SENEGAL-BELGIQUE-PEINTURE
Dakar, 20 avr (APS) – L’ancienne comédienne sénégalaise et actrice de cinéma Awa Sène Sarr, installée depuis quelques années en Belgique où elle s’est initiée aux arts plastiques, a fait un retour marqué au Sénégal, samedi, par le biais d’une exposition individuelle d’une quarantaine de toiles, qui propose une immersion dans son univers personnel.
Intitulée “Immersion ou Sóobu”, cette exposition à voir jusqu’au 3 mai prochain entraîne dans l’univers personnel de l’artiste, alimenté des faits imaginaires et des références à la littérature africaine qui ont inspiré sa trajectoire.
Les toiles présentées par Awa Sène Sarr au Musée des civilisations noires de Dakar, dans le cadre de l’année dédiée aux femmes noires, toutes peintes à l’acrylique à partir de techniques mixtes, ont un lien avec la plasticienne et établissent le dialogue avec elle, sans la parole.
“J’ai juste voulu, à travers cet art que j’embrasse aujourd’hui, dessiner une ligne qui perce le silence et qui transcende la parole. J’ai été dans un art, le théâtre, où c’est l’art de la parole. Et là je pense que contrairement à la peinture, qui est quelque chose de très solitaire, quand tu es seul devant ton pinceau, c’est une autre forme d’expression. Et j’aime bien aussi”, a dit cette ancienne pensionnaire du Théâtre national Daniel Sorano.
Dans un style éclectique fait de figuratifs et une majorité de tableaux abstraits, l’artiste tente de percer le mystère des “génies de l’eau”, une des six séries composant son exposition.
Awa Sène Sarr croit en l’existence de ces génies de l’eau, tels que “Mame Thioupane”, le génie de Popenguine à Bahia, “Mame Coumba Lamb”, celui de Rufisque, ou encore “Coumba Castel” de Gorée. Des noms familiers et des références majeures pour la croyance populaire sénégalaise.
“Quand je travaille, par exemple, autour du génie de l’eau, c’est quelque chose aussi qui, dans notre imaginaire de Sénégalais, nous a beaucoup parlé. Et à un moment, je me suis dit : tiens, je vais voir s’il y a des images autour de ça. Parce que quand même les images, c’est aussi une autre forme de langage. Et je n’ai pas vu vraiment d’images sur ces génies-là”, explique la plasticienne.
Elle représente aussi, à travers la série “Les mots du silence”, les livres qui l’ont marquée. “Le monde s’effondre”, “Riwaan ou le chemin de sable”, “La mauvaise pente”, ou encore “L’aventure ambiguë”, sont autant de titres de ses toiles renvoyant respectivement à Chinua Achebe, Ken Bugul, Amina Seck et Cheikh Hamidou Kane. Des références de la littérature africaine.
Pour l’artiste, c’est une manière de rendre hommage à ces auteurs, à la littérature africaine qui a alimenté sa trajectoire de comédienne.
“J’ai beaucoup lu, et donc je m’inspire des titres de tous ces textes que j’ai lus, qui me parlaient, parce que les titres sont très parlants”, explique-t-elle.
Awa Sène Sarr évoque l’élégance féminine à travers une de ses toiles intitulée “Dimanche à Bamako”, en résonnance à la célèbre chanson “Les dimanches à Bamako” du couple de chanteurs maliens Amadou et Mariam.
Il y a aussi ce tableau intitulé “Les demoiselles de Pikine”, qui représente trois jeunes filles d’allure gracieuse, une référence sans doute à la toile “Les demoiselles d’Avignon” de Pablo Picasso datant de 1907.
Awa Sène Sarr, établi depuis quelques années en Belgique où elle s’est formée à l’art visuel à l’école des Beaux-arts de Wavre, peint de façon abstraite sa double culture à travers une autre série intitulée “Echos des saisons”, une œuvre par laquelle l’artiste se promène dans la nature et ses mutations.
“Awa sait traiter ses sujets avec finesse et délicatesse. Elle peint l’espace, le temps et les êtres. […] Sóobu est le fruit d’une réflexion profonde sur la vie et ses complexités, ses incertitudes, ses défis, ses leçons, mais aussi sur ses charmes qui donnent à espérer en vue de lutter pour un monde meilleur”, a commenté la commissaire de l’exposition Awa Cheikh Diouf.
Selon Christelle Vanstraten, la marraine de l’évènement, “Immersion ou Sóobu” est dans la continuité des expositions réalisées par Awa Sène Sarr en Belgique, en septembre 2024, et à Paris, en novembre dernier.
“+Sóobu+, si on doit la comparer à une œuvre littéraire, c’est vraiment le retour au pays natal. Elle tenait vraiment à faire ce projet au Sénégal. Et voilà, sur un thème qui la tenait à cœur qui englobait du politique, du social, la femme, le monde littéraire”, fait savoir Mme Vanstraten.
Elle souligne que l’artiste, à travers sa peinture, arrive à représenter toutes les cultures auxquelles elle s’identifie et qui lui servent de références.
Le peintre Zulu Mbaye, présent à ce vernissage, considère que dans cette exposition, “il y a de très belles choses. On sent qu’elle est jeune dans le métier, mais elle est très prometteuse”.
Il estime que “ce qui est intéressant chez Awa Sène Sarr, c’est qu’elle est très personnelle, ce qui fait sa personnalité artistique”.
“Elle a un monde à elle, un monde onirique qui est propre à nous Africains parce que nous sommes un peuple de rêve, mais le rêve ou la mythologie a beaucoup de sens”, poursuit-il.
FKS/SBS/BK