba Diabaré Samb et au professeur philosophe Mamoussé Diagne, qui ont parlé de son instrument, du rôle de la chanson, de la parole et de l’oralité.

Fall qui invite à consolider cette présence de la culture à l’université estime qu’on ne peut pas faire fi de la culture si on veut former des hommes, des jeunes équilibrés qui soient ouverts sur le monde et aussi des hommes qui soient enracinés dans leur culture.

‘’On se retrouve dans le dilemme de Senghor, +enracinement et ouverture+. Ce concept est essentiel si nous voulons bâtir une nouvelle citoyenneté. Une citoyenneté qui soit citoyenne du monde. C’est à la fois le terroir, le national, le global et l’international. Mais il n’a de sens que si la personne connaît ses origines et est fière de ses origines. On façonne en même temps la personne en lui inculquant du savoir’’, analyse-t-il.

La culture, selon lui, permet à la personne d’être consciente de son identité, des qualités de sa propre société. ‘’ C’est une identité qui fera en sorte qu’elle pourra partout dans le monde évoluer. Sinon, on va être assimilé par d’autres cultures, mais pas par sa propre culture. Quand on n’est pas enraciné, on ne peut pas s’ouvrir et même établir des relations de respect, de négociation avec les autres. Parce que les autres sont enracinés dans leur propre culture. C’est essentiel’’, insiste-t-il.

Aujourd’hui, le festival de ciné-étudiant dont la première édition a été célébrée en avril dernier ou les nombreuses expositions de l’Institut fondamental d’Afrique noire partie intégrante de l’UCAD, autres projections de films, entre autres perpétuent cette tradition de la culture à l’université.

 

FKS/ADC/AB