Par Amadou Baba Ba

Dakar, 25 juin (APS) – Au Sénégal où les maraîchers perdent jusqu’à 25 % de la production de fruits et légumes, faute d’équipements de stockage et de conservation, le marché d’intérêt national (MIN) Mamadou-Lamine-Niang de Diamniadio (ouest) est une belle trouvaille.

Officiellement ouverte le 1er septembre 2022, cette infrastructure moderne de négoce fait le bonheur des consommateurs pour ses produits agricoles et horticoles de qualité et bon marché. Le directeur général de la SEMIG SA, la société chargée de son exploitation, Mouhamadou Abdoulaye Mbaye, multiplie les initiatives innovantes, dont l’organisation d’une foire Tabaski. Un bon rempart contre la spéculation, à l’approche de la fête musulmane.

L’expérience a été tentée à l’approche de la dernière fête de Korité. Parce qu’elle a connu le succès et que commerçants et consommateurs en redemandent, la SEMIG SA a réédité le coup en organisant une foire dénommée Tabaski du MIN, du 19 au 27 juin, dans l’enceinte du marché d’intérêt national Mamadou-Lamine-Niang.

‘’Pour un coup d’essai, la foire Korité du MIN a été un coup de maître. Elle a remporté un grand succès auprès des commerçants et des consommateurs’’, se réjouit Mouhamadou Abdoulaye Mbaye en espérant tant de la Tabaski du MIN.

L’objectif de cette belle trouvaille d’organiser des foires à la veille de grandes fêtes participe de la vulgarisation du marché d’intérêt national, qui ‘’n’est pas encore très bien connu des populations, est de mieux accompagner les producteurs locaux de fruits et légumes, de protéger aussi les consommateurs de la spéculation des marchés classiques’’, assure M. Mbaye, jamais à court d’idées et d’innovations pour développer le MIN.

Pour la Tabaski, la direction générale de la SEMIG a apporté une innovation de taille. Une nouveauté qui semble aller de soi, car qui dit Tabaski pense assurément au mouton, que tout musulman majeur et qui en a les moyens doit immoler pour perpétuer la tradition abrahamique. En même temps, l’évocation du marché d’intérêt national Mamadou-Lamine-Niang renvoie forcément au commerce en gros de produits agricoles et horticoles locaux.

Pour être à l’air du temps et ‘’donner corps à l’inspiration du chef de l’Etat, qui en fait un point d’honneur, une bergerie abritant un troupeau de moutons a été aménagée avec l’onction du ministère de l’Elevage’’, explique Mouhamadou Abdoulaye Mbaye.

C’est ainsi que dans un enclos situé près du spacieux hangar du MIN traversé par un long couloir, ‘’388 moutons sont pour le moment parqués pour les besoins de la Tabaski, en attendant l’arrivée d’autres’’, confie Salif Bâ, le gardien de ce troupeau appartenant au président de l’Union nationale des organisations d’éleveurs du Sénégal, Harona Gallo Bâ. ‘’Après trois jours de présence sur les lieux, 40 moutons ont déjà été vendus à des prix allant de 100.000 à 200.000 francs CFA.’’

Une infrastructure moderne et sécurisée

Espace de commerce en gros érigé sur 24 hectares en 2019 par l’Etat du Sénégal au pôle urbain de Diamniadio (environ 30 km à l’est de Dakar), le MIN est une infrastructure moderne, qui regroupe des entrepôts de stockage, des magasins de 75 à 350 mètres carrés, qui sont équipés d’une mezzanine, d’une chambre froide commune de 725 mètres carrés, etc.

Une équipe de jeunes techniciens supérieurs de commerce et de logistique, diplômés de l’Institut universitaire de technologie de Thiès (ouest), et des informaticiens formés à l’Institut supérieur d’enseignement professionnel (ISEG) de Diamniadio veillent à la bonne exploitation commerciale des activités.

