Thiès, 22 mai (APS) – Abou Diop, un passionné de la nature, notamment d’agroécologie, s’est reconverti depuis sa retraite en 2013 en herboriste, semant en pots et sur la terre ferme des légumineuses, des arbres fruitiers, des plantes médicinales et ornementales, venant des quatre coins du monde. Une aventure qui avait déjà démarré depuis 2004. Aujourd’hui, il a plus de deux-cent espèces dans sa collection, qui ne cesse de croître. Sa soif insatiable de savoir l’amène à toujours expérimenter de nouvelles variétés qui lui sont envoyées de partout. Sa maison sise au quartier Nguinth dans la ville de Thiès, est un arboretum, en trois niveaux, mais aussi un centre de recherche. Au rez-de-chaussée, où il prépare le compost, il y a une variété de plantes : un pied de ‘’madd’’, une variété de bananier venue de Centrafrique, du romarin, du thym, du jasmin, de la moutarde, venus d’Europe, au deuxième, des plantes venues de Russie. Un micro-climat s’est créé, avec des oiseaux qui viennent profiter de l’ombre et des insectes. Il a récemment fait venir des lombrics pour accélérer la décomposition de la matière organique. Aujourd’hui, il se plaît à démonter les idées reçues qui avaient fini de faire admettre qu’une bonne partie de plantes dites européennes ne peuvent pas pousser sous nos tropiques. Au troisième niveau, il teste en pépinières les semences qui lui viennent de l’étranger. ‘’On m’a toujours appris cela dans ma formation, je l’ai toujours enseigné à mes élèves, mais je me suis rendu compte que c’était faux’’, dit non sans fierté, l’ingénieur agronome formateur à la retraite, qui a fait le tour de la plupart des écoles et centres de formation agricole du pays. Il l’a démontré à travers ses expériences réalisées dans des bidons d’huile vides, des bouteilles d’eau recyclées qu’il utilise comme contenants. ‘’Nous avons constaté qu’il y a de plus en plus un rétrécissement de l’espace agricole. Nous avons estimé que dans quelques années il faudra nécessairement que dans les villes, on produise des légumes et des fruits pour manger, sinon il y aura des déficits à combler’’, explique Abou Diop à l’APS, à l’occasion de la journée internationale de la biodiversité.Suivant la valeur de partage de connaissance de l’agroécologie, Ballal, le GIE familial qu’il a monté et qui s’est fait un nom grâce surtout à ses nombreuses publications dans les réseaux sociaux, s’occupe de diffusion. Présente sur Youtube, sur Facebook, cette structure organise des visites à domicile de ses plantes, et songe même, pour les ‘’réglementer’’, à faire payer les visiteurs qui commencent à venir en nombre et à leur prendre beaucoup de temps. Après un post dimanche à l’occasion de la journée mondiale du thé, un autre a été fait ce lundi sur Facebook sur la journée internationale de la biodiversité. ‘’Souvent, les gens se plaignent de manque d’espace, nous nous avons réussi à mettre dans un immeuble, sur trois niveaux plus de 200 espèces’’. Parmi celles-ci, la star semble être le curcuma, cette ‘’plante du siècle’’ qui, selon lui, contient ‘’600 molécules et peut soigner 750 maladies’’. ‘’Des gens m’appellent de partout à travers le monde, pour me demander des renseignements sur le curcuma très efficace contre l’arthrose, le cancer le diabète et autres’’, se réjouit Diop.Rien de sorcier, relève-t-il toutefois. ‘’Il suffit d’avoir de la volonté et surtout de l’information’’. Avec dix bidons à la maison, il est possible de cultiver des légumineuses, pour sa consommation et pour la vente, mais aussi pour soigner certaines affections, préconise le septuagénaire. En militant convaincu de l’agroécologie, ce natif du Fouta bannit toute utilisation de pesticides ou d’engrais. A la place, il propose la bio-fertilisation et la bio-protection. Sur le toit et les balcons de son immeuble, il dispose les plantes de manière harmonieuse et crée une symbiose telle que les unes protègent ou aident à alimenter les autres. Certaines plantes répulsives qui chassent les insectes sont mises à côté d’autres qui le sont moins. Des plantes comme le niébé ou le ‘’mbantémbaré’’, qui captent l’azote grâce à une bactérie fixée à leurs racines, sont semées à côté d’autres qui n’ont pas cette faculté.Pour le traitement, des feuilles de ‘’nima’’ ou d’autres espèces sont malaxées dans de l’eau destinée à l’arrosage. ‘’Nous faisons tout en bio. Même l’eau de javel, on ne l’utilise pas, à la place, on utilise du carbonate ou du vinaigre blanc’’, dit Abou Diop, qui se dit très attaché à l’éthique, une autre valeur de l’agroécologie. Plus de 600 bidons découpés et des milliers de sachets d’eau recyclés reçoivent le terreau tiré de son compost, dans lequel il fait pousser ses plantes, réparties