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A Kayar, le CLPA réclame des fonds pour financer ses activités

Feb. 7, 2023, 8:17 p.m.

Thiès, 7 fév (APS) – Le coordonnateur du Conseil local de la pêche artisanale (CLPA) de Kayar Mor Mbengue a invité l’Etat à appuyer le fonctionnement de cette instance dédiée à la gestion durable de la ressource halieutique, un domaine dans lequel cette localité est ‘’pionnière’’ à l’échelle nationale.

Les CLPA doivent recevoir 60% des droits d’obtention du permis de pêche, alimentant le fonds d’appui au fonctionnement des CLPA (FAF). 

Dans la région de Thiès, aucun CLPA n’a reçu son FAF depuis trois ans, alors que ce fonds est nécessaire pour financer les activités de surveillance, et tenir des réunions et faire des plannings de gestion, a dit Mor Mbengue.

A défaut de ces fonds, les pêcheurs doivent se cotiser pour assurer la surveillance des eaux, ce qui n’est pas durable, relève-t-il.

A l’en croire, Kayar, pionnier de la gestion durable de la ressource au niveau national, élaborait déjà ses plans de gestion durable de la ressource et de pêche responsable, avant la mise sur pied des CLPA par l’Etat.

Les pêcheurs de Kayar interdisaient les mono-filaments et les mauvaises pratiques de pêche dans leurs eaux, tout comme les pêches illicites et non réglementaires. 

A travers des plans locaux de développement, ils cherchaient à booster le secteur, tenant compte des générations futures. 

En 2005, des affrontements avaient éclaté entre des pêcheurs de Kayar et de Saint-Louis, sur fond d’accusations de ‘’mauvaises pratiques de pêche’’.

 ‘’La police s’était interposée et un des nôtres avait trouvé la mort par balle le 12 juin 2005’’, se souvient-il.

Cet évènement malheureux n’avait pas dissuadé Kayar de poursuivre son option de gestion durable de la ressource.

C’est par la suite que l’Etat a mis en place des conseils locaux de pêche artisanale, note-t-il, estimant que c’était une forme de reconnaissance de l’importance de leur action. Mor Mbengue regrette toutefois le fait que ‘’les CLPA ont tous les problèmes du monde pour fonctionner’’, faute de moyens.

Les 60% des 15.000 FCFA versés annuellement par les petites pirogues pour avoir un permis de pêche, sont reversés dans le FAF destiné aux CLPA. Les grandes pirogues payent 25.000 francs et les mareyeurs 30.000 francs CFA.

Sur les trois dernières années, le CLPA de Kayar a engrangé 20 millions FCFA dans ses comptes, auxquels il peine à accéder, selon Mor Mbengue. Le CLPA, en tant qu’institution mise en place par l’Etat, ne dispose pas de siège, a-t-il déploré.

Certaines régions comme Fatick et Ziguinchor ont reçu leur fonds, relève-t-il, précisant que ‘’ce sont les grands quais de pêche comme Mbour, Saint-Louis, Joal et Kayar qui ont ce problème’’. 

Le secteur de la pêche est aussi malade de la raréfaction du poisson, relève-t-il, ajoutant que l’aquaculture, présentée comme alternative, devait compter sur la farine de poisson, fragilisant davantage la pêche maritime. 

‘’Il faut cinq kilos de poisson pour avoir un kilo de farine de poisson’’, soutient-il. ‘’Il n’y a pas de cohérence dans la politique consistant à tuer des poissons pour nourrir d’autres poissons, et avoir du poisson’’, ironise-t-il.. 

             Une bataille juridique contre l'implantation d'une usine de farine de poisson

Le coordonnateur du CLPA de Kayar considère que la gestion durable de la ressource ne rime pas avec l’implantation d’usines de farine de poisson, qui favorise la surpêche et la pêche aux juvéniles. 

Les pirogues débarquant des juvéniles sont apparues pour la première fois l’année dernière à Kayar. Ce que ‘’personne n’osait auparavant’’. Pour lui, la présence d’une usine de farine de poisson n’est pas étrangère à ce phénomène, qui représente une ‘’grande menace pour la ressource et pour l’environnement’’.

Depuis quelques années, une bataille juridique oppose l’usine de farine de poisson, Barna, aux acteurs locaux de la pêche. Un collectif qui demandait la fermeture provisoire de l’usine pour ses nuisances environnementales, a été débouté en octobre-novembre par le tribunal de grande instance de Thiès, pour ‘’insuffisance de preuves’’. Il a introduit un recours auprès de la Cour d’appel.

Le responsable a évoqué bien d’autres préoccupations des pêcheurs de Kayar, parmi lesquelles la question des bateaux de pêche étrangers qui causent d’importants dégâts aux pêcheurs locaux, provoquant des conflits en mars-avril.

S’y ajoute la vétusté des quais de pêche, dont le plus récent remonte à 2002. M. Mbengue plaide pour la réhabilitation, la modernisation et l’extension du quai du troisième port de pêche du Sénégal. 

Kayar, malgré son importance dans la pêche artisanale au Sénégal, ne dispose pas de complexe frigorifique, relève-t-il encore.

Les femmes transformatrices de poisson de cette localité ont besoin d’un camion frigorifique pour mieux accéder à la matière première, poursuit-il.

Pour ce qui est de la sécurité en mer, il souhaite le retour des gilets de pêche subventionnés, qui ‘’ne sont plus visibles depuis trois ans’’. Les pêcheurs attendent toujours aussi les kits de sécurité préconisés par une étude menée dans le cadre du programme de géolocalisation.

Le manque de moyen de transport des services déconcentrés de pêche basés à Kayar, est aussi un grief du secteur.

Le coordonnateur du CLPA salue toutefois la subvention des moteurs de pêche par le gouvernement, ainsi que le maintien du prix du carburant pour les pêcheurs, dans un contexte de hausse généralisée.

‘’La pêche qui assure plus de 70% des besoins en protéines des Sénégalais mérite d’être protégée’’, dit Mor Mbengue. Au total, 1.302 pirogues sont immatriculées à Kayar et 506 demandes d’immatriculation sont en instance, note-t-il. Une pirogue compte en moyenne trois personnes. 

Le troisième port de pêche du pays compte aussi 132 chaînes tournantes, des engins de pêche qui emploient chacune plus de 60 personnes, relève-t-il pour souligner l’importance du secteur.

ADI/AKS

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