SENEGAL-ECONOMIE-REPORTAGE
Par Ousmane Gaye
Gaya, 7 mars (APS) De nombreuses productrices de patate des villages de Ndiarème et Gaya ont abandonné leurs périmètres à cause d’une fuite fréquente de la conduite d’eaux usées qui traverse une bonne partie de la marre dénommée “Bakka Pall”, considérée jusqu’ici comme une aubaine pour les femmes de cette partie du département de Dagana (nord).
Sur cette marre dénommée ”Bakka Pall” située sur le bord du fleuve Sénégal, à la sortie de l’hivernage, plusieurs femmes de ces deux villages s’adonnent au repiquage des périmètres. Une activité qu’elles pratiquent depuis plusieurs années après le tarissement des lieux.
A ”Bakka Pall”, ce sont des femmes d’un âge mûr qui sont les premières à se rendre sur le site pour vérifier et constater l’état d’avancement du tarissement de la marre, dans l’optique de pouvoir respecter le temps de l’emblavement qui se pratique avant le retrait des eaux.
Les productrices ne quittent d’un iota les lieux, pendant que le tarissement de ”Bakka Pall” se poursuit à grands pas, car l’emblavement doit se faire avec la fertilité des sols qu’offre la marre.
En cette matinée très ensoleillée, sous un climat peu favorable, une vague de poussière souffle sur la ville de naissance de Seydi El Hadji Malick Sy (1855-1922).
Le président de l’Union nationale des usagers des forages ruraux (UNAFOR), Modou Diouf, est venu s’enquérir de la situation hydraulique liée au manque d’eau potable, auquel sont confrontées les populations de la commune de Gaya.
Lors de son séjour, il est allé à la rencontre de ces femmes productrices de patate qui lui ont exposé leurs doléances, portant notamment sur la fuite fréquente de la conduite d’eau qui plombe les activités de ”Bakka Pall”.
Une campagne fortement retardée par la fuite
Cette nouvelle campagne de patate a connu un changement avec la montée des eaux fluviales qui a impacté toute la zone et retardé fortement la période des semis.
Avec les aléas du changement climatique, les productrices sont obligées d’attendre le moment propice pour se lancer pleinement dans leur campagne.
“De nombreuses femmes ont décidé d’abandonner leurs périmètres, parce que leurs surfaces sont toujours sous les eaux. Cette fuite progressive du tuyau est la principale raison de cet abandon”, a indiqué Awa Sarr, une des productrices trouvées sur place.
Selon cette productrice, le principal frein à l’activité économique des femmes productrices de patates est lié au tuyau qui traverse les plants et déverse chaque jour des eaux usées dans la mare.
Elle souligne que bon nombre de ses collègues ont eu des craintes quant à une bonne campagne, car les plants sont toujours sous les eaux.
‘’Avec cette situation, la campagne risque de ne pas aller à son terme. C’est pourquoi beaucoup de femmes ont préféré abandonner au lieu de s’engager dans cette aventure’’, a expliqué la native de Ndiarème.
Elle indique que depuis bientôt sept ans, des dégâts et des pertes ‘’sont enregistrés, mais c’est après avoir découvert la fuite que les productrices se sont rendues compte de l’abandon de certaines productrices.
Auparavant, dit-elle, il était impossible pour elles de connaître les véritables raisons du retard du retrait de la marre, soutenant que les femmes pensaient que la situation était liée à la montée des eaux fluviales, mais après des diagnostiques, elles ont pu retrouver la véritable raison.
Elle a indiqué que des efforts ont été consentis pour évacuer les eaux des périmètres agricoles mais les tentatives ont été vaines à cause de l’ampleur des eaux usées qui envahissent les champs de patates.
‘’Normalement, on devait être en mi- campagne. Mais, là, je pense que nous l’avons raté, car même si les eaux s’étaient retirées, il nous sera très difficile de rattraper les autres femmes’’, se désole la quarantaine.
Elle a souligné que des démarches ont été faites pour alerter les autorités locales et le gestionnaire du forage, ainsi que les comités inter-villageois, mais leurs tentatives sont restées sans suite favorable.
D’après elle, jusqu’à ce jour, aucun acte concret n’a été posé pour trouver des solutions à ce phénomène.
‘’Notre appel ne devait pas rester sans suite, mais là nous notons une absence totale de la volonté publique à notre égard, personnellement je n’arrive pas à comprendre ce silence des responsables’’, s’interroge Awa Sarr.
À quelques mètres d’elle, se trouve une autre productrice, Nogaye Seck. Cette productrice qui a fait treize années sur ”Bakka Pall” a assisté pratiquement à toutes les récoltes enregistrées au niveau de cette marre.
Les autorités invitées à prendre des mesures
‘’Les récoltes ne sont plus bonnes. Depuis sept ans, chaque année devient encore pire que celle précédente, malgré les efforts que nous faisons pour sauver notre campagne. C’est cette situation qui est à l’origine de l’abandon de plusieurs d’entre nous’’, a-t-elle expliqué.
Elle rappelle que par le passé, la marre refusait du monde et les gens avaient même du mal à s’entendre à cause du bruit.
Mais aujourd’hui, poursuit-elle, tout semble changer, beaucoup de femmes ont décidé d’abandonner leurs plants parce que les eaux envahissent incessamment les périmètres.
‘’Cette fuite nous a vraiment causé du tort et nous ne savons plus comment faire et à qui s’adresser. C’est pourquoi certaines ont préféré aller faire autres choses que de s’aventurer dans une activité sans rendement, a-t-elle déploré.
Awa Sarr estime que du retard a été accusé pour cette année, mais elle espère que la situation va revenir à la normale.
A Gaya, la culture de patates constitue de nos jours une véritable activité pour de nombreuses femmes de la localité qui se fournissent de rente après chaque récolte enregistrée à la mare ”Bakka Pall”.
Dès les premières lueurs de l’aube, elles quittent leur domicile pour rejoindre leurs plants qu’elles arrosent et restent sur le site jusqu’à treize heures, avant d’y retourner le soir.
A cette heure, elles arrosent encore les plants pour être sûres de la fertilité des sols aménagés.
‘’Bakka Pall est notre deuxième maison. Nous avons connu toute sorte de bonheur avec ces périmètres. C’est pourquoi, rien ne pourra nous séparer de cette marre car, c’est un gagne-pain pour toutes les femmes de la commune’’, confie Awa Sarr.
”Nous enregistrons chaque année des rendements très satisfaisants qui nous permettent de participer aux dépenses quotidiennes et de subvenir aux besoins de nos enfants”, a estimé la productrice qui révèle tirer son épingle du jeu depuis bientôt dix ans.
Sur ce site, les hommes y viennent aussi après les récoltes pour de petites tâches qui leur permettent de se faire de l’argent.
Face à cette situation, Nogaye Seck invite les autorités à prendre des mesures urgentes pour régler définitivement ce problème qui plombe cette activité génératrice de revenu, devenue incontournable à Gaya et environs.
Elle souhaite également que des financements soient octroyés aux femmes productrices pour que ces dernières puissent s’activer dans la transformation des produits locaux.
OG/AT/ASB/SBS/BK