SENEGAL-EDUCATION
Par Djiby Sène
Louga, 19 mai (APS) – La perte du goût de la lecture a contribué fortement à la baisse du niveau des apprenants du département de Louga (nord), en particulier en français, constatent enseignants, autorités éducatives et élèves.
La situation est aggravée, selon eux, par l’omniprésence des écrans et l’inadaptation des ressources pédagogiques.
‘’Aujourd’hui, on constate que nos enfants ne lisent plus. Et c’est ce qui fait que le niveau en français a baissé partout’’, alerte Bira Guèye Diongue Diagne, inspecteur de l’éducation et de la formation à Louga.
La langue française est pourtant la base de tous les apprentissages. Ceci étant, il va de soi que si un élève ne comprend pas le français, il est impossible pour lui de réussir dans les autres matières, comme les mathématiques et les sciences de façon générale.
La forte exposition des élèves aux écrans, en particulier aux réseaux sociaux, n’est pas étrangère à cette situation.
‘’Malheureusement, il y a le phénomène de l’Internet avec ses différents démembrements, notamment TikTok, Facebook et Instagram. Les enfants ont un niveau très faible parce qu’ils ne lisent plus’’, déplore Bira Guèye Diongue Diagne.
Un constat partagé par Youssou Diallo, chargé de communication à l’IEF [Inspection de l’éducation et de la formation] de Louga et initiateur de la Semaine du livre, organisée récemment dans la même ville.
Il qualifie les jeunes d’aujourd’hui de génération ‘’très paresseuse’’, tombée sous le charme des smartphones.
‘’Ils [les jeunes] s’adonnent aujourd’hui à l’avènement du smartphone qui occupe tout leur temps. Même les versions numériques des livres pouvaient être exploitées, mais ce n’est pas le cas’’, se désole-t-il.
M. Diagne estime que l’une des clés pour inverser la tendance est d’adapter le contenu des livres aux centres d’intérêt des élèves. ‘’Il faut au moins que les enfants trouvent de l’intérêt à ce qu’ils lisent. Si on leur propose des ouvrages qui ne répondent pas à leurs réalités, ils ne vont pas s’y adonner. Des bandes dessinées ancrées dans leur culture seraient un bon début’’, pense-t-il.
Prise de conscience des apprenants
Les élèves partagent ce constat sur le recul de la lecture, une activité dont ils mesurent pourtant l’importance. ‘’Je n’ai pas lu de livre depuis les vacances. Avec les cours en journée continue et les cours du soir, je n’ai pas le temps. C’est juste durant le week-end que je peux lire un peu’’, confie Astou Tall, une élève en classe de 3e.
Ababacar Mbaye, qui est également en classe de 3e, évoque le manque d’encadrement des potaches. ‘’Les élèves sont trop tournés vers les réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram. Les parents et les professeurs doivent nous encourager à lire’’, suggère-t-il.
Elève elle aussi en classe de 3e, Adja Dièye Diallo considère la lecture comme un levier de réussite. ‘’Il faut que chacun se batte pour réussir, et la lecture est la clé’’, soutient-elle.
Des bibliothèques fermées, un impact global
Cette crise de la lecture n’épargne aucune dimension de l’apprentissage du français. Dictée, grammaire, rédaction…, tout vacille; indique-t-on.
Moubarak Lô, maire de Niomré et responsable de l’école franco-arabe Manar Al-Houda, est persuadé de la nécessité de la lecture pour réussir dans certaines épreuves.
‘’Vous ne pouvez pas réussir une dictée si vous ne lisez pas. Tout ce qui est dit en dictée, en général, vous l’avez rencontré quelque part. La lecture facilite l’accès à toutes les compétences’’, insiste-t-il.
Mais le fait est que la volonté seule ne suffit pas, l’autre défi à relever étant celui de l’accès aux livres. Et là encore, le tableau est sombre.
Papa Mody Cissé, alias Molière, professeur de lettres modernes, déplore l’état des bibliothèques de la commune de Louga.
‘’C’est chaotique. Il y a des bibliothèques fermées ou qui souffrent d’un manque de documents. Le centre culturel régional attire encore quelques passionnés de lecture, mais ils sont rares’’, indique-t-il.
Pourtant, des efforts sont faits, à l’image de la ‘’Semaine du livre’’, organisée récemment à Louga. Un événement que des élèves, comme Adja Dièye Diallo, apprécient.
‘’La semaine du livre est une bonne initiative parce que cela motive les élèves à lire. Un livre est très important, il t’aide à acquérir beaucoup de connaissances’’, magnifie-t-elle.
Pistes pour la renaissance de la lecture
Des enseignants et parents d’élèves appellent à une véritable politique de réhabilitation de la lecture, combinant offres numériques accessibles, contenus culturels adaptés, et modernisation des bibliothèques.
Moubarak Lô suggère même que ‘’l’État négocie des achats de livres numériques à diffuser largement dans les écoles’’.
En attendant, Louga se bat avec les moyens du bord pour inverser la tendance. Et les initiatives se multiplient à travers ateliers d’écriture, concours de slam, encadrement à la dissertation.
‘’La lecture, c’est la base de tout. Elle développe l’esprit de l’enfant et permet de produire un texte, quel qu’il soit’’, conclut Youssou Diallo.
DS/ASB/ADL/ASG/HK/SMD