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Course d'ânes à Louga : un rendez-vous incontournable pour promouvoir un animal d'une forte utilité

Feb. 25, 2023, 5:13 p.m.

Louga, 25 fév (APS) - Au-delà de l’hilarité que son évocation peut parfois susciter, la course d’ânes est devenue un rendez-vous sportif annuel incontournable à Louga (nord), à travers lequel les initiateurs souhaitent promouvoir le bien-être de cet animal et mettre en exergue sa contribution dans l’économie locale, avec un effectif de 26 446 têtes recensées par le service régional de l’élevage.

 

 


Le stade municipal Djibril-Diouf (ex-Wattel)  va abriter, ce samedi, la dixième édition de cette course, une compétition saluée par le chef du service régional de l’élevage de Louga, une région qui, selon Aya Ndiaye, compte 26 446 ânes, dont 1458 vivent dans la capitale régionale.

 

En raison de sa grande utilité qui est de plus en plus reconnue par tous, dit-il, l’âne est aujourd’hui vendu entre 50.000 et 80.000 FCFA". Jadis, son prix était compris entre 8.000 et 2.000 francs CFA, rappelle-t-il dans un entretien avec l’APS.

 

‘’Si l'élevage se développe dans ce pays, c'est parce qu'il y a des ânes qui transportent la nourriture, l'eau et les éleveurs", déclare-t-il, rappelant que l'élevage contribue à hauteur de plus de 3,5% au produit intérieur brut (PIB) du pays. Trouvé dans les locaux du service régional de l’élevage, il a exprimé sa joie de voir la capitale du Ndiambour abriter cette course d’ânes, devenu un rendez-vous sportif annuel incontournable pour les Lougatois. 


En sa qualité de chef de ce service technique, il dit d’autant apprécier à sa juste valeur cette course qu'elle est organisée par une femme. ‘’Et on sait qu'il paraît parfois ridicule aux yeux de certaines personnes quand une femme s'occupe des ânes et se dit amie des ânes, mais c'est important.  Quelle que soit l'espèce animale et la perception des gens, il y a des personnes de bonne volonté et de bonne foi qui s'intéressent toujours à une catégorie d'espèces animales que beaucoup ignorent ou négligent", explique-t-il.

 

Il se réjouit de voir que "quelqu'un s'intéresse à cette espèce’’, considérant que c’est ‘’une occasion de sensibiliser davantage les populations sur l'intérêt et l'utilité de cet animal qui est négligé quelque part".

                L'âne, un animal utile à l'élevage,

Aya Ndiaye ne doute pas de l'utilité de l’âne dans le développement du pays, notamment dans le secteur de l'élevage. Selon lui, l'âne est incontournable dans le système d'élevage extensif sénégalais. ‘’Si vous parcourez le Sénégal, à chaque fois vous verrez les grands éleveurs du pays avec beaucoup d'ânes, parce que c'est l'âne qui transporte l'eau et conduit les animaux et les éleveurs partout", explique-t-il.

Dans la zone sylvopastorale, renseigne-t-il, les chevaux ne sont pas trop nombreux, alors que chaque famille d'éleveurs peut disposer de six à dix ânes. Ce sont ces ânes qui transportent l'eau du forage à la maison pour l'abreuvement des animaux et assurent le transport des petits animaux, et des éleveurs, mais également du matériel de construction en ville, rappelle Aya Ndiaye.


Il y a des ânes qui sont achetés et envoyés au Saloum et en Casamance pour aider aux travaux champêtres, en raison du fait que "c'est une espèce rustique qui s'adapte à toutes les situations et ne demande pas beaucoup de moyens pour pouvoir se nourrir", fait-il savoir.

Il demeure convaincu que "celui qui s'occupe du bien-être de l'animal voit son bien-être s'améliorer de jour en jour". Il invite les autorités administratives, la police et la gendarmerie, à aider son service à encadrer davantage les populations et à les sensibiliser sur la prise en charge du bien-être des animaux.

Le secrétaire général du Syndicat unique des éleveurs du Sénégal (SUES), Aliou Dia, salue, quant à lui, à sa juste valeur l'initiative d'organiser chaque année une course d'ânes dans la ville de Louga. Cet événement est source d’une grande joie, parce qu'il permet à la population, notamment aux jeunes et aux femmes de se divertir, mais également de faire vivre l'économie, surtout les secteurs du commerce et du transport qui en sont les principaux bénéficiaires, fait-il valoir.

"Les autorités doivent davantage veiller sur le bien-être des chevaux et des ânes, en contrôlant le poids qu'ils transportent, parce qu'ils créent beaucoup d'emplois et rendent un grand service aux Lougatois, surtout aux éleveurs’’, estime le syndicaliste.

 

A l'en croire, sans l’âne, la vie serait beaucoup plus difficile pour les éleveurs, parce que c’est avec l’aide de cet animal que l’on peut  aller chercher de l'eau dans les puits et les forages, afin d’abreuver le bétail et ravitailler en eau les familles.

