SENEGAL-CHINE-PARTENARIAT
Dakar, 30 juin (APS) – Le voyage du Premier ministre sénégalais en Chine (22-28 juin 2025), première sortie officielle d’Ousmane Sonko en dehors du continent africain, consacre une nouvelle étape dans la consolidation d’un axe stratégique de coopération ayant évolué jusqu’à faire de la République Populaire de Chine, le premier partenaire économique du Sénégal.
Une vision stratégique de la coopération
Il est bien loin le temps où l’évocation de la coopération entre le Sénégal et la Chine faisait penser à bon nombre de Sénégalais au stade de l’Amitié, devenu Stade Léopold Sédar Senghor.
L’infrastructure sportive, fruit de la coopération sino-sénégalaise, avait été inaugurée le 31 octobre 1985 par le président Abdou Diouf. Elle a abrité des matchs de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) en 1992.
Elle était restée longtemps le symbole de coopération entre les deux pays. Aujourd’hui, à la faveur de nombreuses et nouvelles infrastructures érigées au Sénégal grâce au partenariat avec Pékin, elle est quasiment reléguée au second rang dans la mémoire des Sénégalais, bien que sa rénovation pour les besoins des Jeux olympique de la jeunesse que le Sénégal abrite en 2026, est encore à mettre à l’actif de cette coopération devenue stratégique, de l’avis des dirigeants des deux pays et au regard de la réalité des chiffres.
La Chine est devenue, en 2024, le premier partenaire économique du Sénégal dont les importations en provenance de l’Empire du milieu ont atteint 842,2 milliards de francs CFA, en hausse de 8,3% par rapport à la même période de l’année précédente, d’après l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD).
‘’Des partenaires et de bons frères engagés dans le développement et la renaissance nationale’’
La dimension symbolique de ces données réside dans le fait que la Chine venait de supplanter la France de la position de partenaire économique privilégié, une première depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale en 1960. Et les dirigeants des deux pays le clament haut et fort, eux qui ont décidé de donner une dimension stratégique à ce partenariat.
Le président chinois Xi Jinping n’a pas manqué de le rappeler lors d’une séance de travail organisée vendredi 27 juin au Grand Palais du peuple, à Pékin, au moment recevoir en audience le chef du gouvernement sénégalais en visite officielle.
‘’La Chine et le Sénégal sont des partenaires et de bons frères engagés dans le développement et la renaissance nationale. La Chine souhaite renforcer avec le Sénégal l’unité et la coopération, approfondir le partenariat stratégique global entre les deux pays, apporter davantage de bienfaits aux peuples des deux nations’’, a ainsi rappelé le président Xi à son hôte.
Le président de la République Populaire de Chine a en même temps martelé que Pékin et Dakar devaient résolument soutenir mutuellement leurs chemins de développement indépendants, renforcer les échanges et le dialogue sur la gouvernance, tout en consolidant les fondations de la confiance mutuelle.
Une vision de la coopération qui a eu le mérite de recevoir une totale approbation du chef du gouvernement du Sénégal, lequel au sortir de cette audience a exprimé sa satisfaction assurant que les Sénégalais allaient, dans quelques semaines, voir les retombées de son déplacement en terre chinoise.
Une visite d’affaires et de promotion de la destination Sénégal
”Nous avons également constaté l’importance que la Chine, à tous les niveaux, accorde à la coopération avec le Sénégal”, a insisté Ousmane Sonko en faisant savoir que le président Xi Jinping s’est engagé à accompagner la mise en œuvre de la Vision 2050 et à aider le Sénégal à traverser la ‘’situation financière héritée du précédent régime’’.
Le chef du gouvernement sénégalais était accompagné du ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, du ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Cheikh Tidiane Dièye et du ministre des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens, Yancoba Diémé.
Au-delà du volet officiel marqué par la rencontre avec le Président chinois Xi Jinping et le Premier ministre Li Qiang, la visite d’Ousmane Sonko en Chine a également revêtu les contours d’une tournée d’affaires.
Le chef du gouvernement sénégalais a présidé un forum d’hommes d’affaires sino-sénégalais à Hangzhou, la première étape de cette visite. Cette rencontre a débouché sur la signature de beaucoup de mémorandums d’entente entre des acteurs économiques des deux pays.
M. Sonko en a profité pour vendre la destination Sénégal aux investisseurs chinois en les appelant notamment à tirer profit des avantages comparatifs du Sénégal en termes d’environnement des affaires, de garantie des investissements et de la position géographique du Sénégal, hub naturel à partir duquel les investisseurs pourraient avoir accès aux marchés régional et continental.
Le même appel a été lancé le lendemain à Tianjin lors du Forum économique mondial abrité par l’une des quatre municipalités autonomes de la Chine.
En fin de compte, l’économie a été au cœur de cette tournée en Chine dans la mesure où la veille de son départ pour le Sénégal, Ousmane Sonko a tenu des séances de travail avec les plus grands groupes et entités financiers de la République Populaire de Chine.
”Il s’agissait de faire le point de ce qui marche bien et des difficultés, de comment les relever et surtout se projeter sur les perspectives. Le Premier ministre a entre autres rencontré les responsables de l’Agence chinoise de coopération pour le développement international, d’Eximbank, de China development Bank’’, a fait savoir le ministre de l’Economie du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr.
Il a tenu à rappeler que la plupart des investissements chinois au Sénégal se font par la dette à part les dons de financement de la construction d’infrastructures. M. Sarr a insisté sur le fait que la délégation sénégalaise avait également discuté avec les partenaires chinois des moyens de faire sortir certains actifs de l’Etat sénégalais, lesquels pourraient intéresser les entreprises chinoises.
”On a signé des accords d’assistance techniques et c’est le paradigme de coopération qu’on voudrait changer. La Vision Sénégal 2050 veut mettre le secteur privé en avant. C’est un marqueur très important du référentiel. Il y a également la territorialisation des politiques publiques à travers huit pôles régionaux que nous voulons développer dans la Vision Sénégal 2050’’, a ajouté le ministre sénégalais de l’Economie.
M. Sarr a ainsi la souligné la nécessité pour le Sénégal de s’inspirer du modèle chinois, un pays constitué d’un ensemble de provinces autonomes.
Des pas pour accéder aux marchés financiers chinois
”Ces provinces sont en concurrence les unes avec les autres. Nous pouvons beaucoup apprendre du modèle chinois dans un co-développement de sorte que dans nos pôles régionaux, on peut essayer de créer davantage de valeurs et ne plus être dans une coopération d’endettement qui alourdit le poids de la dette sur l’Etat et n’aide pas le secteur privé sénégalais à se développer’’, a-t-il fait valoir.
Il n’a pas manqué de souligner que les discussions avec les industriels et financiers chinois ont également porté sur la possibilité pour le Sénégal d’avoir accès au marché financier de la Chine.
‘’Le Sénégal, au-delà du financement de son déficit, a accès aux marchés financiers régional et international. Chaque année, nous venons sur les marchés pour refinancer notre dette. Il y a des possibilités d’émettre des ‘’Panda Bonds’’ pour lever des fonds sur les marché financier chinois à des taux d’intérêt assez intéressants’’, a-t-il assuré, en insistant sur le fait que la dette du Sénégal est soutenable.
Les contours d’un changement de paradigme dans une coopération bilatérale qui se matérialisait jusque-là autour de la dette et de dons de financement d’infrastructures tels le Musée des civilisations noires et le Grand théâtre de Dakar.
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