Une tâche dont Malick Fall, Borso Sarr, Binetou Niass, Amoul Yakar Lô et d’autres employés reconnaissables à leur polo vert s’acquittent à merveille. En attestent la salubrité, la sécurité et la bonne disposition des marchandises, ce qui fait du marché d’intérêt national l’exact contraire, par exemple, du grouillant marché de légumes Gueule-Tapée, situé entre le carrefour Case-Bi et le croisement Cambérène.

Là-bas, l’occupation anarchique et la promiscuité obligent les commerçants et la clientèle à se faufiler entre des automobilistes pressés et des scootéristes imprudents, une voie à circulation dense coupant le marché en deux.

Pour disposer d’un des 147 magasins et entrepôts locatifs au MIN, commerçants et maraîchers doivent débourser entre 75.000 et 200.000 francs CFA.

En plus des tarifs ‘’abordables’’, le ‘’MIN offre une réelle visibilité aux marchands’’, reconnaît Ousmane Ndiaye, un collaborateur de la SEMIG SA et membre de la Société de coopératives d’appui à la production, la transformation et la commercialisation, un groupement de producteurs agricoles et de maraîchers de quatre communes de la région de Thiès. Des sacs d’oignon sont empilés dans leur magasin de stockage.

Pour les besoins de la Tabaski du MIN, ce regroupement de maraîchers a lancé une ‘’campagne oignon’’, comme lors de la Korité du MIN, durant laquelle elle a écoulé 3.600 tonnes de cet ingrédient des plus prisés de la cuisine sénégalaise.

‘’Pour la présente foire, ce sera 5.000 tonnes’’, prévoit Ousmane Ndiaye. ‘’Il existe une forte demande d’oignon, comme souvent, de presque partout du Sénégal. Avant-hier, nous avons convoyé un camion à Nioro (centre). Nous nous apprêtons à faire de même pour satisfaire la clientèle établie à Koungheul.’’

Au marché d’intérêt national, il n’y a pas de la place que pour les coopératives et regroupements de producteurs et de commerçants. Les marchands individuels y sont également les bienvenus. Sauf que, pour cette première Tabaski du MIN, ‘’la direction a tiré des leçons des impairs relevés durant la Korité du MIN, lors de laquelle nous avions constaté des velléités de spéculation de la part d’exposants individuels’’, reconnaît M. Mbaye.

‘’Pour pallier cela, nous avons décidé, cette fois-ci, de donner la primeur aux coopératives.’’ D’autant plus que dans le cadre du Projet d’appui à la compétitivité de l’Afrique de l’Ouest, lancé en 2020 par l’Union européenne, plus de 25 coopératives de producteurs agricoles et horticoles ont été formalisées et ont bénéficié d’un accompagnement apte à leur faire passer à un palier supérieur, afin de pénétrer le marché sous-régional et international.

Il s’agit notamment de professionnels des filières mangue et oignon de la Casamance (sud), de la vallée du fleuve Sénégal (nord), de la zone des Niayes (ouest), etc.

Dans ce sens, le directeur général de la SEMIG SA travaille d’arrache-pied pour qu’ils puissent profiter des avantages que procure cette infrastructure commerciale en termes d’animation des circuits de distribution, d’exposition et de croissance.

‘’Nous avons signé des conventions avec eux, en relation avec l’ARM (Autorité de régulation des marchés) et la direction du commerce intérieur, pour stabiliser les prix’’, dit-il.

Des clients satisfaits

La clientèle apprécie. Daouda Doumbouya en fait partie. Accompagné de son épouse, il discute avec le vendeur de légumes et de fruits. De gros concombres et aubergines, des poivrons rouges, verts ou jaunes, des carottes, etc.

Au marché d’intérêt national, le chef le plus étoilé trouverait de quoi mijoter des mets succulents. Et ces pommes et melons qui vous mettent l’eau à la bouche… Et d’autres produits fruits et légumes frais, produits au Sénégal.

