+++Par Cheikh Gawane Diop+++

Saint-Louis, 9 déc (APS) – Pilote Barre, un village du Gandiol, terroir situé à l’embouchure du fleuve Sénégal, se retrouve plus que jamais exposé aux conséquences du changement climatique, phénomène en passe d’impacter négativement cette localité autrefois connue pour la richesse de sa biodiversité.

Situé à une quinzaine de kilomètres de Saint-Louis, Pilote Barre subit fortement les effets du changement climatique, dont les effets se traduisent par des modifications géomorphologiques importantes.

Il en résulte des bouleversements inattendus sur l’environnement et même la vie des populations locales, d’autant que Pilote Barre compte jusque-là parmi les symboles vivants de l’attractivité de la zone du Gandiol.

« C’est un village exposé aux effets du changement climatique. Ce qu’on appelle changement climatique désigne en fait des phénomènes naturels qui n’ont rien à voir avec la présence de l’homme et qui se traduisent dans nos régions par une augmentation sensible des températures », explique Boubou Aldiouma Sy, professeur de géographie et de géomorphologie à l’université Gaston-Berger (UGB) de Saint-Louis.

Le géographe, membre du Laboratoire Leïdi (Dynamiques des territoires et développement), s’entretenait avec des journalistes, dans le cadre d’une visite visant à sensibiliser les acteurs des médias sur le changement climatique et ses conséquences dans cette zone côtière.

Cette visite de presse à Pilote Barre a été organisée par l’African Journalists Forum, une association de journalistes et de chercheurs de plusieurs pays du continent.

« C’est un village assez ancien, comme celui de Doune Baba Dièye. Ce sont des villages installés dans l’estuaire et dans des fragments de cordons dunaires à l’intérieur de l’estuaire, ce qui est à l’origine de leurs problèmes », ajoute l’universitaire.

Il fait observer que ces villages se caractérisent par leur ancrage dans un environnement socioculturel et environnemental qui fait la marque du Gandiol, terroir d’environ 25.000 habitants, situé à quelques kilomètres au sud de Saint-Louis.

Le terroir du Gandiol fait l’objet, à travers l’histoire, de mentions remarquables le présentant comme un pays riche et prospère, carrefour des échanges qui irriguaient toutes les zones à l’entour de la vallée du fleuve Sénégal, un terroir ayant joué un rôle de premier plan dans l’espace sénégambien.

Un village traditionnel de plus 400 ans impacté

En raison de son passé prestigieux et de sa position géographique qui l’expose très fortement à l’érosion côtière, le Gandiol mérite de bénéficier d’une attention particulière en matière de sensibilisation sur le changement climatique.

« Je crois que le changement climatique demeure la principale menace. On a eu l’amère expérience de Doune Baba Dièye et de Keur Bernard, qui sont menacés » par ce phénomène, comme Tassinère et Pilote Barre, a relevé le journaliste René Massiga Diouf, le président de l’African Journalists Forum, à l’origine de cette visite visant à mettre en exergue les difficultés de ces zones du Gandiol confrontées à l’érosion côtière.

« Depuis quelques années, nous menons cette activité. Nous avons été à Doune Baba Dièye et Keur Bernard. Nous sommes ici, aujourd’hui, à Pilote Barre, après Tassinère », a ajouté le journaliste, revenant sur les activités de l’association qu’il dirige.

Doune Baba Dièye, un village traditionnel de plus 400 ans, fait partie des plus impactés par le changement climatique et la montée des eaux maritimes du Gandiol. Ce village s’est littéralement métamorphosé avec la création d’un canal de délestage construit pour lutter contre les risques d’inondation de la ville en octobre 2003.

Depuis lors, le village est sous l’influence directe des courants océaniques et a subi des modifications néfastes, qui se sont traduites par une perte des habitations, la disparition des filaos qui servaient de barrière de protection du village et de la zone côtière.

Il s’en est suivi un exode des habitants, avec la disparition du bétail et d’autres biens, l’aggravation de la remontée de la salinisation. C’est dire que le creusement d’une brèche de quatre mètres dans la langue de Barbarie – bande de sable qui s’étend de la Mauritanie au sud de Saint-Louis et constituait une barrière naturelle entre l’océan Atlantique et le fleuve Sénégal – a eu des conséquences néfastes considérables sur l’avenir de ce terroir.

Le président de l’African Journalists Forum a signalé que cette visite de sensibilisation s’inscrivait dans le cadre du travail de veille sur l’information environnementale mené par la plateforme qu’il dirige, dans le Gandiol et dans d’autres régions de l’Afrique.

Ce travail vise, selon lui, à montrer les situations que vivent ces localités tout en attirant l’attention des gouvernants sur cette problématique.

Aussi a-t-il appelé les autorités concernées à augmenter les outils de prévention pour venir en aide aux populations. Le professeur Boubou Aldiouma Sy pointe de manière générale la hausse des températures, qui se traduisent par la fonte des glaciers dans les pôles et l’augmentation du volume d’eau dans les mers.

Ce changement entraîne le relèvement général du niveau des mers, de l’ordre de 30 centimètres tous les cent ans. « C’est beaucoup et c’est ultrarapide à l’échelle géologique », indique le géomorphologue.

Il en tire la conclusion selon laquelle « tous les habitats, les infrastructures, les villages, entre autres, qui se trouvent le long du trait de côte et des topographies basses, sont exposés par le relèvement et les phénomènes de submersion extrême, des vagues extrêmes qui viennent frapper le trait de côte ».

Toutes les infrastructures menacées le long du trait de côte

« C’est ça aujourd’hui le problème de Pilote Barre, c’était le problème de Doune Baba Dièye, de Tassinère, etc. Ce sont vraiment les problèmes que ces villages sont en train de vivre actuellement », a-t-il commenté.

Le scénario du pire, selon lui, c’est que toutes les infrastructures situées sur le long du trait de côte sont plus que jamais menacées.

« À moins et long terme, oui, parce qu’avec le relèvement de la mer, toutes les infrastructures qui sont le long du trait de côte en réalité sont menacées », a-t-il fait savoir, évoquant une projection de levée topographique d’une manière générale sur le continent.

Pour y faire face, il juge nécessaire d’arriver à une compréhension du phénomène. « D’abord comprendre comment les paramètres hydrodynamiques, les courants de dérives, les vagues, les houles, les phénomènes de marée, les phénomènes exceptionnels de submersion marine, entre autres, se comportent ».

« Et pour ça, a préconisé l’universitaire, il faut des appareils assez sophistiqués pour essayer de comprendre ces phénomènes. Une fois qu’on comprend ces phénomènes, il est possible de mettre en place un dispositif pour ralentir la vitesse de destruction de ces infrastructures situées le long du trait de côte ».

Pilote Barre présente « des similitudes environnementales réelles », avec les deux villages disparus (Doune Baba Dièye et Keur Bernard) et « subit le même niveau de menace qu’avant leur tragique disparition », alerte un dossier de  presse sur le sujet.

L’African Journalists Forum, créée en 2012, est une plateforme d’échanges et d’action au service des médias et des populations africaines. Cette association ambitionne de faire connaître les problèmes de développement auxquels le continent se trouve confronté en mettant à la disposition des populations les outils nécessaires à leur résolution.

CGD/ASB/BK/ESF/MTN/ASG

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