SENEGAL-CINEMA
Dakar, 2 avr (APS) – Le film documentaire du réalisateur sénégalais, Mamadou Khouma Guèye, intitulé ‘’Liti liti (attachement)’’, projeté mercredi, en avant-première presse à Dakar, interroge le développement économique et ses impacts sur les populations.
Ce film documentaire de 1 heures 16 minutes, tourné durant trois ans, insiste sur le développement économique et ses impacts sur les gens ordinaires, loin des enjeux de la modernisation, à travers l’histoire du lancement du premier ‘’TER [train express régional]’’ africain, en 2021.
La production met en lumière l’existence d’une intimité entre le réalisateur et sa mère, principal personnage du film.
Elle revient, ce faisant, sur toute la politique de réalisation des infrastructures de ce projet, considérée comme responsable de la mort des plusieurs personnes âgées à Guinaw Rail, dans le département de Pikine, dans la banlieue dakaroise.
Dans ce film, Sokhna Ndiaye, la mère du réalisateur, évoque toutes les péripéties liées au déguerpissement dont elle et ses voisins ont été victimes, pour les besoins de la réalisation des infrastructures du TER.
Outre cet aspect, le personnage évoque également l’angoisse et la souffrance qu’elle ressentait au fond de son âme, à l’idée de quitter cette maison dans laquelle elle a vécu pendant environ 40 ans.
Le film démontre comment des vies se sont arrêtées à cause de ces infrastructures qui ont également occasionné la rupture de la convivialité qui existait entre certains habitants du quartier, lesquels ont été obligés de se déplacer.
”(…) ce film, c’est aussi une bonne partie de notre vie qu’on a essayé de sauver. On a fait beaucoup d’efforts pour garder finalement notre âme, car c’est juste une question d’âme qui existe qu’on était en train d’effacer’’, explique Mamadou Khouma Guèye, par visio-conférence, à l’occasion de la projection du film.
Il indique que l’idée a consisté à mettre à l’écran et partager toutes les difficultés vécues par les habitants de ce quartier pendant les démolitions de maisons.
Mamadou Khouma Guèye souligne qu’il se devait, à travers ce film, d’évoquer cette bonne partie de la mémoire du quartier, effacée par la destruction des bâtiments, tout en accompagnant sa mère durant ces moments difficiles.
‘’Pour moi, le film allie l’intime et la politique. L’intime parce que c’est une relation mère-fils ayant toute une histoire de terroir, et politique, car tous les aspects politiques sur les collectivités territoriales, sur l’urbanisation en font partie’’, a pour sa part soutenu la cofondatrice de l’entreprise sénégalaise de diffusion ‘’Wawkumba film’’, Oumou Diégane Niang.
Elle déclare que l’histoire racontée par le film reflète aussi la sienne ‘’en tant qu’habitante de la banlieue’’, tout en soulignant ‘’l’aspect humain et engagé’’ qu’il met en exergue.
‘’Le film est très beau, c’est poétique, mais on dirait aussi un tableau. Alors que c’est un peu dramatique, on ne le sent même pas, car c’est nous-mêmes qui avons la caméra et on se filme avec dignité’’, explique-t-elle.
‘’Quand j’ai découvert la sincérité de la démarche, la beauté de la parole que j’ai découverte à travers la maman, et puis l’innocence des images que j’ai vues, cela m’a poussée à embarquer tout de suite sur ce projet-là’’, a quant à elle souligné la productrice du film, Aminata Ndao.
A l’en croire, ‘’la solidarité et l’humanisme’’ du réalisateur permettent aux gens de moins sentir les difficultés ressentis par les protagonistes.
‘’Liti liti’’ sera projeté en avant-première mondiale, lors d’un festival de classe A dénommé ‘’Visions du réel’’, qui se tiendra du 4 au 13 avril en Suisse.
AMN/ASG/OID