M. Doumbouya ne cache pas sa satisfaction d’en trouver en grande quantité et de bonne qualité. Et à des prix abordables.

‘’Ce que j’aime également dans ce marché, c’est la sécurité et la tranquillité avec lesquelles le client achète ses produits, de magasin en magasin, sans qu’il soit hélé ou harcelé’’, dit cet enseignant venu de Rufisque (ouest). Il se réjouit d’avoir fait des économies de 200 francs CFA sur chaque kilo de carotte.

Mieux, ‘’tous les produits vendus ici sont bio’’, précise Dior Diouf Mme Ndoye. Assise sur le pas de sa boutique, cette jeune femme était là durant la Korité du MIN.

‘’Il y avait plus de visiteurs mais je pense qu’ils viendront plus nombreux le week-end et dans les tout derniers jours avant la Tabaski’’, enchaîne-t-elle, épluchant et tâtant délicatement de fines tiges d’oignon vert. Elle qui habite Sébikhotane (ouest) déplore l’état de la route qui mène au marché d’intérêt national.

M. Doumbouya, lui, prévoit bien de revenir juste avant la Tabaski pour acheter des pommes de terre. Ici, le sac de 25 kilos est vendu à 11.500 francs CFA, contre 13.500 au moins dans les autres marchés.

Il pourrait passer par le magasin de Ndèye Penda Ndiaye. ‘’Je viens aider un ami dans la vente de son stock d’oignon. Etant donné que j’ai du temps libre ces jours-ci, je suis venue découvrir une nouvelle expérience, un autre univers professionnel’’, dit cette diplômée d’hôtellerie et de tourisme, employée d’un grand hôtel dakarois. Vêtue d’un jean large à la mode, une casquette sur la tête, à la manière des ados, l’apprentie commerçante ne tarde pas à recevoir un acheteur.

Un ‘’hub de l’agrobusiness en Afrique de l’Ouest’’

Juste le temps de demander le prix d’un sac de 25 kilos, Adama Ndiaye sort un porte-monnaie de la poche de son blazer sport assorti à son pantalon kaki, pour payer en liquide. Pas de marchandage. Le joli sourire de la vendeuse a-t-il pesé dans la balance ? ‘’A ce prix-là, 12.000 francs CFA ? On ne peut pas trouver mieux. La même quantité est vendue à 15.000 francs CFA au moins dans les marchés classiques’’, dit-il, tout heureux d’avoir fait une bonne affaire. Un ami qui l’accompagne en fait de même. En un tournemain, Ndèye Penda vient d’écouler deux sacs d’oignon de 25 kilos. L’acheteur paie à l’aide de son porte-monnaie électronique.

Les trois autres compagnons d’Adama Ndiaye, des collègues, sont apparemment très intéressés. Ce sont tous des agents du ministère du Commerce, de la Consommation et des Petites et moyennes entreprises. Ils profitent de leur temps de pause pour rapidement faire leurs emplettes – le ministère se trouve à quelques centaines de mètres.

Cet après-midi-là, la plupart des clients et visiteurs travaillent à la sphère ministérielle, située près du marché d’intérêt national. C’est le cas de Khadim Kassé, un agent du ministère de l’Elevage. ‘’J’ai vu un spot publicitaire à la télé sur la Tabaski du MIN. Puis j’ai décidé de venir visiter voir’’, confie-t-il.

Une visite qui s’est transformée en shopping, ‘’parce que je ne peux pas manquer de profiter des prix intéressants des produits agroalimentaires exposés ici’’, dit M. Kassé. Après ses courses improvisées, il repart avec ses sachets remplis de fruits et légumes, arborant la mine des jours heureux.

En ces temps de hausse généralisée des prix, le MIN ‘’soulage les ménages de la vie chère’’, selon le directeur général de la SEMIG SA, qui désire faire du marché d’intérêt national un ‘’hub de l’agrobusiness en Afrique de l’Ouest’’.

ABB/ESF/MTN

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