SENEGAL-EDUCATION-REPORTAGE
Bakel, 8 oct (APS) – La rentrée scolaire 2025-2026 n’est pas effective à Ballou, une commune du département de Bakel où plusieurs écoles sont encore sous les eaux alors que d’autres sont occupées par des sinistrés, suite aux lâchers d’eaux effectués à partir du barrage Manantali, a constaté l’APS.
En cette fin d’après-midi, après 4 heures de voyage en pirogue motorisée sous un soleil brûlant, l’embarcation convoyant le reporter de l’APS accoste sur le quai de la berge de Ballou, alors que la nuit s’annonce.
A la descente de la pirogue, il faut arpenter quelques ruelles avant d’arriver au quartier Mondicany, pour ensuite prendre une autre pirogue pour rejoindre l’école élémentaire Sidy Khoumba Sidibé où sont relogés les sinistrés.
Le village commence à reprendre vie avec le recul progressif des eaux, malgré une odeur d’égout et de boue persistante qui se dégage encore de certains quartiers à cause des débordements du fleuve.
A l’école, vers 20h, le visiteur peut apercevoir des braises à la devanture de chaque salle de classe devenue un foyer, l’établissement s’étant comme transformé en une grande concession où les sinistrés cohabitent avec leurs animaux.
Ils sont au nombre de trente-cinq familles relogées dans cette école élémentaire, selon un recensement du comité départemental de gestion des inondations et autres calamités naturelles après la montée des eaux.
Des salles de classe transformées en chambre
Les classes vidées de leur tables-bancs au profit des matelas et valises, la cour de l’école envahie par des charrettes, tricycles et motos deux roues, des moustiquaires attachées par endroit, c’est le décor qu’on peut constater sur place, témoin de l’installation à la hâte des sinistrés.
”Nous n’avons pas d’autres endroits à part l’école. C’est presque l’ouverture des classes mais si on quitte ce lieu, où pourrait-on aller ?”, s’interroge Aladji Dramé, un septuagénaire trouvé dans l’enceinte de l’école.
Il déclare que sa maison s’est effondrée avec la montée des eaux et ses parcelles de piment englouties avec les inondations.
“Avec les premières alertes sur les inondations, j’ai préparé mes bagages pour sortir de la maison avec ma famille, nous vivons dans des bâtiments en banco, les risques d’effondrement étaient réels”, a déclaré M. Dramé, avec une pointe de lassitude dans la voix.
La même situation touche Amadou Ndiaye, forgeron de son état, qui déclare avoir très tôt pris le chemin vers l’école après que sa concession a été inondée. Il s’y est installé avec son atelier de travail et son matériel.

“L’école est notre seul endroit de refuge actuellement. Je suis là avec mes deux femmes et mes enfants qui doivent même aller à l’école, mais s’il y a des dégâts au niveau des habitations, il ne peut y avoir de rentrée des classes”, fait savoir M. Ndiaye, invitant l’État à accompagner les sinistrés dans la réhabilitation de leurs habitations.
“L’État doit donner du matériel, du fer, du béton pour qu’on construise des maisons. Sinon la situation va se répéter chaque année”, dit-il.
Un cas identique dans une école à Yaféra
M. Ndiaye reconnaît que l’État n’est jamais resté inactif et est venu en aide aux sinistrés avec des vivres et matériels de protection, mais il dit aussi attendre des solutions durables et définitives.
A Yaféra, un autre village impacté par la crue du fleuve, des sinistrés sont aussi relogés au niveau de l’école Sada Ciré Timéra, seul établissement scolaire ayant échappé à la furie des eaux.
Sur ce site, onze familles sinistrées partagent les salles de classe et la cour de l’établissement. C’était le seul recours possible, malgré les difficultés, selon Lassana Keita, sinistré et responsable du site.
”La situation est très difficile. Au début, nous n’étions que trois familles, huit autres familles sont arrivées par la suite après que les eaux ont envahi leurs maisons”, a dit M. Keita.
Se disant conscient que la première vocation d’un établissement scolaire est de servir de cadre d’apprentissage, il assure être prêt à quitter les lieux si d’autres alternatives se présentent.
“Nous sommes prêts à partir si on a d’autres endroits. Mais actuellement, on n’a pas vu de tentes. Certaines familles aussi attendent que les eaux qui ont envahi leur domicile soient évacuées pour y retourner. Ce n’est pas facile”, ajoute M. Keita.

En plus des vivres, le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement a envoyé sur Bakel un premier lot de secours aux sinistrés comprenant 30 tentes et 2 000 matelas, en plus de 2 000 moustiquaires.
Les lâchers d’eau du barrage de Manantali ont rendu impraticables seize établissements scolaires, a indiqué l’inspecteur de l’éducation et à la formation (IEF) de Bakel, Alla Thiaw, dans d’un entretien avec l’APS.
“Sur les 160 écoles de Bakel, 16 sont impactées, notamment au niveau des 7 localités impactées où nous avons 9 écoles qui sont inondées et 7 autres qui sont occupées par des sinistrés”, a révélé M. Thiaw.
Ces établissements abritent des collèges d’enseignement moyen (CEM), des écoles élémentaires et des cases des tout-petits, a précisé M. Thiaw, soulignant que les directeurs d’école avaient pris les devants pour que les matériels ne soient pas endommagés.

“Les dégâts matériels, cette année-ci, seront beaucoup moindres parce que, depuis la fin de l’année, j’en avais discuté avec les directeurs d’école pour qu’ils prennent les devants en déplaçant le matériel pour le mettre à l’abri. Ce qui s’est passé l’année dernière, c’est une leçon apprise”, rassure-t-il.
Avec le recul du niveau des eaux, il dit espérer que ces établissements impraticables n’auront que quelques jours de retard, contrairement à l’année dernière.

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