entre cinq sites. En plus des trois niveaux de la maison, il y a deux terrains qui lui ont été prêtés dans le quartier à côté de chez lui. Sur l’un d’entre eux, des plantes parmi les plus exotiques, comme le noni, venu de la Guadeloupe, le cédratier, des fruitiers issus d’un croisement, etc., côtoient des plantes ornementales, comme de langues de belle-mère, les belles de nuit, entre autres. L’autre parcelle sert de champ d’expérimentation des variétés étrangères. Avec l’appui de ses enfants et neveux, il a tout formalisé en une entreprise familiale, le GIE Ballal, dont il s’est retiré de la présidence, pour passer la main à sa fille. ‘’Depuis 2020, je ne suis plus président, mais conseiller technique, ce sont mes enfants qui gèrent la boîte’’, dit-il. ‘’Moi, je suis devenu un simple ouvrier’’, dit-il. Pour satisfaire au principe de gouvernance, une des exigences de l’agroécologie, une autre fille est la trésorière. Au bas de l’immeuble, des espaces sont aménagés pour servir de vitrine de toute la production de Ballal à l’intention des populations du quartier. Chez lui, la structure encadre des étudiants venus de l’Université Gaston Berger de (UGB) de Saint-Louis (Nord), de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), de centres de formation comme Cambérène et le lycée technique de Thiès. Membre de la plateforme de la FAO, ainsi que de l’AAAO, une structure sous-régionale d’agroécologie et de bien d’autres plateformes, Ballal, très soucieuse de ‘’faire tache d’huile’’, se sert beaucoup des réseaux sociaux pour diffuser son message.Abou Diop plaide pour une agroécologie urbaine. Dans un contexte de rétrécissement des espaces agricoles et de changements climatiques, cette forme d’agriculture reste la seule voie de salut, pour préserver la biodiversité, estime-t-il. Il pense qu’il faut éviter toute rupture de la chaîne alimentaire, responsable de tous les dérèglements, y compris des changements climatiques. Son GIE s’active dans la transformation, en produisant du savon, de la confiture et du thé. L’expérience du thé a été victime de son succès, raconte-t-il. La première production a été vite raflée, suite à une publicité sur les réseaux sociaux. Vu le temps que prend le séchage qui doit se faire à l’ombre, les conditions sont quasi-impossibles en hivernage, dit-il. La structure envisage de chercher un séchoir solaire pour lever cet obstacle, tout comme elle veut se doter d’un alambic, afin de produire des essences naturelles à partir de ses nombreuses plantes aromatiques et médicinales. Elle projette aussi d’acquérir une parcelle. L’USAID a équipé le GIE de chaises, d’un projecteur, d’un tableau et d’un ordinateur dans le cadre du projet Jeunesse en agriculture, pour assurer la formation des jeunes. Dix-sept femmes du quartier ont bénéficié d’une session de Ballal. ‘’Nous ne sommes pas sur des thèmes génériques, mais nous faisons de la pratique sur le terrain’’, en essayant autant que faire se peut de suivre les principes de l’agroécologie, note Abou Diop. La structure fait de la recherche sur les stratégies d’adaptation et de production de semences. Elle est sollicitée de l’intérieur du pays et de différentes parties du monde pour des semences, des conseils ou des formations, en raison de son expertise. ‘’Chercheur dans l’âme’’, l’homme qui avait passé 12 ans à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), continue de cultiver son sens de l’observation, qui l’a d’ailleurs pousser à mettre sur pied son exploitation actuelle. ‘’Au départ, c’était pour garder des plantes essentielles, ensuite l’appétit venant en mangeant, j’ai acheté au fur et à mesure d’autres semences’’, se souvient-il. En 2020, il dit avoir adressé une lettre au président de la République pour lui suggérer le lancement d’une ‘’recherche collaborative’’ entre les ministères en charge de l’Enseignement supérieur, de la Santé, et de l’Agriculture, afin de mettre à la disposition des paysans des plantes avec lesquelles ils peuvent se nourrir, se soigner et gagner de l’argent, raconte-t-il. Ce qui devait être accompagné d’un dispositif leur permettant de se passer des pesticides. Selon lui, le chef de l’Etat avait répondu en indiquant avoir transmis la lettre au ministère de l’Agriculture. Pour lui, même si cette proposition n’a pas connu de suite, elle reste ‘’la solution’’. Aujourd’hui, il cherche à pousser les citadins à s’inspirer de son expérience ‘’pour faire mieux ou plus’’. Il privilégie la ‘’rentabilité économique’’, l’aspect sanitaire et durable de ce modèle par rapport à la ‘’rentabilité financière’’ à propos de laquelle il est souvent interpellé. ADI/ASG
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