"On emmène des tonneaux d'eau grâce aux ânes, mais également si vous allez dans certaines villes, notamment à Louga et à Touba, les ânes permettent aujourd'hui à beaucoup de jeunes et même des pères de famille d'avoir un emploi pour subvenir à leurs besoins'', souligne-t-il.

               Un gagne-pain pour les jeunes

Amary Ba, 27 ans, habite le quartier de Montagne, où il vit dans une maison qu'il partage avec ses deux frères élèves, sa petite sœur, sa femme et sa mère, une femme au foyer. Orphelin de père, il s'est lancé dans beaucoup d'activités depuis qu'il a quitté le daara (école coranique). Ba dit avoir voulu bien apprendre un métier comme beaucoup d’autres jeunes, mais l’urgence de  trouver rapidement un travail lui permettant d'assurer la dépense quotidienne en tant qu'aîné de la famille, avait, déclare-t-il, pris le dessus.

Pour éviter de rester les bras croisés, il dit avoir travaillé comme manœuvre en maçonnerie et marchand ambulant pour subvenir aux besoins quotidiens de sa famille, avant de se reconvertir dans le métier de conducteur d’une charrette tirée par l’âne. 

 

De taille élancée et de teint clair, le jeune charretier parle à voix basse, mais son humour ne laisse personne indifférent. Il affirme puiser son attachement au culte du travail dans les versets coraniques ou les enseignements du Prophète Mohamed (Psl), qu'il récite avec beaucoup d'aisance.

A l'en croire, le travail nous éloigne de l'oisiveté, qui est un danger pour tout le monde, notamment pour tout jeune en âge de travailler. "Je transporte le plus souvent des bagages au marché et parfois des matériaux de construction, mais je peux parfois rentrer avec 4000 ou 6000 FCFA, car tout dépend des opportunités de la journée", confie-t-il. Amary Ba considère que le peu d'argent qu'il gagne avec son âne vaut pour lui tout l'or du monde. Le charretier se dit "heureux", assurant parvenir à gagner dignement sa vie, à aider sa famille, sans tendre la main à personne grâce à son boulot. ‘’Donc, je peux dire que j'y trouve mon compte", dit-il fièrement.

Ousmane Diop, un autre jeune charretier, abonde dans le même et dit ne pas se plaindre de sa situation. Certes, il reconnaît que ce n'est pas un métier facile, parce que certaines personnes le sous-estiment. Mais, l'essentiel est qu'il lui permet de subvenir à ses besoins. "Je ne m'occupe vraiment pas de ce que les autres pensent de ce métier, car le plus important pour moi est qu'il me permet de gagner ma vie sans l'aide de personne", déclare-t-il.  

Le jeune charretier est plus que jamais convaincu que "les charrettes attelés aux chevaux et aux ânes jouent un rôle important dans le développement de la ville, parce qu'elles paient des taxes et permettent à des jeunes de trouver un emploi". La course d'ânes organisée chaque année à Louga ‘’est très importante, parce qu'elle aide à décomplexer les jeunes et à promouvoir ce métier’’, juge-t-il. ‘’L’âne est lui aussi important", lance-t-il sur un ton badin, un sourire aux lèves.

            Un moment de communion pour les jeunes et les femmes

L'initiatrice de la course d'ânes de Louga, Adama Guèye, voit dans cet évènement une opportunité d'offrir aux jeunes et aux femmes un moment de communion, en vue de participer activement au développement de la ville. "Cela fait maintenant dix ans que nous organisons cette course. On a des feedback très encourageants, car les taximen, les conducteurs de motos Jakarta et les petits commerçants s'y frottent les mains", confie-t-elle.

L'amour et la passion rendant parfois tenace, Adama Guèye a tenu bon, en dépit du fait qu'elle ne sent pas jusque-là un soutien des autorités locales pour l'accompagner dans cette aventure qu'elle a lancée depuis  2013. Elle demeure convaincue que "les gens finiront par comprendre que la course d'ânes n'est qu'un prétexte pour montrer que les équidés jouent un rôle très important dans le développement de la ville de Louga’’.

‘’Les chevaux et les ânes ont un impact très positif dans la vie économique de la ville de Louga’’, explique-t-elle. "Tout le monde sait que la vie est difficile, mais c'est grâce à ces chevaux et aux ânes que beaucoup de jeunes ont de quoi gagner leur vie", dit-elle.  

Elle fait valoir en outre la contribution des chevaux et des ânes dans l’économie de la ville, à travers les taxes que les charretiers paient chaque jour à la perception municipale. C'est pourquoi, insiste-t-elle, ‘’les chevaux et les ânes ainsi que leurs propriétaires méritent une attention particulière de la part des autorités et doivent être protégés et soutenus". 

DS/ASB/ASG

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