Kalidou Diallo : ‘’Abdoulaye Wade considérait avoir perdu le pouvoir le 23 juin 2011’’
Kalidou Diallo : ‘’Abdoulaye Wade considérait avoir perdu le pouvoir le 23 juin 2011’’

SENEGAL POLITIQUE-ANALYSE

Dakar, 23 juin (APS) – L’ancien président de la République Abdoulaye Wade considérait que le Parti démocratique sénégalais (PDS) avait perdu le pouvoir à partir de la contestation du 23 juin 2011, un épisode politique qui avait suscité la colère et la déception du chef de l’État, a appris l’APS de l’historien et ancien ministre de l’Éducation nationale Kalidou Diallo.

La plénière de l’Assemblée nationale consacrée à l’examen du projet de réforme portant modification de l’article 33 de la Constitution, avec l’instauration d’un ticket présidentiel, le 23 juin 2011, avait provoqué une vague de contestation d’une ampleur inédite à Dakar et dans plusieurs régions du pays.

Le projet de révision constitutionnelle, s’il était adopté, allait instaurer l’élection conjointe d’un président de la République et d’un vice-président.

Il devait permettre l’élection du président de la République et du vice-président avec seulement 25 % des suffrages valablement exprimés.

Cette initiative avait déclenché une forte mobilisation citoyenne, obligeant le chef de l’État à y renoncer, sous la pression des manifestants.

Adopté sans débat lors du Conseil des ministres du 16 juin 2011, le projet de loi avait été approuvé par la commission des lois de l’Assemblée nationale, et devait être validé lors d’une séance plénière de l’institution parlementaire, où le PDS était majoritaire.

‘’Ce projet de loi, mal compris par l’opinion, est inopportun et porteur de violence’’

Dans une interview accordée à l’APS, l’ancien ministre Kalidou Diallo, qui enseigne l’histoire moderne et contemporaine à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, est revenu sur ces évènements qu’il a vécus au palais de la République où se déroulait en même temps la réunion hebdomadaire du gouvernement.

‘’Nous étions en Conseil des ministres à la présidence de la République, au moment où la plénière se déroulait à l’Assemblée nationale. Le président Wade a demandé à chaque ministre de donner son avis sur la situation politique. Trois d’entre nous ont exprimé des réserves : Abdoulaye Makhtar Diop, feu Djibo Leyti Ka et moi-même’’, relate-t-il.

Kalidou Diallo dit avoir tenu les propos suivants, lorsqu’il lui a été demandé de donner son avis : ‘’Monsieur le président, ce projet de loi est mal compris par l’opinion, il est inopportun et porteur de violence.’’

‘’Il (Abdoulaye Wade) m’a immédiatement coupé la parole et a menacé de m’expulser du Conseil si je continuais à m’exprimer de la sorte’’, se souvient M. Diallo.

Selon l’ancien ministre, pendant le Conseil des ministres, M. Wade recevait en temps réel ‘’des informations alarmantes’’ du côté de l’Assemblée nationale, où s’étaient réunis des milliers de manifestants en guise de protestation contre le projet de loi.

Ces informations faisaient état d’affrontements entre forces de sécurité et manifestants, de jets de pierres et de tensions suscitées par un tour d’honneur jugé provocateur de Farba Senghor, alors chargé de l’organisation au PDS.

Les violences, a rappelé Kalidou Diallo, avaient entraîné des saccages de biens publics et privés. Des maisons appartenant à des personnalités furent la cible de furieux manifestants. Le restaurant de l’Assemblée nationale avait été vandalisé.

‘’J’assume l’entière responsabilité de cette situation’’

Selon Kalidou Diallo, un premier amendement avait été proposé durant la réunion du Conseil des ministres, qui supprimait la disposition ramenant à 25 % le seuil minimum des voix nécessaires pour l’élection du président et du vice-président de la République.

Mais, ajoute-t-il, cette mesure avait été jugée insuffisante par le Front Siggil Sénégal, qui fédérait les principaux partis d’opposition et avait pour mot d’ordre ‘’Touche pas à ma Constitution’’.

C’est, finalement, en début d’après-midi que le président de la République ordonna au ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, de retirer le projet de loi.

‘’Le mal était déjà fait, même s’il n’y eut pas de morts ce jour-là, mais de nombreux blessés’’, rappelle Kalidou Diallo, ajoutant qu’Abdoulaye Wade l’avait appelé nuitamment pour lui demander de le rejoindre au palais de la République.

‘’Je l’y ai trouvé seul, visiblement abattu. Il m’a dit : ‘Kalidou, tu avais raison ce matin, mais on ne s’adresse pas à un président de la République de manière aussi discourtoise et arrogante. Quoi qu’il en soit, j’assume l’entière responsabilité de cette situation. Je considère que nous avons perdu le pouvoir à partir d’aujourd’hui.’’’

Des propos prémonitoires, confirmés quelques mois plus tard par l’élection présidentielle de 2012 remportée par Macky Sall, au second tour, avec 65,80 % des voix contre 34,20 % pour Abdoulaye Wade.

La mobilisation populaire avait conduit à la naissance du Mouvement du 23-Juin (M23), qui poursuivra la contestation, revigoré par le recul du pouvoir.

HB/MK/BK/SMD/ESF

Stay Updated!

Subscribe to get the latest blog posts, news, and updates delivered straight to your inbox.

By pressing the Sign up button, you confirm that you have read and are agreeing to our Privacy Policy and Terms of Use